Les modalités thérapeutiques physiques associées au travail excentrique ne sont pas meilleures que l’exercice excentrique seul dans le traitement des tendinopathies chroniques d’Achille : Revue systématique et méta-analyse

Kinesport
La tendinopathie chronique d’Achille se retrouve dans des populations sportives et non-sportives et est caractérisée par une douleur importante et une impotence fonctionnelle. Son incidence est estimée à 235 / 100000 chez les 21 – 60 ans et sa prévalence augmente dans les sports impliquant de hauts volumes de course. La portion moyenne du tendon est la plus touchée et on y retrouve souvent une désorganisation des fibres de collagène ainsi qu’une augmentation de la vascularisation.
Récemment, des cellules immunitaires telles que les macrophages et les cellules endothéliales ont été identifiées chez des sujets atteints de tendinopathie chronique d’Achille.

La réhabilitation est longue, aucun des traitements étudiés dans les essais randomisés n’a montré de reproductibilité et il existe un manque de clarté sur les mécanismes impliqués dans l’amélioration des symptômes suite à un exercice excentrique.
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Cette méta-analyse est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude. Cependant, l’étude s’est focalisée uniquement sur les trois modalités physiques suivantes : attelle de nuit, thérapie au laser et thérapie par ondes de choc, ne permettant pas de savoir si d’autres modalités physiques sont étudiées dans la littérature.
Il existe actuellement trois théories sur ce dernier point :
  • Modification de la sensation de douleur suite à la réalisation d’exercices excentriques douloureux
  • L’exercice excentrique détruit la néovascularisation et la croissance nerveuse autour du tendon qui sont les deux responsables de la douleur
  • L’allongement de la jonction myotendineuse obtenue par l’excentrique diminue la tension sur le tendon d’Achille et améliore sa résistance à la traction
L’exercice excentrique a montré son efficacité dans de nombreuses revues systématiques notamment dans les atteintes de la portion moyenne du tendon d’Achille, mais il manque encore des évidences sur l’intérêt de son utilisation sur tous les types de tendinopathie
Concernant les modalités thérapeutiques physiques, la littérature actuelle suggère l’utilisation de vibrations à corps entier, de cryothérapie, d’ondes de choc ou encore du AirHeel brace™ sur les tendinopathies chroniques d’Achille. Les effets positifs de ces thérapies sur les symptômes seraient dus à la diminution des biomarqueurs inflammatoires présents dans les tendinopathies chroniques
Cette étude aura pour but de comparer les effets obtenus par les modalités thérapeutiques physiques associées à l’exercice excentrique et les effets obtenus par l’exercice excentrique seul, à court et à long terme. 

Méthode

La recherche a été réalisée sur les bases de données de PubMed, PEDro, MEDLINE, CINAHL et Google Scholar et les articles inclus étaient en anglais avec une date de publication en novembre 2020 pour le plus récent. 
Les variables choisies pour évaluer les effets des thérapies ont été le VISA-A, le NPRS (Numeric Pain Rating Scale) et la douleur induite par la charge, quantifiée par le NRS (Numeric Rating Scale ; de 0 à 10).
Le VISA-A est un test valide et reproductible, composé de 8 questions auxquelles le patient répond seul, donnant un résultat de 0 à 100 permettant de quantifier la sévérité de la tendinopathie. 
Le NPRS et le NRS induit par la charge sont deux échelles allant de 0 (aucune douleur) à 10 (pire douleur imaginable) permettant au patient de quantifier sa douleur. 
Le groupe de modalités thérapeutiques physiques associées au travail excentrique (PMEE) comprenait des études qui traitaient des ondes de choc (SWT), de la thérapie laser de bas niveau (LLLT), des attelles de nuit et de l’Astym® (instrument portatif qui transfère les contraintes de cisaillement et de pression aux tissus mous).
Le groupe exercice excentrique (EE) comprenait les études appliquant des protocoles de travail excentrique en comparaison à des placebos ou des leurres (exercices qui n’entrainaient pas de réponse physiologique ou biomécanique). Toute étude impliquant d’autre mode de contraction a été exclue.
La différence moyenne standardisée a été calculée pour les groupes PMEE et EE pour interpréter les effets des variables de résultats ; une valeur de 0,2 signifiant une taille d’effet faible, 0,5 une taille d’effet moyenne et 0,8 une taille d’effet élevée.
Les variables choisies pour évaluer les effets des thérapies ont été le VISA-A, le NPRS (Numeric Pain Rating Scale) et la douleur induite par la charge, quantifiée par le NRS (Numeric Rating Scale ; de 0 à 10).
Le VISA-A est un test valide et reproductible, composé de 8 questions auxquelles le patient répond seul, donnant un résultat de 0 à 100 permettant de quantifier la sévérité de la tendinopathie. 
Le NPRS et le NRS induit par la charge sont deux échelles allant de 0 (aucune douleur) à 10 (pire douleur imaginable) permettant au patient de quantifier sa douleur. 
Le groupe de modalités thérapeutiques physiques associées au travail excentrique (PMEE) comprenait des études qui traitaient des ondes de choc (SWT), de la thérapie laser de bas niveau (LLLT), des attelles de nuit et de l’Astym® (instrument portatif qui transfère les contraintes de cisaillement et de pression aux tissus mous).
Le groupe exercice excentrique (EE) comprenait les études appliquant des protocoles de travail excentrique en comparaison à des placebos ou des leurres (exercices qui n’entrainaient pas de réponse physiologique ou biomécanique). Toute étude impliquant d’autre mode de contraction a été exclue.
La différence moyenne standardisée a été calculée pour les groupes PMEE et EE pour interpréter les effets des variables de résultats ; une valeur de 0,2 signifiant une taille d’effet faible, 0,5 une taille d’effet moyenne et 0,8 une taille d’effet élevée.

Résultats

Cette revue systématique a inclus 8 études, les participants (des hommes et femmes âgés de 18 à 70ans) ont été suivis sur le court terme (<4semaines) pour 199 d’entre eux et sur le long terme (12 – 16 semaines) pour les 421 autres sujets. Les 8 études étaient considérées comme de haute qualité.
La tendinopathie chronique d’Achille a été définie par des symptômes supérieurs à 3 mois, situés entre 2 et 6 cm à partir du calcanéus, associés à un échec du traitement conservateur.
Toutes les études incluses contenaient un protocole d’exercice excentrique. Pour les groupes PMEE, 3 études ont utilisé les ondes de choc comme intervention, 2 la thérapie laser bas niveau, 1 les attelles de nuit, 1 les orthèses plantaires et 1 l’Astym®.

Concernant la mesure des résultats, le suivi des effets à court terme a été fait par le VISA-A pour 4 études et le NRPS pour 3 études. Pour le suivi à long terme, les 8 études ont inclus le VISA-A, 3 d’entre elles y ont ajouté le NRPS et 3 autres y ont ajouté le NRS induit par la charge.

Le protocole de travail excentrique était commun et de haute qualité dans toutes les études ; freinage de la dorsiflexion de cheville (calf raise excentrique), 3 séries de 15 répétitions genou fléchi puis genou tendu, l’ensemble effectué 2 fois par jour, tous les jours pendant 12 semaines.
Les études n’ont pas montré de différences significatives sur le VISA-A entre les groupes PMEE et EE, que ce soit à court terme (SMD=0,03) ou à long terme (SMD=0,43).

Les résultats ont été similaires pour le NRPS qui n’a pas présenté de différence significative entre les groupes ni à court terme (SMD=-0,16), ni à long terme (SMD=-0,39).
Le NRS induit par la charge a été évalué uniquement à long terme, et il n’existe pas de différences significatives sur ce score entre les groupes PMEE et EE (SMD=0,46).

Discussion

De nombreuses études ont étudié l’impact de différents protocoles d’exercice excentrique du tendon d’Achille mais cette revue systématique et méta-analyse est la première à comparer les effets de l’excentrique seul et ceux de l’exercice excentrique associé à des modalités thérapeutiques physiques. Les résultats suggèrent qu’il n’y a pas de différences significatives entre les groupes PMEE et EE sur les VISA-A, NRPS et NRS induit par la charge aussi bien à court terme qu’à long terme.

Concernant le VISA-A, l’exercice excentrique seul semble avoir plus d’effet positif que les PMEE à court terme, mais aussi à long terme ce qui pourrait s’expliquer par l’augmentation de la fonctionnalité suite à la mise en place de l’excentrique sur une longue période. D’autres études montrent que le calf raise excentrique chargé améliore le VISA-A de façon plus importante que les techniques de physiothérapie. Cela pourrait être expliqué par le fait que les modalités thérapeutiques physiques ont des effets sur les biomarqueurs de l’inflammation mais non sur la force, à l’inverse du travail excentrique. En revanche, bien qu’il y ait peu de littérature sur les effets directs des ondes de choc sur la force du tendon d’Achille, une de ces études suggère que les ondes de choc améliorent la force isocinétique des muscles du genou.

Concernant le NRPS, les résultats trouvés dans cette revue sont en accord avec une précédente étude de McCormack et al. qui montre une amélioration de la douleur sur le NRPS dans les groupes PMEE utilisant l’Astym® et dans les groupes EE mais sans différence significative entre les deux. Il en est de même pour les groupes avec thérapie laser de bas niveau. L’amélioration de la douleur au NRPS serait donc due à l’exercice excentrique lui-même, comme l’ont montré Knobloch et al. avec un passage du NRPS de 6 à 3 suite à 12 semaines de protocole excentrique.

Concernant le NRS induit par la charge, une précédente étude suggère un effet positif des ondes de choc associées à l’EE comparé à l’EE seul, mais les résultats doivent être interprétés avec précaution à cause de l’hétérogénéité présente. Les ondes de choc sont connues pour entrainer une néovascularisation, considérée comme responsable de la douleur, ce qui serait donc en contraste avec l’effet souhaité. Les autres études ne montrent pas de différences entre les groupes PMEE et EE sur le NRS induit par la charge.
Suite à ces résultats, 4 mécanismes ont été suggérés pour expliquer l’absence de différences entre les groupes PMEE et EE :
  • L’amélioration fonctionnelle dans les tendinopathies chroniques d’Achille est liée à l’augmentation de la force et de la tension intramusculaire, les deux étant améliorées par l’exercice excentrique.
  • L’effet des modalités thérapeutiques physiques serait dose-dépendant, avec des différences en fonction de l’intensité, l’amplitude, la fréquence et la durée d’application, et les protocoles présents dans les études n’étaient pas optimaux. La fréquence des ondes de choc utilisée était de 8 Hz (supérieure aux recommandations de 5 Hz). Pour la thérapie laser de bas niveau le dosage était de 3 J/point (recommandations à 0,9 J/point), et il a été montré que le surdosage était contre-productif sur l’activation des fibroblastes et la production des fibres de collagène. 
  • L’exercice excentrique induit des dommages sur les nouveaux vaisseaux sanguins et les forces de cisaillements produites pendant l’EE diminuent le flux sanguin local, ce qui annulerait les effets des modalités thérapeutiques physiques.
  • Trois types de morphologies de pieds ont été identifiées chez les patients souffrant de tendinopathie chronique d’Achille (pronateur, supinateur et normal). Les orthèses sont bénéfiques chez les patients pronateurs par correction du valgus calcanéen, de l’adduction du talus et de la flexion plantaire, mais pas sur les autres morphologies de pieds, or tous les types de pieds ont été inclus dans les études. De plus, les modalités d’application et la durée de port des orthèses n’étaient pas précisées.
Enfin, les critères diagnostics ne permettaient pas de classer de manière uniforme les patients avec tendinopathie chronique d’Achille, ce qui peut avoir un impact sur les résultats. A l’avenir, les études devraient évaluer l’effet de différents dosages d’exercices excentriques en y rajoutant des tests fonctionnels, et devraient mesurer la saturation en oxygène ainsi que le contenu en hémoglobine de la micro-circulation du tendon d’Achille.

Conclusion

Cette revue systématique et méta-analyse n’a donc pas mis en évidence de différences entre les groupes PMEE et EE sur le VISA-A, le NRPS et le NRS induit par la charge que ce soit à court-terme ou à long-terme. L’exercice excentrique seul est une stratégie fondée sur les preuves scientifiques pour la réhabilitation des personnes souffrant de tendinopathie chronique d’Achille, athlétiques ou non-athlétiques, par l’augmentation de la résistance du tendon à la traction et la réduction des contraintes lors des mouvements de la cheville qu’il induit. Pour le dosage, la synthèse d’études de haute qualité suggère un exercice excentrique (calf raise avec genou fléchi puis genou tendu) effectué en 3 séries de 15 répétitions, 2 fois par jour, tous les jours pendant 12 semaines.

Référence article

Arora NK, Sharma S, Sharma S, Arora IK. Physical modalities with eccentric exercise are no better than eccentric exercise alone in the treatment of chronic achilles tendinopathy: A systematic review and meta-analysis. Foot (Edinb). 2022 Apr 20;53:101927. doi: 10.1016/j.foot.2022.101927. Epub ahead of print. PMID: 36037777.