Association entre le génotype ACTN3 R577X et le risque de blessure sans contact chez les athlètes entrainés : revue systématique

Nov 7 / KINESPORT

Introduction

La protéine alpha-actinine-3 est un composant structurel du disque Z, encodé par le gène ACTN3. Son rôle principal est d’accrocher les filaments fins d’actine afin d’aider à maintenir le réseau myofibrillaire des muscles, ce qui contribue à la régulation de la longueur et de la tension pendant une contraction musculaire. L’alpha-actinine-3 est présente uniquement dans les muscles rapides, ce qui suggère une fonction spécifique de puissance et de rapidité lors des contractions. Une variante génétique commune du gène ACTN3, connue sous le nom de R577X, est le remplacement de l’arginine par un code stop (X) au niveau de l’acide aminé 577. Les individus présentant ce génotype ACTN3 XX ont donc un déficit en alpha-actinine-3. Ce déficit n’entraine pas de maladie mais il a été démontré qu’il produisait des effets négatifs tels qu’une force musculaire plus faible, un volume musculaire réduit, une capacité réduite à supporter la tension lors de contractions musculaires explosives ou encore une diminution de la densité osseuse.
Avis du pôle scientifique Kinesport
Pastille verte
La méthodologie de cette revue systématique permet de contrôler au mieux les risques de biais. A noter que les raisons ayant conduit les auteurs à exclure certaines études de la revue ne sont pas précisées.
Chez les athlètes, le génotype ACTN3 XX peut donc avoir une influence négative sur les performances de sprint et la puissance musculaire. Plusieurs études ont par ailleurs montré une prévalence plus importante du génotype ACTN3 RR (individus homozygotes sur l’allèle R ; génotype exprimant le plus la protéine alpha-actinine-3) chez les athlètes d’élite en comparaison à des non-athlètes. Les informations obtenues à partir d'études portant sur la fréquence des différents génotypes ACTN3 dans des cohortes d'athlètes d'élite indiquent une influence négative du génotype XX sur les exercices d'élite basés sur le sprint et la puissance, avec peu ou pas d'effet du génotype XX sur les exercices d’endurance.

En plus des effets sur la performance, l’absence d’alpha-actinine-3 est liée à une probabilité plus élevée de blessure. Par exemple, les joueurs de football présentant le génotype XX ont subi plus de blessures musculaires sans contact par rapport aux joueurs avec le génotype RR. Les mêmes constatations ont été faites chez des coureurs. D’autres études ont montré un lien entre le génotype XX et les blessures à la cheville. Tous ces résultats suggèrent un impact négatif du déficit en alpha-actinine-3 sur la capacité des muscles et des ligaments à supporter les forces générées pendant l’exercice et indiquent une susceptibilité accrue aux lésions des tissus mous. Malgré la littérature existante, il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude ayant examiné de façon systématique l’influence du polymorphisme ACTN3 R577X sur les blessures sans contact. L’objectif de cette revue sera donc d'examiner systématiquement les preuves concernant le lien entre le polymorphisme ACTN3 R577X et les taux et la gravité des blessures sans contact et des dommages musculaires induits par l'exercice chez les athlètes et les personnes participant à des programmes d'entraînement physique.

Méthode

Cette revue systématique a été menée en respectant les recommandations PRISMA. Seules les études examinant le lien entre le polymorphisme ACTN3 R577X et les taux ou la gravité des blessures sans contact chez des personnes de tout niveau, sexe et âge participant à un sport ou à un programme d'entraînement physique ont été incluses.

 Critères d’inclusion

  • Article original publié dans des revues scientifiques
  • Impliquer des athlètes professionnels, amateurs ou de loisir
  • Participants âgés de 14 ans ou plus
  • Analyse des effets du polymorphisme ACTN3 R577X sur le taux ou la gravité des blessures sans contact 
  • Utilisation d’outils de quantification des blessures
  • Texte intégral en anglais

 Critères d’exclusion

  • Livre, journal, opinion ou étude de cas non scientifique
  • Implication de non-athlètes
  • Participants de moins de 14 ans
  • Taux ou sévérité des blessures non rapportés
  • Analyse d’un polymorphisme autre que ACTN3 R577X
  • Texte intégral non disponible en anglais
La recherche d’articles a été faite sur PubMed, Web of science et SPORTDiscus jusqu’au mois de novembre 2020, sans restriction sur l’année de publication. La recherche a été menée par deux examinateurs indépendants et les désaccords ont été résolu par le dialogue ou par un troisième examinateur si les deux premiers ne tombaient pas sur un accord.

Les données extraites des articles étaient : détails de l’étude (auteur, année de publication, pays, durée du suivi), caractéristiques des participants (taille de l’échantillon, âge et sexe), type de sport ou d’activité physique pratiqué par les participants, méthode utilisée pour déterminer le génotype, type de blessure, charge d’entrainement, mesure des associations (risque relatif (RR) et rapport de cotes (OR)).

Résultats

13 articles ont été inclus dans l’analyse finale. 2 études ont inclus seulement des femmes, 5 seulement des hommes et 6 ont inclus les deux, pour un total de 1093 participants. Toutes les études étaient considérées comme de haute qualité selon l’échelle PEDro.

Pour 12 études, une association entre le génotype ACTN3 R577X et les blessures sans contact a été trouvée de façon évidente, et seulement 1 étude n’a pas observé d’effets. 6 études ont observé une association entre le polymorphisme ACTN3 R577X et des dommages musculaires induits par l’exercice accrus, 2 études ont lié ce génotype avec une prévalence plus importante des lésions sans contact de la cheville, 2 études ont observé une association significative entre ACTN3 R577X et le taux de blessure sans contact des membre inférieurs, et une étude a fait le lien avec les blessures musculosquelettiques. Seulement une étude n’a pas trouvé d’association entre ce polymorphisme et la raideur passive ou les lésions des ischios-jambiers.

Discussion

La majorité des études sur le polymorphisme ACTN3 R577X ont montré une association entre le génotype XX et un risque accru de blessure, exprimé par une incidence ou une sévérité des lésions plus importante. Les preuves actuelles suggèrent que le risque accru de blessures chez les athlètes XX concerne les muscles et les ligaments. Cependant, ces résultats émergeants sont encore récents, et il est prématuré de conseiller la détermination du génotype ACTN3 des athlètes pour prédire leur risque de blessure.

 Taux global des blessures

Dans les études portant sur tous les types de blessures liées à l'exercice physique sans contact chez les athlètes, les preuves indiquent une incidence plus élevée des blessures chez les individus RR (définis comme ceux possédant l'allèle R) par rapport aux individus XX. L’incidence globale plus élevée des blessures chez les athlètes RR, malgré leur capacité à exprimer pleinement l’alpha-actinine-3 dans leurs muscles rapides, peut être liée à d’autres phénotypes observés chez les athlètes RR. Ils présentent habituellement des niveaux de force et de puissance musculaire plus élevés que leurs homologues XX, ce qui peut conduire à des actions spécifiques au sport avec un plus grand degrés de vitesse/puissance. Les athlètes RR présenteraient aussi des amplitudes articulaires ainsi qu’une flexibilité musculaire plus faible que les XX, notamment sur le tronc et la cheville. Une plus grande puissance de contraction musculaire sur des déficits d’amplitudes peut expliquer un taux de blessure plus élevé. Néanmoins, les études sur ce sujet sont peu nombreuses et les preuves ne sont pas encore suffisantes pour établir un lien clair entre le génotype ACTN3 RR et un taux de blessures plus élevé. En résumé : si l'on tient compte de tous les types de blessures, les athlètes RR peuvent être plus enclins à subir des blessures spécifiques au sport parce que la présence d'alpha-actinine-3 dans leurs muscles entraîne probablement la production de contractions plus fortes et plus puissantes.

 Lésions musculaires

En analysant uniquement les blessures musculaires sans contact, de nombreuses études montrent que les athlètes XX sont plus enclins à subir ce genre de lésions. Collectivement, ces recherches indiquent que la déficience en alpha-actinine-3, due au génotype ACTN3 R577X, entraine une probabilité plus élevée de lésions musculaires sans contact. Del Coso et al ont proposé que cela puisse s'expliquer par la plus faible capacité des fibres musculaires déficientes en alpha-actinine-3 à supporter le stress physique. Il est intéressant de noter que la déficience en alpha-actinine-3 est habituellement compensée par une plus grande quantité d'alpha-actinine-2. Les données actuelles concernant les différences d'incidence des lésions musculaires entre les différents types génétiques suggèrent indirectement que le rôle de l'alpha-actinine-3 est différent de celui de l'alpha-actinine-2, ce qui pourrait expliquer pourquoi ces isoformes sarcomériques musculaires de l'alpha-actinine se sont maintenues au cours de l'évolution. Toutefois, des travaux supplémentaires sont nécessaires pour élucider la véracité de cette affirmation.

 Dommages musculaires induits par l’exercice

Des preuves supplémentaires suggérant que la déficience en alpha-actinine-3, due au génotype ACTN3 XX, entraîne une diminution de la capacité des fibres musculaires à supporter le stress pendant l'exercice, ont été trouvées dans les études qui ont évalué les dommages musculaires. Comparés à leurs homologues RR, les porteurs de l'allèle ACTN3 X présentaient des valeurs plus élevées de marqueurs indirects de lésions musculaires, tels qu’une hauteur de saut réduite, des changements après l'exercice dans les concentrations sériques de créatine kinase ou de myoglobine, ou encore des valeurs élevées de douleurs musculaires déclarées par les sujets eux-mêmes. Les résultats sont similaires lorsque l'on compare les athlètes XX à ceux qui possèdent l'allèle R, ce qui suggère que l'allèle R peut avoir un effet dose-réponse, jouant un rôle protecteur pour prévenir les lésions musculaires induites par l'exercice. Ces résultats indiquent que l'alpha-actinine-3 a un rôle positif dans la modulation de la capacité du muscle à supporter des contractions potentiellement dommageables pendant l'exercice. L'ACTN3 est l'un des nombreux gènes impliqués dans la réponse aux dommages musculaires induites par l'exercice ; la capacité du muscle squelettique à supporter le stress physique imposé par l'exercice peut être associée à la possession de génotypes favorables dans plusieurs gènes.

 Lésions ligamentaires

Deux recherches indépendantes ont trouvé que les individus XX étaient plus sujets aux lésions ligamentaires, en particulier sur la cheville. L’étude de Shang et al a révélé que le génotype XX est associé non seulement à la probabilité d'une blessure, mais aussi à sa gravité ; la présence de l'allèle X a entraîné une gravité accrue de la blessure. Comme cela a été suggéré précédemment, la probabilité plus élevée de lésions ligamentaires chez les athlètes déficients en alpha-actinine-3 pourrait être liée à un dysfonctionnement de la capacité du muscle à maintenir l'articulation lors d'actions spécifiques au sport plutôt qu'à un effet du génotype XX sur les caractéristiques du ligament. En effet, à ce jour, il n'existe aucune preuve suggérant que le polymorphisme ACTN3 R577X a un impact sur le tissu ligamentaire. Les athlètes XX peuvent être plus enclins à se blesser au niveau des ligaments pendant l'exercice, bien que cette preuve n'existe que pour l'articulation de la cheville. De nouvelles recherches sont nécessaires pour confirmer ces résultats et les étendre à d’autres articulations.

Conclusion

La plupart des études sur l'effet du gène ACTN3 sur l'épidémiologie des blessures chez les athlètes ont trouvé une association entre le génotype ACTN3 et le risque de blessures ainsi que la gravité accrue des lésions. Le fait de posséder le génotype ACTN3 XX peut prédisposer les athlètes à une probabilité plus élevée de certaines blessures sans contact, telles que les lésions musculaires, les entorses de cheville et des niveaux plus élevés de dommages musculaires induits par l'exercice. Malgré ce résultat intéressant, nous reconnaissons que cette conclusion est basée sur un nombre limité d'études. Les preuves sont encore émergentes et, jusqu'à présent, elles ont été obtenues à partir d'études portant sur des échantillons d'athlètes très hétérogènes, avec différentes méthodologies utilisées pour quantifier l'incidence des blessures et, dans la plupart des cas, avec des échantillons de petite taille, ce qui peut compliquer l'interprétation des données. De futures recherches sur le sujet sont nécessaires afin d’obtenir davantage de preuves permettant de soutenir ou de réfuter le génotypage ACTN3 pour la prévention des blessures

Référence article

Zouhal H, Coso JD, Jayavel A, Tourny C, Ravé G, Jebabli N, Clark CCT, Barthélémy B, Hackney AC, Abderrahman AB. Association between ACTN3 R577X genotype and risk of non-contact injury in trained athletes: A systematic review. J Sport Health Sci. 2023 May;12(3):359-368. doi: 10.1016/j.jshs.2021.07.003. Epub 2021 Jul 17. PMID: 34284153; PMCID: PMC10199131.