Relation entre la force de contact au niveau du crochet de la cheville et la force musculaire des ischio-jambiers lors du Nordic Hamstring

Kinesport
Les lésions des ischio-jambiers (HSI) sont fréquentes dans différents sports, notamment dans les sports impliquant le sprint, comme l'athlétisme, le football australien et le football. Plusieurs études concernant le mécanisme et les facteurs de risque associés aux HSI ont été publiées. Il est généralement admis que ces types de blessures sont multifactorielles. Bien que la cause directe des HSI reste inconnue, la surcharge ou la sur sollicitation, ou les deux, pendant les contractions excentriques à grande vitesse pourrait être le paramètre mécanique spécifique à l'origine des blessures. L’utilisation d’exercices excentriques dans la prévention des HSI a été préconisé par de nombreuses études. L’exercice du Nordic Hamstring (NHE), un exercice excentrique facile à mettre en œuvre, est largement promu car il réduit efficacement les HSI.

Bien que l’effet du NHE sur la prévention des HSI soit bien documenté, l’effet du NHE sur la force excentrique des ischio-jambiers (IJ), telle qu’observée lors du sprint, reste peu clair. La principale raison en est qu’aucune des études existantes n’a estimé la force des IJ qui se produit lors des NHE, ce qui rend difficile de déterminer si la force des IJ qui se produit pendant le NHE pourrait simuler la force musculaire élevée observée pendant le sprint.
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Cette étude expérimentale est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Cependant, la question demeure de savoir si la force de contact mesurée par la cellule de charge au niveau du crochet de la cheville pourrait refléter la force des IJ qui s'est produite pendant le NHE.

Les objectifs de cette étude étaient de développer un modèle musculaire pour estimer la force des IJ pendant la NHE ; et de déterminer la corrélation entre la force mesurée au crochet de la cheville et la force des IJ estimée par le modèle musculaire.

Méthodes

 Participants

Treize (13) sprinters masculins (moyenne d’âge 20,3 ans) qui avaient suivi au moins 5 ans d’entraînement sportif ont participé à l’étude. Les participants étaient éligibles à l’inclusion s’ils n’avaient pas d’antécédents de blessure des membres inférieurs dans les 12 mois précédents et n’avaient jamais subi de lésion aux IJ. Tous les participants étaient experts dans la pratique du NHE. 

 Procédure

Les participants ont effectué le NHE sur un Nordbord (Vald Performance, Australie). Des marqueurs rétroréfléchissants ont été fixés sur les sujets tel que décrit sur la Figure 1A. La Figure 1B démontre le schéma de décomposition de forces pour estimer la force des IJ lors du NHE. 
Figure 1 : (A) Mise en place des marqueurs et du dispositif instrumenté (Nordbord) pour l'évaluation de l'exercice des ischio-jambiers nordiques. (B) Schéma de la décomposition de force pendant le NHE.
Les participants ont commencé par un échauffement standard consistant à courir sur un tapis roulant pendant 5 minutes. Ensuite, les participants ont effectué deux séries de 5 NHE avec un intervalle de 2min entre chaque série.

Lors de la réalisation du test, un métronome était utilisé pour contrôler la durée de la descente. Celle-ci était d’environ 3 secondes. Une répétition rejetée comprenait le fait de ne pas maintenir le tronc et la hanche en position neutre ou de ne pas contrôler la descente au début du mouvement.

Résultats

Tableau 1 : Résultat des forces retrouvées lors du NHE.
pFham = pic de force théorique calculé selon le modèle biomécanique ;
pFc = pic de force de contact crochet/cheville mesuré par NordBord.

Discussion

A notre connaissance, il s’agit de la première étude visant à estimer la force des IJ produite pendant le NHE et à la comparer à la force de contact avec la cheville mesurée par le Nordbord. La force de contact avec la cheville a été utilisée pour évaluer directement la force excentrique des IJ.

Cependant, nous avons constaté que la force de contact au niveau de la cheville n’est pas égale ou linéaire à la force des IJ. En fait, le moment généré par la force de contact de la cheville est approximativement égal au moment généré par la force des IJ. Les auteurs (Opar et al., 2013) ont peut-être confondu moment et force. Nous avons observé une corrélation significative mais pas très élevée entre la force maximale des IJ et la force de contact maximal au crochet de la cheville.

Une équation de régression linéaire a été établie pour prédire la pFham à l’aide de la pFc. Cependant, seulement environ 58% des forces maximales des IJ pourraient être expliquées par la force de contact maximale mesurée au niveau du crochet de la cheville.

Ruddy et ses collègues (Ruddy et al., 2018b) construisent un modèle d'apprentissage supervisé, qui inclus la force excentrique des IJ (valeur maximale de Fc pendant la NHE), l'âge et les antécédents de lésions aux IJ, pour prédire la survenue d'une nouvelle lésion. Malheureusement, la performance prédictive était à peine meilleure que le hasard.

Nous avons fait valoir que la force excentrique lors du NHE ne reflète pas la force excentrique élevée pendant le sprint (Li et Ruan, 2018). Un autre rapport (Sun et al., 2015) a calculé les différentes composantes du couple articulaire via une approche dynamique intersegmentaire. Il a estimé que la force maximale des ischio-jambiers qui se produisait pendant le sprint (environ 9,7 m/s) variait de 5777 à 11554 N, soit au moins 8 fois le poids du corps. L'étude actuelle a montré que la force maximale des ischio-jambiers pendant le NHE était de 5,43 ± 1,13 fois le poids du corps.

De plus, la force de contact mesurée au niveau du crochet de la cheville (Fc ) ne peut expliquer que 58 % de la force des IJ. Par conséquent, il n'est pas surprenant que la performance prédictive utilisant Fc soit à peine meilleure que le hasard.

Bien que les participants à l'étude ne soient pas des joueurs de football comme ceux recrutés dans d'autres études, les résultats sont comparables à ceux d'autres études après normalisation par le poids corporel. Par conséquent, nous pensons que les conclusions de l'étude actuelle peuvent être généralisées à d'autres populations.

Conclusion

En résumé, la force de contact maximale mesurée au niveau du crochet de cheville ne peut expliquer qu'un peu plus de la moitié (58 %) des variations des forces musculaires maximales des IJ pendant le NHE. Il convient d'être prudent lors de l'évaluation de la force excentrique des IJ en utilisant la force de contact de la cheville pendant le NHE.
Enfin, la force maximale des IJ durant la NHE n'était pas comparable à la force maximale des IJ durant le sprint. Il convient donc de prendre en compte cette donnée lors de la prise en charge de nos athlètes, afin de proposer des réhabilitations et/ou des programmes de prévention optimaux, en adéquation avec les performances musculaires imposées lors du sprint.

Référence article

Ruan M, Li L, Zhu W, Huang T, Wu X. The Relationship Between the Contact Force at the Ankle Hook and the Hamstring Muscle Force During the Nordic Hamstring Exercise. Front Physiol. 2021 Mar 9;12:623126. doi: 10.3389/fphys.2021.623126. PMID: 33767632; PMCID: PMC7985830.