Reproductibilité intra et inter-examinateurs d’un nouveau test de force isométrique des cervicales

Kinesport
Les tests isométriques sont fréquemment utilisés pour évaluer la force maximale des athlètes. L’importance de vérifier leur reproductibilité est primordiale afin d’obtenir des données fiables et de mettre en place des programmes spécifiques. Les tests de force isométrique et leur reproductibilité ont été étudiés sur de nombreuses articulations, en particulier sur les membres inférieurs.
Le lien entre la force isométrique des cervicales dans les quatre directions (flexion, extension, inclinaison droite et gauche) et le risque de commotion dans le sport a déjà été démontré du fait de leur association avec la cinématique de la tête et du cou. Malgré cela, un manque de recommandations est toujours présent sur la réalisation de ces tests sur les cervicales. L’utilisation d’un dynamomètre manuel (HHD = HandHeld Dynamometer) est une option pratique et abordable cependant elle présente plusieurs limitations, telles que la force de l’examinateur qui le tient ou les problématiques de stabilisation, qui affectent la reproductibilité et la fiabilité des tests. 
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Cette étude diagnostique étudiant la fiabilité intra et inter-examinateurs d’un nouveau test isométrique pour évaluer la force du cou dans quatre directions est un article à faible risque de biais. Tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Les dynamomètres à cadran fixe (FFD = Fixed Frame Dynamometer) sont une nouvelle option de mesure de la force cervicale et sont actuellement considérés comme le gold standard car ils éliminent le biais que peut entraîner la force de l’examinateur tenant le dynamomètre (avec les HHD). Pourtant, les variations dans la méthodologie et les protocoles compromettent la reproductibilité des tests. La position de mesure la plus utilisée était la position assise avec le torse fixé, qui peut être intéressante dans les sports automobiles, mais les résultats de ces tests ne seront probablement pas transférables à d’autres sports, tels que le rugby, dans lesquels le corps est libre et les traumatismes arrivent pendant la course ou lorsque le corps est proche d’une position horizontale.

Les études effectuant les mesures de force avec le FFD utilisent des équipements de laboratoire qui permettent difficilement une utilisation en pratique quotidienne. Même les équipements spécialement élaborés pour les mesures de force cervicale, tels que le Multi-Cervical Unit (MCU), présentent des limitations telles qu’une capacité de détection maximale des capteurs de force de 22,6 kg (222 Newton), ce qui peut être largement en dessous de la force pouvant être développée par certains athlètes.
Le VALD ForceFrame est l’un des outils de mesure disponible sur le marché qui présente l’avantage d’être léger et transportable. Ses capteurs sensitifs ont une capacité de charge de 1000 N, une valeur sécuritaire de surcharge 1500 N et une valeur maximale de surcharge de 2000 N par capteur. La résolution est de 1 N et le taux d’échantillonnage de 400 Hz. Le ForceFrame a produit une reproductibilité excellente sur les mesures de force isométrique des adducteurs chez des footballeurs australiens professionnels. En revanche, aucune donnée n’est actuellement disponible sur l’évaluation de la force cervicale en flexion, extension et inclinaisons droite et gauche sur cet appareil.

L’objectif est dans un premier temps d’examiner la reproductibilité intra et inter-examinateurs des tests de force isométrique des cervicales en position quadrupédique sur le VALD ForceFrame, et dans un second temps de comparer les différences entre hommes et femmes dans un échantillon de sujets sains. La position quadrupédique est celle préconisée par VALD pour réduire les variabilités dues à l’ajout d’un équipement supplémentaire (tel qu’une chaise) lors des tests réalisés dans d’autres positions.

Méthode

Une étude de fiabilité intra et inter-examinateurs avec des mesures répétées en double session a été menée.

 Sujets 

L’échantillon initial comprenait 40 sujets, 20 hommes et 20 femmes. Tous les participants avaient plus de 18 ans, étaient physiquement actifs et ne présentaient pas de douleur ni d’antécédents de blessure aux cervicales. 4 sujets masculins ont été exclus au cours de l’étude, rapportant donc leur nombre total à 16. Chaque participant a dû se rentre deux fois au laboratoire, à au moins 72 heures d’intervalle, et des mesures anthropométriques ont été réalisées : taille, poids et tour de cou (périmètre mesuré au niveau du cartilage thyroïdien).

 Procédure 

Chaque participant a réalisé un échauffement cervical isométrique dans les quatre directions (flexion, extension, inclinaison droite et inclinaison gauche) en passant progressivement de 50% à 75% de l’effort maximal perçu. 
La position de référence était la position quadrupédique : mains écartées de la largeur des épaules, scapulas rapprochées, coudes en extension complète, hanches et genoux à 90°.
Pour relever les mesures, le capteur de force a été placé sur l’os frontal au-dessus des sourcils pour la flexion, sur l’occiput pour l’extension et sur les os temporaux au-dessus de l’hélix de l’oreille pour les inclinaisons droite et gauche. Avant les tests, les participants ont pu se familiariser avec l’appareil en réalisant des poussées à environ 80% de la MVIC (contraction isométrique maximale volontaire).

Lors de leur premier passage en laboratoire, c’est l’examinateur 1, un kinésithérapeute, qui a réalisé les mesures. Les participants ont reçu pour instruction d’inspirer et expirer et, quand il se sentaient prêts, de pousser au maximum pendant environ 3 secondes. Ils étaient encouragés verbalement et devaient respecter un délai minimum de 10 secondes entre chacune des trois répétitions. Le pic de force obtenu sur les trois répétitions dans les quatre directions a été retenu comme MVIC.

Lors du second passage, la fiabilité intra et inter-examinateur a été étudiée ; l’examinateur 1 (kinésithérapeute) et l’examinateur 2 (entraîneur en force et conditionnement) ont réalisé les mesures de force sur les participants, dans un ordre aléatoire et en laissant au minimum 30 minutes entre les deux essais. L’hypothèse est que l’utilisation du ForceFrame, du fait de son cadre fixe, devrait réduire la variabilité entre les examinateurs.

Résultats

Il y avait une différence significative entre les sexes sur la taille, la masse corporelle et le tour de cou, avec des données supérieures chez les hommes. Les pics de force les plus élevés ont été trouvés chez les hommes et sur l’extension cervicale pour les deux sexes. Il n’y avait pas de différence significative entre la force isométrique en inclinaison droite et gauche, et les forces développées en flexion et en extension étaient supérieures à celles développées en inclinaison. Les femmes ont présenté des pics de forces plus faibles dans les quatre directions et l’analyse statistique a montré un effet d’interaction significatif entre le sexe et la force développée en fonction de la direction.
Les données sur la reproductibilité inter-examinateurs présentaient des coefficients de corrélation de 0,96 pour l’extension, 0,97 pour la flexion et 0,97 pour les inclinaisons, ce qui indique une excellente fiabilité. La reproductibilité intra-examinateur avait un coefficient de corrélation > 0,87 dans toutes les directions, indiquant une fiabilité bonne à excellente.

Discussion

Le protocole de test de force isométrique des cervicales utilisé dans cette étude a présenté une bonne reproductibilité intra et inter-examinateur et les résultats sont en accord avec ceux trouvés sur d’autres dynamomètres fixés. Cette étude renforce donc les arguments en faveur de l’utilisation d’appareils à cadres fixes dans la mesure de force isométrique du cou, et plus particulièrement l’utilisation du VALD ForceFrame dans un contexte clinique et sportif.

La fiabilité absolue (SEm) des données des groupes a été calculée dans toutes les directions et pour les deux sexes et varie de 6 pour la flexion et l’inclinaison droite chez les femmes à 25 pour l’extension chez les hommes, ce qui est en accord avec une précédente étude de Almosnino et al, sauf pour l’extension. Cette différence peut s’expliquer par les différentes positions de départ utilisées dans ces deux protocoles. Dans cette étude, un changement supérieur à 34N (femmes) ou 69N (hommes) pour l'extension, 16N (femmes) ou 43N (hommes) pour la flexion, 28N (femmes) ou 45N (hommes) pour la LSF, et 16N (femmes) ou 54N (hommes) pour la RSF est nécessaire pour indiquer qu'un changement clinique significatif (MDC) s'est produit dans les valeurs MVIC. Il est important d'en tenir compte lors de l'utilisation des mesures pour informer et mesurer l'efficacité des programmes d’entrainements.

Les participants masculins ont développé une force maximale moyenne de 269N ce qui est similaire à celle retrouvée dans des études antérieures en position assise avec le torse soutenu. Ils sont en moyenne plus forts que les femmes de 102%, 80%, 70% et 67% pour l’extension, la flexion, l’inclinaison droite et l’inclinaison gauche, respectivement. La force plus importante en extension pour les deux sexes peut être attribuée à une plus grande aire de section transversale des muscles extenseurs cervicaux par rapport aux muscles fléchisseurs ainsi qu’à leur rôle primordial dans la stabilité de la tête et du cou.

Enfin, la procédure de test adoptée dans cette étude offre un protocole simple et efficace en pratique clinique en raison de la faible charge d’équipement nécessaire et de la simplicité de la position de départ du test. La position quadrupédique minimise les variables liées aux contraintes externes, et la stabilité obtenue en demandant aux participants la rétraction complète des omoplates (engagement des muscles thoraciques) rend cette position hautement reproductible. De plus, la position quadrupédique est pertinente dans de nombreux sports qui impliquent des postures libres et non contraintes.

Conclusion

La force cervicale est considérée comme un facteur de protection dans tous les sports. Le ForceFrame de VALD fournit des mesures fiables sur les forces maximales isométriques des muscles du cou dans les quatre directions lorsqu’ils sont évalués dans une position quadrupédique chez des hommes et femmes en bonne santé. La reproductibilité du protocole et de l’équipement permet d’augmenter la confiance entre les examinateurs et d’effectuer des comparaisons précises entre les populations. Les résultats soutiennent l’effort actuel qui consiste à mieux comprendre les mécanismes reliant la force cervicale au risque de blessure. Les dynamomètres à cadre fixe ainsi que les protocoles cliniquement applicables et disponibles dans le commerce constituent le gold-standard faisant évoluer de façon positive les recherches. 

Référence article

McBride L, James RS, Alsop S, Oxford SW. Intra and Inter-Rater Reliability of a Novel Isometric Test of Neck Strength. Sports (Basel). 2022 Dec 21;11(1):2. doi: 10.3390/sports11010002. PMID: 36668706; PMCID: PMC9860534.