Des scores plus faibles en présaison de l’indice de force réactive sont associés au risque de blessures chez des joueuses universitaires de volleyball mais pas chez des joueurs universitaires de basketball

Mar 20 / Kinesport
Les professionnels en médecine du sport et les entraîneurs peuvent mettre en place des tests de performance fonctionnels afin d’identifier les athlètes les plus à risque de blessures. L’un des tests pouvant être utilisé pour identifier les athlètes à risque de blessure du ligament croisé antérieur (LCA) est le Drop Vertical Jump (DVJ) test. Ce test consiste à faire sauter l’athlète d’une box, se réceptionner sur des plateformes de force et faire immédiatement un saut vertical. 

Bien que le DVJ test soit utilisé pour dépister le risque de lésions du LCA chez les sportifs, ce risque est relativement faible. La performance sur le DVJ pourrait donc être utilisée pour dépister les athlètes à risque pour d’autres blessures du quadrant inférieur plus fréquentes (c’est-à-dire au niveau lombaire et de l’ensemble des membres inférieurs).

L’indice de force réactive (reactiv strenght index – RSI) est une mesure utilisée pour quantifier la puissance des membres inférieurs chez le sportif. Il est calculé sur un DVJ en divisant la hauteur du saut par le temps de contact au sol (RSI = hauteur du saut (m) / temps de contact (s)) et s’est avéré être un test valide pour mesurer le cycle étirement-raccourcissement. Il existe plusieurs variantes pour mesurer la force réactive : en utilisant le DVJ avec ou sans les mains sur les hanches ou encore d’autres tests comme le contermovement jump ou le rebound jump.
Le score RSI, lorsqu’il est basé sur la performance au DVJ en présaison en utilisant une approche traditionnelle (c’est-à-dire avec les bras libres) peut fournir des données supplémentaires pour déterminer le risque de blessures sans contact. Un score plus faible pourrait indiquer que le sujet n’est pas suffisamment entraîné pour supporter les charges subies par le corps pendant la pratique sportive.

L’objectif de cette étude était d’évaluer si le score RSI en présaison permet de discriminer le risque de blessures chez des athlètes impliqués dans des sports avec beaucoup de sauts (par exemple le basketball et le volleyball). L’identification d’un score seuil associé à un plus grand risque de blessures permettrait aux entraîneurs et/ou aux professionnels en médecine du sport de disposer de données chiffrées supplémentaires pour évaluer le risque de blessures. Cette étude reposait sur 3 hypothèses :

  • Un score RSI (hauteur de la box pour le DVJ : 30.48 cm) plus faible serait associé à un risque plus élevé de blessures sans contact du quadrant inférieur dans un échantillon constitué à la fois de joueurs universitaires de basketball et de joueuses universitaires de volleyball
  • Un score RSI (analysé pour des hauteurs de box de 30.48 cm et 76.20 cm) plus faible serait associé à un risque plus élevé de blessures sans contact du quadrant inférieur chez des joueurs universitaires de basketball
  • Un score RSI (analysé pour des hauteurs de box de 30.48 cm et 60.96 cm) plus faible serait associé à un risque plus élevé de blessures sans contact du quadrant inférieur chez des joueuses universitaires de volleyball

Méthode

Des joueurs de basketball et Des joueuses de volleyball ont été recrutés parmi les équipes de la National Collegiate Athletic Association (NCAA) Division II (D II), de la NCAA Division III (D III), de la National Association of Intercollegiate Athletics (NAIA) et des équipes universitaires communautaires.

Un total de 117 joueuses de volleyball et 155 joueurs de basketball ont été testé au début de leur présaison (pendant 3 saisons). Avant les tests chaque athlète a effectué un échauffement dynamique de 5 minutes et a été mesuré et pesé. Ensuite, 16 marqueurs réfléchissants (8 par côté) ont été appliqués sur le bassin et les membres inférieurs.

Chaque athlète a effectué 6 DVJ, 3 de chaque hauteur, en commençant par celui de 30.48 cm. Après démonstration du test, les athlètes ont reçu l’instruction de se tenir debout sur la box avec les pieds écartés à largeur d’épaules, se laisser tomber de la box et atterrir sur un pied sur chaque plateforme de force avant de sauter immédiatement le plus haut possible. Les participants étaient autorisés à utiliser leurs bras pour atteindre leur hauteur maximale de saut vertical. Après avoir effectué les 3 essais à partir de la box de 30.48 cm, les participants ont effectués 3 sauts à partir d’une box plus grande : 60.96 cm pour les joueuses de volleyball et 76.20 cm pour les joueurs de basketball. Ces hauteurs de box plus grandes ont été incluses dans cette étude afin de représenter des hauteurs de saut effectuées par les athlètes lors d’activités spécifiques comme le bloc/contre au volleyball ou le rebond au basketball.

Les données des marqueurs réfléchissants et de force ont été collectées simultanément par un système Qualisys motion à 11 caméras et des plateformes de force. La hauteur de saut a été calculée sur la base d’un changement de hauteur du centre de masse (COM) estimé comme le point médian entre les 2 marqueurs au niveau des épines iliaques antéro-supérieures (EIAS) et les 2 marqueurs au niveau des épines iliaques postéro-supérieures (EIPS).

Une moyenne du score RSI (hauteur de saut / temps de contact) des 3 essais a été utilisée pour l’analyse statistique.

Le diagnostic et le mécanisme lésionnel ont été collectés par le préparateur physique de chaque équipe pour chaque athlète blessé. La définition de la blessure utilisée pour cette étude était la suivante : toute blessure musculosquelettique sans contact, survenant au cours d’un entraînement ou d’un match, au niveau lombaire ou des membres inférieurs (c’est-à-dire au niveau du quadrant inférieur), qui a empêché l’athlète de terminer l’entraînement ou le match ou qui l’a empêché de participer au prochain entraînement ou match. Les récidives n’ont pas été incluses dans l’analyse statistique. La surveillance des blessures a eu lieu sur une seule saison, celle suivant immédiatement les tests.

Un total de 5 courbes ROC (fonction d’efficacité du récepteur) ont été créées pour dichotomiser les athlètes en groupes à risque et de référence : 

  • Pour tous les participants, pour une hauteur de DVJ de 30.48 cm (Fig. 1)
  • Pour les joueurs de basketball et une hauteur de DVJ de 30.48 cm 
  • Pour les joueurs de basketball et une hauteur de DVJ de 76.20 cm 
  • Pour les joueuses de volleyball et une hauteur de DVJ de 30.48 cm (Fig. 2)
  • Pour les joueuses de volleyball et une hauteur de DVJ de 60.96 cm (Fig. 3) 
Les scores seuils qui augmenteraient la sensibilité et la spécificité de la courbe ROC ont été utilisés pour calculer le risque relatif de blessures sans contact du quadrant inférieur

Résultats

Les informations démographiques, les scores RSI et les composants du RSI (temps de contact et hauteur du saut) sont présentées dans le tableau 1. 
Au total, 54 blessures primaires sans contact sont survenues au cours de cette étude (tableau 2) :

  • Les joueurs de basketball ont subi 38 blessures (24.5 % de l’échantillon de basketball masculin)
  • Les joueuses de volleyball ont subi 16 blessures (13.7% de l’échantillon de volleyball féminin)
Les courbes ROC n’ont pas permis d’identifier des scores seuils qui augmenteraient la sensibilité et la spécificité pour l’ensemble des participants et pour les joueurs de basketball sur les 2 hauteurs de saut.

Les courbes ROC ont identifié de potentiels scores seuils chez les joueuses de volleyball : elles ont pu être catégorisées comme « à risque » si leur RSI au DVJ de 30.48 cm était ≤0.9125 m/s et si leur RSI au DVJ de 60.96 cm était ≤0.9787 m/s.

Le tableau 3 présente le risque relatif de blessures sans contact du quadrant inférieur chez les joueuses universitaires de volleyball en fonction de leurs score RSI en présaison :

  • Les joueuses de volleyball avec un score RSI plus faible sur le VDJ à 30.48 cm de hauteur était 4 fois plus à risque de se blesser pendant la saison (RR = 4.2; 95% CI: 1.0,17.7; p-value = 0.024)
  • 14 des 16 blessures (87.5%) ont été subies par des joueuses avec un score RSI plus faible
  • La sensibilité et la spécificité associés à ce profil à risque était de : Sn = 0875 et Sp = 0.416
  • Plus de 84% (11 blessures sur 13) des athlètes avec un RSI plus faible sur le VDJ à 60.96 cm se sont blessées, cependant, il n’y avait pas de différence de risque entre les groupes.

Discussion

Il s’agit, selon les auteurs, de la première étude à évaluer le risque de blessure en se basant sur les scores RSI en présaison. Il n’y a pas d’association entre les scores RSI et les blessures chez les joueurs universitaires de basketball et dans un échantillon hétérogène (avec des joueurs de basketball et des joueuses de volleyball). Cependant, il y a une association significative entre les scores RSI de présaison et les blessures chez les joueuses de volleyball. Le calcul des scores RSI à partir des performances sur le DVJ (30.48 cm) pourrait être inclus dans les programmes de screening de présaison pour identifier les joueuses universitaires de volleyball qui pourraient être plus à risque de blessures sans-contact.
 
Les programmes d’entraînement pliométrique ont démontré des améliorations du score RSI et ce type d’entraînement pourrait donc être utilisé chez les athlètes présentant un score RSI plus faible afin de réduire leur risque de blessure. Cependant, ceci est spéculatif et justifie une future étude.

Les scores RSI avec des hauteurs de box plus élevées ont été inclus pour représenter les hauteurs de saut verticales effectuées dans les activités liées au sport. Les joueuses universitaires de volleyball avec un score RSI inférieur sur une hauteur de 60.96 cm ne présentaient pas un risque accru de blessures ; cependant, il est possible que la puissance de l’étude ait été insuffisante pour cette hauteur de box car seules 84 participantes ont effectué le DVJ à 60.96 cm car il n’a pas été utilisé sur les premières saisons de l’étude. De futures études devraient utiliser un plus grand échantillon d’athlètes afin d’évaluer le risque de blessure en fonction des scores RSI à 60.96 cm.

Le RSI ne discrimine pas le risque de blessure chez les joueurs universitaires de basketball ou dans échantillon hétérogène d’athlètes. Cette étude s’ajoute un nombre croissant de recherches montrant que les tests de performance fonctionnelle ne discriminent pas le risque de blessure chez les joueurs universitaires de basketball. Une raison potentielle pour laquelle les scores RSI ont été associés à des blessures chez les joueuses de volleyball et non chez les joueurs de basketball pourrait être due aux habitudes d’entraînement avant le début de la saison. Les joueuses universitaires de volleyball (à l’exception de celles de Division I qui ne sont pas inclues dans cette étude), ne sont pas sur le campus en été et s’entraînent sans supervision. Les joueuses retournent dans leurs universités vers la fin de l’été. Au contraire, les joueurs de basketball peuvent utiliser les installations de l’université et leurs programmes d’entraînement sont supervisés pendant la période de 2 mois avant le début de la saison.

Les limites de l'étude

  • Les tests ne se sont pas intéressés à une blessure en particulier mais à l’ensemble des blessures du quadrant inférieur
  • L’étude s’est intéressée à des athlètes de différents niveaux universitaires et il est possible que les scores RSI puissent varier en fonction du niveau de compétition. De prochaines études devraient évaluer le risque de blessure en fonction du RSI par division de jeu.
  • Le score seuil retrouvé chez les joueuses de volleyball ne devrait pas être utilisé pour sélectionner des joueurs de volleyball ou des athlètes féminines dans d’autres sports. Des études futures devraient évaluer la capacité du RSI à distinguer le risque de blessure dans différentes populations.

Conclusion

  • Un score RSI plus bas est associé à un risque plus élevé de blessure sans-contact du quadrant inférieur chez des joueuses universitaires de volleyball
  • Les entraîneurs et/ou professionnels en médecine du sport devraient dépister les athlètes de volleyball avec ce test (évaluation du RSI sur un DVJ)
  • D’autres études sont nécessaires pour valider ce résultat et pour évaluer le RSI comme outil de dépistage dans d’autres populations sportives

L'article

Brumitt J, Dorociak R, Dunn S, Critchfield C, Benner J, Cuddeford T: Lower preseason reactive strength index scores are associated with injury in female collegiate volleyball players but not male collegiate basketball players, J Sci Med Sport (2020) https://doi.org/10.1016/j.jsams.2020.11.018