Efficacité du taping patellaire et de l’entrainement par biofeedback électromyographique à différents angles de flexion du genou sur la force du quadriceps et la performance fonctionnelle chez de jeunes athlètes masculins souffrant de syndrome fémoropatellaire : un essai contrôlé randomisé

Sep 26 / Kinesport

Introduction

Le syndrome fémoropatellaire (PFPS ; PatelloFemoral Pain Syndrome) se définit par une douleur péripatellaire et/ou rétropatellaire, associée à une altération des fonctions physiques et biomécaniques du genou. Les mouvements déclenchant ces douleurs sont principalement les montées et descentes des escaliers, ainsi que les positions prolongées assises ou à genoux. Le PFPS est l’une des pathologies du genou les plus fréquentes chez les athlètes avec une prévalence d’environ 30%. Les recherches médicales récentes affirment que cette affection, chez les sujets jeunes, est associée à des changements dégénératifs précoces et une exposition plus importante au risque de rupture du LCA.

Bien que le PFPS soit une affection répandue, il n’existe pas de consensus sur ses causes, ses critères diagnostics et les options de traitement. La faiblesse du vaste médial et la désaxation de la rotule semblent contribuer au développement et à la récurrence de ce syndrome. Un autre paramètre présentant une forte corrélation avec le PFPS est la force du quadriceps, qui semble plus faible chez les patients présentant cette affection. De plus, un déséquilibre musculaire entre vaste médial (VMO) et vaste latéral peut aggraver les désaxations rotuliennes et diminuer sa stabilité. Une activation insuffisante et retardée du VMO entraine un mauvais alignement de la rotule et nuit au bon fonctionnement du genou.

Le traitement du PFPS comprend généralement l’éducation du patient, le biofeedback électromyographique (EMG-BF), la stimulation électrique neuromusculaire, l’ajustement des activités, les attelles de genoux et orthèses ou encore les anti-inflammatoires non-stéroïdiens. Afin de se focaliser sur la rotule et sur le suivi de sa fonction, nous avons émis l’hypothèse que le taping rotulien pouvait générer un déplacement mécanique médial de la patella et qu’il soulagerait donc les douleurs lors des activités qui génèrent de fortes charges.
Avis du pôle scientifique Kinesport
Pastille verte
Cet essai contrôlé-randomisé rempli les principaux critères méthodologiques permettant de réduire le risque de biais. Néanmoins, certains aspects ne sont pas suffisamment détaillés. En effet, la source du diagnostic tout comme la méthode d’allocation aléatoire des sujets ne sont pas clairement décrits. De plus, il n’est pas indiqué comment la jambe dominante des sujets a été déterminée. Mais, il convient de noter que les informations reportées présument un risque de biais contrôlé.
La mécanique de l’articulation fémoropatellaire peut aussi être affectée par le renforcement du quadriceps, notamment du VMO car c’est le seul muscle à pouvoir créer un mouvement médial de la patella, et qu’il est actif sur toute l’amplitude de mouvement. Selon de précédentes études, ce renforcement devrait commencer par être réalisé en chaine cinétique fermée avec une flexion de genou comprise entre 0° et 40° car cela diminuerait les forces de réaction sur l’articulation du genou. La contrainte fémoropatellaire est augmentée à des angles de 60° et 90° de flexion de genou. A l’heure actuelle, les résultats des études ayant comparé des exercices en chaine cinétique fermée avec et sans utilisation d’EMG-BF sont contradictoires et non-significatifs, mais peu d’études se sont intéressées à l’impact du renforcement du quadriceps à des angles spécifiques chez les patients avec PFPS.

L’objectif de cette étude sera donc de comparer les effets du taping rotulien et du renforcement isométrique du quadriceps guidé par l'EMG-BF à différents angles de flexion du genou (30, 60 ou 90 degrés) sur la force du quadriceps et la performance fonctionnelle chez les jeunes athlètes masculins adultes souffrant de PFPS. L’hypothèse de départ était que les sujets s’entrainant à 60° de flexion de genou gagneraient plus en force que ceux s’entrainant à 30° ou 90°. L’hypothèse nulle était que la force du quadriceps ne changerait pas en fonction de l’angle de flexion de genou. Les résultats de cette étude pourraient contribuer au développement d’une méthode efficace pour augmenter la force du quadriceps dans le cadre du traitement du PFPS.

Méthode

 Conception de l’étude 

Un essai contrôlé randomisé en simple aveugle avec une période d’intervention de 6 semaines a été conçu pour confirmer l’hypothèse. Les hommes inclus dans cette étude ont été diagnostiqués avec un PFPS par un kinésithérapeute spécialisé, qui a aussi relevé les mesures avant et après les tests. Tous les patients de chaque groupe ont participé à la séance d’essai. Le groupe A (intervention) a bénéficié d’un taping rotulien et d’un renforcement avec EMG-BF par des exercices de contraction isométrique maximale volontaire (MVIC) à 30, 60 et 90 de flexion de genou. Le groupe B (témoin) a reçu un taping rotulien placebo sans renforcement du quadriceps. Les mesures de résultats étaient la MVIC du quadriceps à 30, 60 et 90° de flexion de genou, l’intensité de la douleur et l’état fonctionnel.

 Participants

60 athlètes masculins souffrant de PFPS ont participé à cette étude et ont été répartis dans les 2 groupes. Ils présentaient tous des douleurs au genou depuis plus de 8 semaines, aggravées par des activités telles que la montée et descente des escaliers, l’accroupissement et la course. Pour être inclus, ils devaient aussi présenter un signe J positif (inclinaison latérale de la rotule), un genou plus symptomatique que l’autre en cas d’atteinte bilatérale ainsi que des signes radiographiques de désaxation rotulienne. Les critères d’exclusions étaient des antécédents de fracture du genou, de luxation de la rotule, une déformation en genu varum, des lésions ligamentaires et/ou méniscales, de l’arthrose de genou ou encore la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et le recours à des injections articulaires. 

 Mesures

La force musculaire du quadriceps a été mesurée par le dynamomètre ISOMOVE à deux reprises, avant le traitement et après les 6 semaines d’intervention. Chaque participant a réalisé trois essais consécutifs et la moyenne de ces trois essais a été utilisée pour l’analyse statistique. L’intensité de la douleur a été relevée grâce à l’échelle visuelle analogique (EVA), avec 0 pour une absence de douleur et 10 pour une douleur maximale. La fonction du genou a été évaluée par une version modifiée du score Kujala Anterior Knee Pain (AKP), qui comporte 13 questions portant sur différents problèmes liés au PFPS lors d’activités de la vie quotidienne. Le Single-Leg Triple-Hop Test (SLTH ; trois sauts d’affilés sur le même membre) a aussi été utilisé pour évaluer les performances des participants ainsi que leurs progrès. Chaque participant a réalisé ce test 3 fois et le meilleur des trois sauts (celui avec la plus grande distance) a été gardé comme valeur de référence. 

 Intervention

l’EMG-BF a été utilisée pour aider les participants à renforcer leur quadriceps pendant qu’ils étaient en décubitus dorsal ou lorsqu’ils étaient sur la machine de Leg Extension, avec un tape rotulien. Les électrodes ont été positionnées comme sur la photo ci-contre ; deux sur le VMO, deux sur le droit fémoral et une électrode de référence sur la TTA. Chaque participant a reçu trois programmes d’exercices différents à réaliser 5 fois par semaine pendant 6 semaines. Les exercices étaient une contraction isométrique du quadriceps maintenue 5 secondes (3 x 10 rep), des MVIC de 5 secondes à 30, 60 ou 90° de flexion de genou (3 x 2 rep) et un exercice isométrique d’adduction de hanche avec verrouillage quadricipital (5secondes, 3 x 10 rep). Ils ont tous été réalisés sous la surveillance d’un kinésithérapeute en laboratoire.

Le groupe contrôle a réalisé les mêmes séries d’exercice que le groupe intervention mais avec un tape rotulien et un EMG-BF placebo. De plus, contrairement au groupe intervention, ils n’ont pas reçu d’instructions spécifiques pour contracter au maximum le VMO et le droit fémoral.

Résultats

Au départ de l’étude, l’EVA moyenne dans le groupe intervention était de 7,0 et de 6,8 dans le groupe témoin. Après les 6 semaines d’études, elle était de 1,3 dans le groupe intervention et de 4,5 dans le groupe témoin, ce qui montre une différence significative dans l’intensité de la douleur entre les deux groupes.
Concernant le score AKP, il est passé de 42,6 à 80,4 dans le groupe intervention et de 46,1 à 69,1 dans le groupe témoin, ce qui montre une amélioration significative dans le groupe EMG-BF. Enfin, concernant les scores au SLTH, la moyenne dans le groupe intervention est passée de 501,3 à 540,7 et elle est passée de 499,9 à 509,4 dans le groupe témoin. L’amélioration de la distance au SLTH est donc significativement plus importante dans le groupe EMG-BF.

Les résultats ont révélé une différence significative de la force musculaire des quadriceps chez les personnes qui se sont entraînées à 30, 60 ou 90 degrés d'angle de genou, à la fois dans le groupe EMG-BF et dans le groupe témoin. Après 6 semaines, les participants ayant suivi un renforcement des quadriceps avec les genoux fléchis à 60 degrés avaient des quadriceps beaucoup plus forts que ceux ayant suivi un entraînement des quadriceps avec les genoux fléchis à 30 ou 90 degrés. Enfin, l’amélioration de la force du quadriceps était significativement plus importante dans le groupe intervention que dans le groupe témoin, à tous les angles de flexion de genou.

Discussion

Les résultats de cette étude indiquent que les personnes souffrant de PFPS ont vu leur état douloureux et fonctionnel s’améliorer après 6 semaines d’exercices guidés par EMG-BF et de taping rotulien.

 Après l’intervention, la force du quadriceps était significativement plus élevée dans le groupe intervention que dans le groupe témoin. Les sujets ayant participé à l’entrainement à 60 degrés de flexion de genou sont ceux ayant le plus améliorer la force du quadriceps, avec une ampleur d’effet deux fois plus importante que ceux ayant réalisé le renforcement à 60 et 90 degrés. Cela montre l’importance clinique du renforcement du quadriceps à 60° de flexion de genou chez les sujets souffrant de PFPS.

Il a été proposé que l’EMG-BF favorise le recrutement du VMO, réduisant ainsi le déplacement latéral de la rotule, ce qui serait bénéfique chez les sujets avec PFPS. Même si cela a été confirmé par plusieurs études, d’autres recherches ont tiré des conclusions contradictoires et indiquent que l’EMG-BF ne devrait pas être utilisée en plus des exercices de renforcement du quadriceps chez les personnes souffrant de PFPS.

Concernant le taping rotulien, il est difficile de conclure sur son efficacité dû à son utilisation combinée avec celle de l’EMG-BF dans cette étude. De précédentes recherches avaient conclu que l’utilisation du taping rotulien pouvait améliorer la douleur chez les sujets avec PFPS, s’il était utilisé pour limiter le glissement latéral de la rotule, l’inclinaison et la rotation de genou. Certaines études ont de plus montré que le taping du tendon rotulien augmentait la proprioception en stimulant les mécanorécepteurs de la peau et, par conséquent, en augmentant l’apport afférent au système nerveux central. L’Académie de Physiothérapie Orthopédique a récemment publié des recommandations concernant l’utilisation du taping rotulien dans la pratique clinique. Ils recommandent le taping rotulien chez les sujets avec PFPS dans le cadre d’un traitement actif, pour soulager immédiatement la douleur et améliorer les résultats à court terme, mais ils ne recommandent pas son utilisation pour les effets à long terme et pour l’amélioration de la fonction musculaire. De nouvelles études devraient être menées afin de déterminer l’effet à long terme du taping rotulien.

L'étude actuelle a révélé que les personnes qui entraînaient leurs quadriceps avec un angle de genou de 60 degrés avaient une force musculaire des quadriceps significativement plus importante que celles qui s'entraînaient à 30 ou 90 degrés de flexion du genou. Cela peut s’expliquer par les caractéristiques anatomiques du quadriceps, car ses différents faisceaux sont capables de produire un couple de force variable en fonction de l’angle de flexion de genou par le changement de longueur des fibres musculaires. Compte tenu du fait que les fibres musculaires individuelles et l’ensemble du muscle semblent produire une force plus importante avec une longueur modérée, la littérature actuelle soutient la théorie selon laquelle le couple de force d’extension maximale du genou se produit lors d’une flexion de genou moyenne. Certaines études ont montré une force plus importante lors d’une flexion de genou à 60°, tandis que d’autres ont trouvé ce pic de force à 90° de flexion de genou. Cependant, en raison des différences méthodologiques de ces études, il n’est pas possible de réaliser une comparaison directe et de tirer une conclusion définitive sur l’angle idéal de flexion de genou.

Cette étude présente malgré tout quelques limitations, la première étant que les participants n’ont pas été suivis sur le long terme, et qu’il serait intéressant de voir si l’utilisation de l’EMG-BF chez les patients avec PFPS présente des effets à long terme sur la force musculaire. Ensuite, les effets individuels de l'entraînement musculaire guidé par l'EMG-BF et du bandage rotulien n'ont pas été examinés malgré leur importance potentielle. Par conséquent, les personnes souffrant de PFPS devraient être étudiées pour découvrir si le taping rotulien améliore les schémas de recrutement musculaire lors d'exercices à différents angles du genou. Enfin, l'étude n'a pas évalué la puissance musculaire, ce qui pourrait limiter la validité des résultats actuels. D'autres recherches sont donc nécessaires pour comprendre l'association entre la douleur, la force et la fonction chez les personnes souffrant de PFPS.

Conclusion

Les résultats de cette étude suggèrent qu’après 6 semaines de renforcement du quadriceps assisté par EMG-BF et avec présence d’un tape rotulien, les sujets souffrant de PFPS avaient une réduction importante de leur douleur ainsi qu’une amélioration de la force musculaire et de la fonction du genou. En outre, le groupe EMG-BF avait une force musculaire des quadriceps nettement supérieure à celle du groupe témoin, et les personnes qui entraînaient leurs quadriceps à un angle de flexion de genou de 60 degrés avaient des quadriceps beaucoup plus forts que celles qui s'entraînaient avec les genoux fléchis à 30 ou 90 degrés.

Référence de l'article

Hasan S, Alonazi A, Anwer S, Jamal A, Parvez S, Alfaiz FAS, Li H. Efficacy of Patellar Taping and Electromyographic Biofeedback Training at Various Knee Angles on Quadriceps Strength and Functional Performance in Young Adult Male Athletes with Patellofemoral Pain Syndrome: A Randomized Controlled Trial. Pain Res Manag. 2022 Aug 1;2022:8717932. doi: 10.1155/2022/8717932. PMID: 35958675; PMCID: PMC9359859.