Examen clinique de la pubalgie - 2 articles

Mar 14 / Kinesport

Les tests de provocation de douleur et entités cliniques chez les footballeurs masculins avec des pubalgies chroniques sont associés à l’intensité de la douleur et le niveau de handicap
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Examen clinique des athlètes avec pubalgie : reproductibilité inter-examinateurs et prévalence des tests positifs

Cette synthèse s’intéressera à deux articles traitant de l’examen clinique des patients atteints de pubalgie, tous deux parus en janvier 2023. La pubalgie est une pathologie fréquente dans de nombreux sports, notamment ceux à changement de direction, et elle est caractérisée par une douleur dans la région de l’aine et du pubis, exacerbée à l’effort et par des tests de provocation.
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Cette étude de reproductibilité diagnostique inter examinateurs est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Pendant de nombreuses années, les terminologies servant à caractériser cette pathologie étaient trop hétérogènes, particulièrement pour la pubalgie d’origine inguinale. Pour pallier à cette problématique, l’agrément de Doha a vu le jour en 2015 et a éclairci la taxonomie des pubalgies, en les classant en fonction de l’entité clinique atteinte : adducteurs, ilio-psoas, inguinal, pubis. Cette classification est faite suite à un diagnostic impliquant l’historique du patient et l’examen clinique, qui comporte de nombreux tests de provocation de la douleur et de la palpation. Dans le cas des pubalgies d’origine inguinale, la douleur est localisée dans la région du canal inguinal ; elle est exacerbée à l’effort, à la contraction résistée des abdominaux, reproduite lors de la palpation, des manœuvres de Vasalva, de toux ou d’éternuement.

De plus, il semblerait que le nombre de tests positifs de provocation de douleur soit en corrélation avec l’intensité de la douleur perçue par le patient et le nombre d’entités cliniques atteintes. Dans le cas des pubalgies aigues, plus il y a de structures anatomiques atteintes plus le nombre de jours perdus par le patient est important, mais cela n’est pas encore confirmé chez les sportifs avec pubalgie chronique (LSGP = Long Standing Groin Pain). Les chances de succès de la réhabilitation semblent aussi diminuer avec le nombre de structures atteintes, particulièrement chez les personnes présentant des symptômes bilatéraux.
Les deux études présentes dans cette synthèse auront donc deux objectifs distincts :
  • Investiguer les relations chez les footballeurs masculins entre l’intensité de la douleur, le handicap perçu et le nombre de tests de provocation positifs, le nombre d’entités cliniques atteintes et les symptômes bilatéraux auto-rapportés
  • Évaluer la reproductibilité inter-examinateurs des tests de palpation de la région abdominale et des tests de provocation de la douleur chez des patients atteints de LGSP d’origine inguinale, ainsi qu’observer la prévalence de tests positifs dans cette même population.

Étude sur les tests de provocation de douleur et entités cliniques chez les footballeurs 

Méthode

C’est une étude transversale réalisée en 2011 et 2012 sur 700 footballeurs semi-professionnels, tous âgés de plus de 18ans et ayant expérimenté une pubalgie depuis plus de 6 semaines. Les données récoltées proviennent de questionnaires et de tests cliniques. Les questionnaires utilisés ont été le HAGOS, original sur 37 items et revisité sur 30 items, ainsi qu’un formulaire descriptif de la blessure notamment son mécanisme d’apparition, l’intensité de la douleur perçue et la latéralité. 
Les tests cliniques comprenaient le 5 Secondes Squeeze Test (Copenhague, 5SST) avec cotation de la douleur sur une échelle de 0 à 10 et les tests de provocation, au nombre de 18 (cf tableau). Ces tests proviennent des travaux de Hölmich & al et sont considérés positifs lorsqu’ils reproduisent la douleur symptomatique du patient. Ils permettent aussi de déterminer les entités cliniques atteintes dans la pubalgie. Selon le consensus de Doha de 2015, les entités atteintes peuvent être classées dans 4 catégories : adducteur, psoas, inguinal et pubis. Chaque patient peut donc présenter 7 entités cliniques potentiellement impliquées dans sa pubalgie car chaque structure est présente de façon bilatérale, hormis pour le pubis.

Pour l’analyse des données, les patients ont été séparés en deux groupes (douleur unilatérale / douleur bilatérale) puis les résultats de chaque test ont été relevés et comparés entre les deux groupes.

Résultats

Sur les 700 footballeurs examinés, 48 ont présenté des signes cliniques de pubalgie dont 35 avec au moins une entité clinique atteinte et mise en évidence par les tests. En moyenne, il y avait 10 tests de provocation positifs par footballeur et le nombre de tests positifs présente une corrélation modérée à forte avec le niveau de handicap perçu et l’intensité de la douleur.
Les footballeurs présentaient en moyenne 3 entités cliniques impliquées dans leur pubalgie avec pour diagnostic le plus commun l’atteinte de l’iliopsoas. Le nombre d’entités atteintes présente une corrélation modérée avec le niveau de handicap et de douleur ainsi qu’avec le nombre de tests de provocation positifs. Enfin, les joueurs présentant des symptômes bilatéraux présentaient un plus grand nombre de tests positifs ainsi que d’entités cliniques atteintes, l’ensemble étant en corrélation avec l’intensité de la douleur et le niveau de handicap perçu.

Discussion

Cette étude nous a démontré une corrélation modérée à forte entre le nombre de tests de provocations positifs, le nombre d’entités cliniques atteintes et l’intensité de la douleur ainsi que le handicap perçu. Il existe une forte relation entre le score HAGOS, le 5SST et le nombre de tests positifs et d’entités cliniques atteintes, ce qui laisse penser que les mécanismes sous-jacents expliquant cette corrélation sont identiques. Pour le nombre d’entités cliniques atteintes, cela est en accord avec une précédente étude de Jacobson & al qui a montré des changements dans le score HAGOS et le 5SST avant et après chirurgie, pouvant s’expliquer par le fait qu’il y a moins de structures atteintes et impliquées dans la pubalgie après la chirurgie. En revanche, les sous-catégories du score HAGOS sur la participation et la qualité de vie ne semblent pas en corrélation avec le nombre de tests positifs, ce qui suggère qu’il existe d’autres mécanismes sous-jacents chez les patients LSGP qui peuvent affecter leur qualité de vie. 
Les mécanismes pouvant expliquer cette relation ne sont pas encore connus, mais deux hypothèses ont été proposées :
  • Le nombre de tests positifs, lié au nombre d’entités cliniques atteintes, est représentatif de l’extension progressive des atteintes tissulaires chez les patients avec LSGP, car les atteintes de bases pourraient s’aggraver avec la durée de la pubalgie. En revanche l’association entre la LGSP et les anormalités radiologiques manque de fiabilité et de constance et d’autres études devraient donc se focaliser sur ce sujet
  • Plus le nombre de structures atteintes est important, plus le phénomène douloureux est accentué par les phénomènes d’hypersensibilisation périphérique et/ou centrale. L’hyperalgésie mécanique primaire a été identifiée comme le facteur principal de production de douleur chez les patients atteints de pubalgie avec une seule entité clinique impliquée, ce qui laisserait supposer que ce phénomène est facilité chez les patients avec plus structures anatomiques impliquées dans leur pubalgie, augmentant donc la sensation de douleur et le nombre de tests de provocations positifs.

Étude sur la reproductibilité inter-examinateur

Méthode

Les participants étaient tous des athlètes masculins, âgés de 18 à 40 ans et atteints de pubalgie d’origine inguinale depuis au moins 4 semaines. Ils ont été divisés en deux groupes : LSGP inguinale objectivée (douleur dans la région du canal inguinal à la palpation et accentuée par l’effort) et LSGP inguinale relative (lorsque les sujets présentaient seulement la plupart des symptômes et certains tests positifs, mais pas tous). Chaque participant a été examiné par deux experts, le chirurgien Zarko Vuckovic et le kinésithérapeute Andreas Serner, après qu’ils aient tous deux suivi un entrainement de 10 sessions afin de performer les mêmes tests cliniques. Les experts étaient en aveugle l’un par rapport à l’autre et les participants de devaient pas donner d’informations sur le premier examen qu’ils avaient reçu.

Les données collectées concernaient d’abord les résultats des scores HAGOS et OSTRC (pour les pathologies de surutilisation) puis les résultats des tests cliniques, qui étaient divisés en deux parties : la palpation de la région et les tests contre résistance. Pendant les tests, les participants avaient pour instruction de signaler toute douleur reproduisant leurs symptômes et de la noter sur une échelle de 0 à 10.

Résultats

Dans cette étude, 44 athlètes ont été inclus dont 17 présentant des symptômes bilatéraux. La reproductibilité inter-examinateurs varie de faible à forte et dépend des zones de palpation ; pour le droit de l’abdomen, la reproductibilité varie de légère pour la palpation des insertions à forte pour la palpation du muscle et du tendon. La palpation de l’invagination du canal inguinal varie aussi de légère à modérée lorsqu’elle ne se focalise pas sur la douleur. Enfin, les examinateurs ont dû classer les patients dans les catégories de pubalgie d’origine inguinale, définie ou relative. Le premier examinateur a classé 41 patients dans cette catégorie et le deuxième examinateur en a classé 37, ce qui donne une bonne reproductibilité inter-examinateurs

Discussion

Cette étude est la première à évaluer la reproductibilité inter-examinateurs sur les tests de la pubalgie. Les tests de palpation sont un peu moins reproductibles que les tests de résistance et varient selon les la structure palpée ; la palpation présente une reproductibilité faible pour la structure du mur postérieur, forte pour renflement du mur postérieur et modérée pour la taille de l’anneau inguinal superficiel. Elle est donc moins fiable dans cette étude que ce qui a été décrit dans les études précédentes.
Les tests de résistances des abdominaux présentent une reproductibilité modérée à forte, et ils sont positifs chez 21 à 49% des patients atteints de pubalgie d’origine inguinale.
Pour expliquer la faible reproductibilité inter-examinateurs de la palpation de l’insertion du droit de l’abdomen, les auteurs mettent en avant la proximité entre cette structure et la symphyse pubienne, ce qui peut compliquer la palpation car il faudra réussir à différencier si c’est bien l’insertion du droit de l’abdomen qui provoque la douleur ou si c’est la symphyse pubienne.
Pour aider dans ce diagnostic, les tests de résistance seront plus fiables. L’examen des patients avec pubalgie doit donc suivre les recommandations néerlandaises et comprendre un cluster de tests, car c’est cet ensemble de tests qui sera plus précis et reproductible que des tests isolés.

La reproduction de douleur est présente lors de la palpation de l’invagination scrotale chez 94% des athlètes avec pubalgie d’origine inguinale, mais ce test est malheureusement peu connu et pratiqué par les professionnels de santé, en particulier les kinésithérapeutes. Cette étude montre que malgré cela, les tests de palpation et de résistance des abdominaux permettent de diagnostiquer 90% des patients, et que la palpation de l’invagination scrotale n’aiderait dans le diagnostic que pour 1 patient sur 10. Il est important de noter que le test qui a le plus souvent été retrouvé positif chez les patients avec pubalgie d’origine inguinal est le cross-test avec résistance sur l’épaule controlatérale et sur la flexion de hanche homolatérale (breaktest des muscles obliques).

Les auteurs précisent qu’il est très important d’informer le patient sur la reproduction de la douleur symptomatique lors des tests ; en effet, 24% des tests de palpation sont douloureux chez les patients mais ne reproduisent pas leur douleur de pubalgie et ne doivent donc pas être considérés comme positifs et en lien avec la pubalgie. Le patient devra donc informer uniquement sur les tests qui révèlent la douleur pour laquelle il consulte afin d’éviter le risque de sur-diagnostic. Par exemple, si la palpation du canal inguinal n'est pas douloureuse le patient ne doit pas être classifié comme pubalgie d’origine inguinal selon l’agrément de Doha ; en revanche si les autres tests de provocation sont positifs on pourra le classer dans la catégorie « pubalgie inguinale relative ».
Enfin, les auteurs rappellent que l’imagerie, notamment l’échographie, est souvent utilisée dans le diagnostic des patients atteints de pubalgie mais qu’elle n’est pas toujours significative. On retrouve par exemple un renflement de la paroi du mur postérieur chez 65% des athlètes asymptomatiques. De plus, il faut être vigilant sur la reproductibilité des examens d’imagerie ainsi que de leurs interprétations.
Les recommandations des auteurs sur l’examen des patients atteints de pubalgie sont de commencer par un historique du patient et de compléter par un cluster de tests impliquants de la palpation et des tests contre résistance.

Conclusion commune

Il n’existe pas de test parfaitement fiable pour le diagnostic des patients atteints de pubalgie, il faut suivre un cluster de tests de palpation et de tests de résistance, ce qui augmente la reproductibilité inter-examinateurs et donc la fiabilité du diagnostic. Le nombre de tests positifs et d’entités cliniques atteintes nous donne des informations sur la « gravité » de la pubalgie, car ils sont en lien avec une douleur et une altération de la qualité de vie plus importante. Les professionnels de santé devraient donc intégrer ces facteurs dans leur prise en charge, car plus les tests positifs sont nombreux, plus les tissus risquent d’être irritables, ce qui pourra compliquer la rééducation. L’utilisation du score HAGOS, retrouvé dans ces deux études, permettra de préciser le diagnostic et servira de marqueur pour la progression et l’amélioration des symptômes du patient tout au long de sa rééducation. 

Référence article #1

Nielsen, M.F., Ishøi, L., Juhl, C., Hölmich, P., Thorborg, K., Pain provocation tests and clinical entities in male football players with longstanding groin pain are associated with pain intensity and disability, Musculoskeletal Science and Practice (2023), doi: https://doi.org/10.1016/j.msksp.2023.102719.

Référence article #2

Heijboer WMP, Vuckovic Z, Weir A, Tol JL, Hölmich P, Serner A. Clinical examination for athletes with inguinal-related groin pain: interexaminer reliability and prevalence of positive tests. BMJ Open Sport Exerc Med. 2023 Jan 11;9(1):e001498. doi: 10.1136/bmjsem-2022-001498. PMID: 36643406; PMCID: PMC9835948.