Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Pastille verte
Cette revue systématique est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Sur la base de la classification anatomique, nous pouvons identifier trois types d’entorses de la cheville : latérale, syndesmotique, médiale. Le compartiment latéral est le compartiment le plus souvent lésé (85% des atteintes), à cause de la plus faible résistance aux charges de ces ligaments et donc plus facile à léser en comparaison aux autres groupes ligamentaires. Dans les services d’urgence, une classification clinique est plus utile. Nous pouvons classer l’entorse aiguë en trois grades différents : grade I, grade II, grade III (voir Tableau 1).
Bien que plusieurs études sur l’entorse aiguë de la cheville soient disponibles, il existe une grande variété de classifications, de durées de suivi, de traitements, de mesures de résultats et de critères d’évaluation. Par conséquent, cette étude passe en revue la littérature sur les différents traitements proposés pour l’entorse aiguë de cheville. Plus précisément, au moyen d’une revue générale des revues systématiques, nous analysons et décrivons l’état de l’art de la prise en charge de cette blessure.
Matériaux et méthodes
Conception de l’étude et stratégie de recherche
Cette étude et une revue générale des revues systématiques. Conformément aux lignes directrices PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic reviews and Meta-Analysis), nous avons élaboré une question spécifique de premier plan portant sur la prise en charge des entorses de cheville. La recherche s’est portée dans les bases de données PubMed, Scopus, Web of Science et la bibliothèque Cochrane de 2000 à Septembre 2020. Seules les revues systématiques et méta-analyses ont été inclues.
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Population : Adultes souffrant d’une entorse aiguë de cheville
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Intervention & Comparaison : traitements conservateurs et chirurgicaux
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Outcomes : douleur, œdème, amplitude du mouvement, instabilité, fonction, taux de rechute et retour au sport
Critères d’éligibilité
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L’étude doit être une revue systématique, avec ou sans méta-analyse
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Elle doit évaluer la pertinence d’une intervention pour le traitement ou la prévention des entorses de cheville
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La population examinée ne doit pas inclure l’instabilité chronique de cheville
Résultats
Sélections des études
Une première recherche a identifié 3500 études répondant à la question de recherche. A la fin du processus, ce sont 24 revues systématiques qui ont été incluses dans cette étude (voir Figure 1), avec un score AMSTAR moyen de 7,7/10.
Le Tableau 2 ci-dessous résume les résultats et les conclusions des études incluses, regroupées en fonction du type d'intervention. Bien que plusieurs études aient pu être classées dans plusieurs stratégies, chaque revue a été notée une fois dans ce tableau, et le classement a été effectué en fonction de l'objectif principal de la revue.
Alors que les entorses aiguës de la cheville font partie des blessures les plus fréquemment observées dans les services d'urgence, aucun protocole standardisé n'a été établi pour leur prise en charge. L'hétérogénéité des interventions et des résultats examinés dans cette révision, ainsi que la qualité variable de ces études, font qu'il est difficile de proposer un algorithme standard pour la prise en charge de l'entorse aiguë de la cheville.
Sur la base de cette revue générale, le traitement non chirurgical est efficace pour gérer les entorses aiguës de la cheville, et le traitement fonctionnel semble être supérieur à l'immobilisation. De plus, le paracétamol et les opioïdes sont aussi efficaces que les AINS pour réduire la douleur, et représentent donc une option de traitement alternative. La thérapie manuelle et la thérapie par l'exercice pourraient également être recommandées, en particulier pendant la phase initiale de rétablissement, afin de prévenir une nouvelle blessure et de restaurer la dorsiflexion.
Discussion
Traitement aigu
Après une entorse aiguë (48-72h), le protocole de traitement le plus utilisé est le protocole RICE (repos, glace, compression et élévation). Bien que plusieurs lignes directrices encouragent cette approche, peu d'études démontrent l'efficacité de cette thérapie, en partie à cause des difficultés rencontrées par les chercheurs lorsqu’ils tentent de créer un protocole d’étude.
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Le traitement conservateur ou conventionnel, qui comprend l’immobilisation avec un plâtre ou une attelle
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Le traitement fonctionnel, qui consiste en une mobilisation précoce associée à des supports externes, tels que des straps et des orthèses, afin de protéger l’articulation contre le risque de nouvelle lésion, ainsi qu’un entrainement proprioceptif
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Le traitement chirurgical
Selon notre étude, le traitement fonctionnel représente un meilleur choix que le traitement conservateur : moins de patients souffrent d’œdèmes, de limitations articulaires, de raideurs et d’instabilités articulaires. De plus, les patients sont plus satisfaits et reprennent plus tôt leurs activités professionnelles et sportives antérieures à la blessure, ce qui permet de réduire les coûts sociaux associés.
Médicaments
Pour réduire l'œdème, la douleur et le délai de reprise du travail, les AINS sont les médicaments les plus couramment utilisés dans le traitement des entorses de cheville, car ils ont des effets à la fois analgésiques et anti-inflammatoires. L’œdème et la douleur sont médiés par le processus d'inflammation, qui fait également partie de la guérison ; les AINS peuvent toutefois entraver ce processus.
Les autres médicaments habituellement utilisés sont le paracétamol et les opioïdes, seuls ou combinés entre eux, qui n’ont pas d’effet anti-inflammatoire. En ce qui concerne la douleur, il n’existe aucune preuve de différence entre le paracétamol et les AINS ; toutefois, le paracétamol semble avoir moins d’effets secondaires gastro-intestinaux. En ce qui concerne la douleur, les AINS et les opioïdes seraient équivalents, mais les AINS auraient moins d'effets secondaires gastro-intestinaux et neurologiques. Les AINS semblent réduire l'œdème et aider à retrouver la fonction mieux que le paracétamol et les opioïdes, mais selon notre analyse, nous avons besoin de plus d'études pour confirmer ces résultats avec un degré de certitude plus élevé. Nous recommandons l'utilisation du paracétamol ou des opioïdes comme alternatives efficaces aux AINS pour réduire la douleur.
Réhabilitation et thérapie manuelle
Le traitement fonctionnel est la combinaison d’un dispositif externe qui soutient la cheville et d’un programme de rééducation, qui comprend une mobilisation précoce de l’articulation. Il existe de nombreux programmes de traitement fonctionnel, mais on ne sait pas exactement lequel produit les meilleurs résultats, notamment en matière de prévention des nouvelles blessures, et si les exercices supervisés sont supérieurs au traitement conservateur. D’après notre analyse, aucune preuve solide n’a été trouvée pour démontrer la supériorité des exercices supervisés par rapport au traitement conservateur, en particulier si l’on considère les mesures de résultats lors du suivi à court terme.
La restauration de la dorsiflexion de la cheville et la prévention de la raideur articulaire sont des objectifs clés des programmes de rééducation, car la perte d'amplitude de mouvement est un facteur de risque d'entorses récurrentes et d'instabilité chronique de l'articulation. D’après notre revue, l’efficacité de la thérapie manuelle pour améliorer la dorsiflexion de cheville semble être limitée aux premiers stades de la rééducation. Ses effets doivent être liés à l’amélioration de la flexibilité du triceps sural, ce qui réduit le besoin de traitement en termes de temps. Cependant, il est important de garder à l’esprit que de nombreux facteurs contribuent à limiter l’amplitude de cheville. Par conséquent, une approche multimodale est nécessaire pour déterminer les facteurs qui réduisent l’amplitude du mouvement afin de sélectionner les interventions les plus appropriées.
Chirurgie
Le traitement chirurgical de l'entorse aiguë de la cheville consiste généralement en une réparation primaire des ligaments rompus avec suture.
En raison des données peu concluantes et contradictoires sur l'efficacité et la sécurité de l'intervention chirurgicale, nous pensons que d'autres études sont nécessaires avant de recommander la chirurgie en première intention ; cependant, nous pensons que la chirurgie devrait être envisagée lorsque les patients présentant des symptômes persistants tels que l'instabilité chronique de l'articulation de la cheville ne répondent pas aux autres traitements.
Autres traitements
Des pratiques de médecine alternative telles que l'acupuncture et l’électrostimulation ont également été utilisées pour traiter les entorses aiguës de la cheville.
Selon notre étude, il n'existe aucune preuve de l'efficacité de l’électrostimulation dans la prise en charge des entorses aiguës de cheville.
En ce qui concerne l’acupuncture, certaines études plaident en faveur de son efficacité, notamment en tant que traitement d’appoint lors de la gestion de la douleur dans les entorses de cheville de grade I et II. Néanmoins, ces résultats sont basés sur des paramètres subjectifs tels que l’amélioration globale des symptômes rapportée par le patient ou l’évaluation fonctionnelle rapportée par le patient, et sur des études portant sur un petit nombre de patients, de sorte que les résultats peuvent être surestimés. L’acupuncture pourrait représenter une autre option de gestion de la douleur pour réduire l’utilisation de médicaments, mais d’autres essais cliniques sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.
Retour au sport
De nombreux athlètes développent des symptômes à long terme, définis comme une instabilité chronique de la cheville, et on ne sait toujours pas si la RTS précoce joue un rôle à cet égard. Les principaux problèmes liés à l'instabilité chronique de cheville sont le risque accru de nouvelles blessures et de séquelles telles que l'arthrose post-traumatique, l'instabilité, la raideur, l'hypotonie musculaire, la douleur, le gonflement, la perte fonctionnelle et l'incapacité. Le délai avant le RTS est souvent en fonction de la gravité de la blessure.
D'après notre analyse, de nombreuses études ont examiné séparément les facteurs d'influence des RTS, mais elles n'ont pas réussi à déterminer de paradigme. La décision concernant le RTS devrait inclure l'équilibre, la proprioception, la force, l'amplitude des mouvements, les tests d'agilité et le stress psychologique. Il est important d'évaluer à la fois les facteurs de risques intrinsèques modifiables, et les facteurs de risques extrinsèques. Un avis partagé par de nombreux experts est qu'un élément crucial pour déterminer l'aptitude d'un athlète à la RTS est la nécessité d'évaluer les mouvements spécifiques au sport. L'idée que le temps écoulé depuis la blessure (traumatisme) est le critère principal pour déterminer l'aptitude à le RTS a été dépassé.
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Le « retour à la participation », qui permet à l’athlète de s’entraîner mais pas d’être performant
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Le « retour au sport », dans lequel l’athlète est performant mais pas au niveau souhaité avant le traumatisme
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Le « retour à la performance », qui permet à l’athlète de retrouver son niveau d’avant blessure et qui est considéré comme objectif à atteindre
Conclusion
Il existe des preuves de haute qualité de l'efficacité du traitement non chirurgical dans la gestion de l'entorse aiguë de la cheville. Nous recommandons également un traitement fonctionnel plutôt qu'une immobilisation.
Le paracétamol ou les opioïdes sont efficaces pour réduire la douleur dans cette population et pourraient être utilisés comme alternative aux AINS. La thérapie manuelle et l'exercice physique doivent être conseillés pour prévenir une nouvelle blessure et restaurer la dorsiflexion, surtout s'ils sont entrepris tôt dans la phase initiale de la prise en charge de l'entorse de cheville.
Référence article
Gaddi D, Mosca A, Piatti M, Munegato D, Catalano M, Di Lorenzo G, Turati M, Zanchi N, Piscitelli D, Chui K, Zatti G, Bigoni M. Acute Ankle Sprain Management: An Umbrella Review of Systematic Reviews. Front Med (Lausanne). 2022 Jul 7;9:868474. doi: 10.3389/fmed.2022.868474. PMID: 35872766; PMCID: PMC9301067.