Une pathologie plus complexe qu’il n’y paraît
Sous l’appellation de « tendinopathie de la coiffe », on regroupe des tableaux cliniques très divers, allant de la simple douleur d’épaule sans lésion visible à l’IRM, jusqu’à des ruptures partielles ou complètes, symptomatiques ou non.
On distingue donc quatre grands phénotypes cliniques :
Les auteurs insistent sur la nécessité de mieux classifier ces cas selon des profils fonctionnels et non uniquement anatomiques. Une même lésion peut se présenter de façon asymptomatique chez un sportif adapté, mais très invalidante chez un sujet déconditionné.
On distingue donc quatre grands phénotypes cliniques :
Diagnostic : pas seulement une IRM
Une IRM n’est qu’une photographie statique d’un état tissulaire ; le mouvement, l’effort et la douleur doivent rester au cœur de l’évaluation.
Ce schéma illustre l’approche clinique recommandée face à une douleur d’épaule. L’évaluation commence par un examen subjectif et physique complet. En cas de drapeaux rouges (pathologie grave ou urgente), le patient doit être réorienté immédiatement. Si l’on identifie des drapeaux jaunes (facteurs psychosociaux), ceux-ci doivent être pris en compte pour adapter le traitement et accompagner le retour aux activités. Si aucun de ces obstacles n’est présent, le clinicien peut formuler une hypothèse diagnostique. Si celle-ci oriente vers une tendinopathie de la coiffe des rotateurs, un traitement conservateur peut être initié. Sinon, d’autres causes de douleur d’épaule doivent être envisagées. Cet arbre décisionnel souligne que la prise en charge doit toujours être fonctionnelle, individualisée et centrée sur le patient.
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Quelle place pour la rééducation ? Une priorité clinique confirmée
La rééducation fonctionnelle occupe une place centrale dans la prise en charge de la tendinopathie de la coiffe des rotateurs, y compris dans les cas avec lésions structurelles avérées. Le groupe d’experts dirigé par Desmeules rappelle que l’objectif n’est pas de “guérir” la lésion anatomique, mais de restaurer une fonction optimale, sans douleur limitante, en s’appuyant sur les capacités adaptatives du système musculo-tendineux.
Des objectifs cliniques précis
Des exercices recommandés selon la phase
Et dans les ruptures transfixiantes ?
Ce n’est pas la rupture qui justifie la chirurgie, mais la perte de fonction non récupérable
Outils d’évaluation fonctionnelle : objectiver pour mieux guider
Ce schéma détaille la prise en charge non chirurgicale de la tendinopathie de la coiffe des rotateurs. Une fois le diagnostic posé, le traitement commence par une rééducation active et individualisée, accompagnée d'une éducation du patient. Des antalgiques (paracétamol, AINS) et des thérapies complémentaires (thérapie manuelle, acupuncture, taping…) peuvent être proposés. En cas de douleur intense ou persistante, des infiltrations de corticostéroïdes peuvent être envisagées, et exceptionnellement un traitement opioïde de courte durée. Si aucune amélioration n’est observée après 12 semaines, des examens d’imagerie sont prescrits : Si une calcification est confirmée, des traitements spécifiques comme le lavage calcique, les ondes de choc ou la thérapie laser sont recommandés. Si le diagnostic initial est confirmé mais que la douleur persiste, une orientation vers un spécialiste (médecin du sport, chirurgien orthopédique...) peut être envisagée. En cas d’amélioration fonctionnelle, le traitement conservateur est poursuivi. Ce schéma insiste sur une démarche progressive, raisonnée et centrée sur la fonction, avec une place importante pour l’adaptation du traitement selon l’évolution.
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Ces mesures doivent porter sur les rotateurs externes, l’abduction, mais aussi le subscapulaire, souvent sous-évalué, alors qu’il joue un rôle clé dans la stabilité dynamique.
Enfin, les auteurs suggèrent d’inclure des tests de contrôle moteur et d’endurance fonctionnelle, comme :
Enfin, les auteurs suggèrent d’inclure des tests de contrôle moteur et d’endurance fonctionnelle, comme :
L’enjeu est double : mieux individualiser le programme de rééducation, et justifier les adaptations ou la progression des charges au fil des séances.
Ce suivi fonctionnel structuré est particulièrement pertinent dans un contexte de réathlétisation, où le retour au sport ne peut se fonder sur une disparition de la douleur seule.
Approches médicales : entre réalisme et prudence
Chirurgie : une option, mais jamais une fatalité
Mais même dans ces situations, les auteurs insistent sur l’importance d’une pré-réhabilitation structurée avant l’intervention. Cette phase, souvent négligée, permet :
En somme, la chirurgie n’est pas un raccourci. C’est une stratégie parmi d’autres, à activer avec discernement, après avoir exploité tout le potentiel de la rééducation. Une lésion ne justifie pas toujours un bistouri ; c’est la fonction, la demande et l’évolution clinique qui doivent guider la décision.
CONCLUSION
Une épaule qui se rééduque plus qu’elle ne s’opère
Ce que cette guideline rappelle avec force, c’est que la clinique prime sur l’image. Trop souvent, une rupture partielle ou transfixiante à l’IRM déclenche un processus médical anxiogène qui éclipse l’évaluation fonctionnelle. Or, la capacité d’un patient à lever le bras, à stabiliser son épaule en situation réelle, et à s’adapter à la douleur en dit souvent plus long sur sa récupération potentielle qu’une séquence pondérée en T2.
L’approche proposée invite les cliniciens à redonner ses lettres de noblesse à l’examen physique, à croiser les tests pour augmenter la précision, mais aussi à penser au-delà du tendon : analyser la cinématique globale, évaluer les troubles moteurs secondaires, repérer les déficits scapulo-thoraciques ou cervicaux qui peuvent alimenter la douleur.
Une épaule douloureuse n’est donc pas uniquement une histoire de tendons déchirés, mais bien souvent le reflet d’un déséquilibre fonctionnel et mécanique plus global. L’image doit guider, non dicter. Et c’est là que l’expertise du kinésithérapeute du sport prend tout son sens.
L'ARTICLE
Desmeules, F., Roy, J. S., McClure, P. W., et al. (2025). Rotator Cuff Tendinopathy: Diagnosis, Nonsurgical Medical Care, and Rehabilitation—A Clinical Practice Guideline. Journal of Shoulder and Elbow Surgery. https://doi.org/10.1016/j.jse.2024.11.006