Les auteurs ont réalisé une revue en deux volets :
- Première partie : 43 études (1970 à 2023), regroupant 32 408 athlètes, explorant les facteurs psychologiques prédictifs du risque de blessure.
- Deuxième partie : 26 études (1992 à 2023), incluant 2 676 athlètes, analysant les variables psychologiques influençant la récupération post-blessure.
La qualité méthodologique a été contrôlée via la grille AXIS et la PRISMA checklist. Le tout aboutit à une revue rigoureuse, avec des analyses de sous-groupes et des calculs d'effets standardisés.
Les données confirment que les variables émotionnelles négatives sont les meilleurs prédicteurs de blessures. L’anxiété-trait (c'est-à-dire la propension générale d'un individu à être anxieux) montre une association modérée avec le risque de blessure (d = 0,31). Les états de stress perçus dans la vie quotidienne (stress organisationnel, pression académique, stress familial) sont aussi fortement liés (d = 0,41).
En revanche, les styles d’attention ou de coping (comme le fait d’être plus ou moins tourné vers soi ou vers l’extérieur face à la douleur ou la performance) semblent jouer un rôle beaucoup plus faible. De même, les variables motivationnelles (orientation but vers la performance) ou la personnalité générale (extraversion, névrosisme) ne ressortent pas comme des facteurs significatifs.
Autrement dit, les athlètes les plus exposés aux blessures seraient ceux traversant des périodes de surcharge émotionnelle ou de stress chronique, davantage que ceux ayant simplement des traits de personnalité particuliers.
Du côté de la guérison, la littérature est encore moins homogène, mais certaines tendances nettes émergent. Les stratégies adaptatives de gestion des émotions (restructuration cognitive, acceptation, gestion du stress) améliorent significativement la vitesse et la qualité de la récupération (d = 0,42). Le soutien social perçu est également un levier essentiel (d = 0,48), qu’il soit familial, médical ou provenant du staff sportif.
En revanche, la motivation simple à revenir sur le terrain ne suffit pas. Les patients les plus déterminés peuvent paradoxalement chuter dans des comportements de reprise prématurée s’ils ne régulent pas bien leurs émotions.
L’étude souligne aussi l’impact possible de la peur de se re-blesser (kinesiophobie), mais la variabilité des outils de mesure empêche encore d’en tirer des conclusions solides.
Cette revue propose un message clé :
les professionnels du sport (kinésithérapeutes, médecins, préparateurs, psychologues) doivent systématiquement intégrer une évaluation psychologique simple mais ciblée dans la prévention et la rééducation.
Chez l’athlète en bonne santé, il convient de repérer les périodes de surcharge émotionnelle (examens, conflits familiaux, stress professionnel, burn-out latent) pour ajuster l’intensité des entraînements ou proposer un soutien psychologique préventif.
Chez l’athlète blessé, l’entourage médical doit favoriser le soutien social actif, enseigner des techniques simples de gestion émotionnelle, et surveiller les éventuels comportements à risque de reprise hâtive dictée par l’anxiété ou la peur du déclassement.
L’étude ne cache pas la grande hétérogénéité méthodologique des publications antérieures. Les échantillons sont souvent faibles, les outils de mesure très variables, et les suivis longitudinalement limités. Podlog et Ivarsson appellent à des recherches de meilleure qualité, intégrant des modèles biopsychosociaux complets et des protocoles de suivi standardisés.
L’intégration de données issues des neurosciences affectives, de la psychologie du sport appliquée et de la biomécanique pourrait enrichir encore les futurs modèles de compréhension des blessures
L’intégration des variables psychologiques doit devenir un réflexe clinique dans la prévention et le suivi des blessures sportives. Chez l’athlète en prévention, il est recommandé de surveiller activement les périodes de surcharge émotionnelle, qu’elles soient professionnelles, scolaires ou familiales, et d’ajuster temporairement les charges d’entraînement lorsque ces facteurs de stress sont identifiés. Un simple questionnaire validé de stress perçu ou d’anxiété-trait peut suffire à détecter les athlètes les plus exposés.
En phase de réathlétisation après blessure, l’équipe pluridisciplinaire doit associer les soins physiques à un accompagnement psychologique actif. L’éducation émotionnelle, la restructuration cognitive, la gestion de la peur de récidive et le renforcement du soutien social (famille, staff, pairs) sont des leviers documentés pour accélérer et sécuriser le retour au sport. Une attention particulière doit être portée aux athlètes les plus perfectionnistes ou pressés de reprendre, chez qui l’absence de régulation émotionnelle peut favoriser des reprises trop précoces et des récidives.
L’anxiété et le stress chronique augmentent clairement le risque de blessure chez les athlètes.
La qualité du soutien social et la capacité à gérer ses émotions favorisent une meilleure récupération post-blessure.
Les traits de personnalité généraux et la simple motivation à revenir sur le terrain ont un impact limité sur la prévention et la guérison.
Une approche intégrant évaluation psychologique et prise en charge émotionnelle doit faire partie des protocoles de prévention et de réathlétisation.