Introduction
Avis du Pôle Scientifique Kinesport
Pastille verte
Pastille verte
Cette revue systématique est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais de l’étude.
Le sommeil a de nombreuses fois été décrit comme facteur essentiel à la récupération après les matchs ou les entraînements à haute intensité. Le manque de sommeil a des effets négatifs sur la performance, particulièrement dans les sports où la coordination motrice, la prise de décision et la capacité aérobie sont des qualités fondamentales. Ces effets négatifs seraient dus à un manque de régénération entrainant l’accumulation de stress physiologique dans le corps de l’athlète. Actuellement, la littérature considère le sommeil comme l’une des stratégies de récupération les plus importantes chez les basketteurs, tout comme l’hydratation et la nutrition. Ces trois facteurs sont aussi considérés comme les plus efficaces par les joueurs eux-mêmes. La science a déterminé qu’une diminution de la performance serait liée à une mauvaise qualité de sommeil, ce qui renforce le besoin d’améliorer les habitudes de sommeil des athlètes.
Chez les basketteurs professionnels, les probabilités de dormir de façon constante et profonde nuit après nuit sont particulièrement faibles. Cela est dû à de nombreux facteurs tels qu’un planning de compétition chargé, les déplacements, les matchs tard dans la soirée et l’utilisation d’objets électroniques. De plus, les trajets en avion pourraient aussi impacter la performance. De nouvelles études examinant l’impact de différents composants des trajets aériens (direction du vol, temps de trajet, niveau de saturation en oxygène, altitude moyenne, fréquence et ampleur des changements d’altitude pendant le vol) serait justifiée pour aider à dresser un tableau clair de l’effet de ces facteurs de stress sur le bien-être et la performance des joueurs suite à des déplacements.
Compte tenu des connaissances actuelles sur le sommeil, les auteurs ont été surpris de constater qu’il existe encore peu de recherches examinant de façon critique les effets de la somnolence diurne sur la santé et la performance dans le basket. L’objectif de cette revue systématique sera donc d’explorer les mécanismes physiologiques et psychologiques sous-jacents expliquant les effets du manque de sommeil sur la santé des joueurs. Cette revue aura pour second objectif de fournir des recommandations sur le sommeil lors d’une saison complète de basket.
Méthode
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Population - basketteurs professionnels et amateurs
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Intervention - effet du sommeil sur la performance
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Contrôle - non appliqué
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Outcome (résultat) - conséquence du sommeil sur la performance dans le basket
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Study design (format de l’étude) - tous types
Toutes les études sélectionnées devaient concerner des basketteurs, réaliser des mesures sur le sommeil et comparer les effets du sommeil avec des indicateurs de performance dans le basket.
La recherche a été faite par deux auteurs indépendants et les désaccords ont été discutés avec un troisième auteur. L’équation de recherche était (sommeil basket OU sommeil) ET (basket). Après une lecture de tous les articles, les auteurs en ont exclu trois, ce qui a amené à un total de 25 articles. Les informations extraites des articles étaient l’année de publication, les auteurs, la taille de l’échantillon, la méthode utilisée, les variables analysées et les résultats.
L’échelle OLE a ensuite été appliquée sur les 25 articles pour déterminer leur fiabilité, tout comme l’outil Cochrane de risque de biais classant les articles de faible risque de biais à risque élevé. Des risques de biais étaient présents dans les articles inclus dans cette revue systématique, notamment lié au fait qu’il est impossible de savoir si les basketteurs les plus performants sont ceux avec la meilleure qualité de sommeil ou s’ils sont simplement les meilleurs joueurs. Malgré cela, les résultats des études montraient des conclusions robustes.
Résultats
Les variables étudiées dans les 25 études retenues se focalisaient sur la relation entre les différents aspects du sommeil (qualité et durée, hygiène, utilisation d’équipements électroniques avant le coucher…) et la performance des joueurs de basket, mesurée sur plusieurs aspects caractéristiques de ce sport. 8 articles ont directement étudié cette relation. Il est important de relever que 6 autres articles ont mis l’accent sur la relation entre charge de travail et la qualité et la durée de sommeil et 9 ont étudié l’impact du voyage (décalage horaire, temps de trajet…) sur le sommeil. Une étude a travaillé sur les rythmes circadiens et a analysé les meilleurs moments de la journée pour s’entrainer en fonction de ces rythmes, et une autre étude a établi le lien entre le sommeil, la charge de travail et le risque de blessure à l’épaule. Enfin, deux travaux ont été réalisés sur la relation entre la nutrition, les compléments alimentaires et le sommeil. La chronologie des articles inclus s’étend de 1997 à 2021, avec 15 articles publiés dans les 2 dernières années.
Les risques de biais des études ont été analysés sur différents critères : biaise de sélection, de performance, de détection, d’attribution, de rapport ou autre risque de biais. Dans l’ensemble, la majorité des études présentaient de faibles risques, ce qui est résumé dans le graphique qui suit.
Concernant les compétitions professionnelles, un total de 14 404 matchs de NBA a été analysé. Pour toutes les études, les participants ont été divisés en « basketteurs » ou « athlètes » (s’ils ne pratiquaient pas le basketball). Sur l’ensemble des participants, 69 étaient amateurs (17 femmes et 52 hommes), 54 évoluaient en NCAA Division 1 (14 femmes et 40 hommes), 72 en basket en fauteuil-roulant élite (35 femmes et 37 hommes), 105 étaient des joueurs semi-professionnels (40 femmes et 65 hommes) et 161 étaient professionnels (20 femmes et 141 hommes, dont 112 en NBA).
Les risques de biais des études ont été analysés sur différents critères : biaise de sélection, de performance, de détection, d’attribution, de rapport ou autre risque de biais. Dans l’ensemble, la majorité des études présentaient de faibles risques, ce qui est résumé dans le graphique qui suit.
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8 études ont conclu que cette relation était directement proportionnelle et que l’augmentation de la performance sur le terrain était liée au nombre d’heures de sommeil ainsi qu’à la continuité du sommeil pendant cette période. 2 de ces études ont aussi révélé que chez les jeunes, les garçons récupéraient mieux que les filles et que même s’ils étaient informés de l’importance du sommeil sur la performance, seulement 24% des joueurs en tenait compte.
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Sur 6 études s’intéressant aux charges d’entrainements et de matchs, 4 ont rapporté une relation entre une charge de stress élevée et une mauvaise nuit de sommeil, 1 étude n’a pas confirmé cette relation et la dernière n’a pas trouvé de relation entre la qualité de sommeil et le RPE (rate of Perceived Exertion) des entrainements suivants. Malgré cela, cette dernière étude a conclu qu’une charge d’entrainement élevée affectait négativement la qualité de sommeil et donc la performance du joueur lors de l’entrainement suivant.
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Une étude a conclu qu’un plus grand temps de sommeil entrainait une réduction du risque de blessure.
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6 études ont conclu que les déplacements, à cause du voyage, de la fatigue, du décalage horaire, du changement de temps, etc... affectaient négativement le sommeil des joueurs ainsi que leur récupération et leur performance. Une de ces études a révélé que la relation entre sommeil et performance était propre à chaque individu et que les entraineurs devraient prendre en compte ces variabilités entre les joueurs. Une autre étude a appuyé le fait que les rythmes circadiens influencent le pic d’énergie, soutenant le fait que les joueurs sont plus performants en entrainements et en matchs l’après-midi que le matin. Dans 3 autres articles, l’importance du calendrier de compétition a été souligné ; un calendrier surchargé (comme c’est le cas en NBA) entraine peu de temps de récupération entre les matchs et affecte négativement le sommeil et la performance des joueurs.
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Dans 2 articles étudiant la nutrition, les conclusions étaient que le café n’affectent pas la performance des basketteurs et que leur sommeil est plus affecté par ce qu’ils ont mangé durant une journée entière que par l’indice glycémique du dernier repas.
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Enfin, un article a conclu que l’utilisation de la thérapie infrarouge juste avant le coucher avait un impact positif sur le sommeil des joueurs et que ces thérapies pourraient être utilisées lors de plannings de compétition chargés pour permettre une récupération plus rapide.
Discussion
Après l’analyse de 25 articles, publiés pour la plupart récemment, nous pouvons conclure que le sommeil affecte la performance dans le basket et est lié au risque de blessures. De plus, certains facteurs tels que les déplacements, la charge interne et externe de travail et le calendrier de compétition peuvent affecter négativement le repos des athlètes et ne sont pas suffisamment pris en compte dans les stratégies de récupération.
Sommeil et performance
Le sommeil a un impact clair sur la performance des basketteurs, influençant non seulement les statistiques des joueurs mais aussi leur risque de blessure. Le sommeil est donc une variable fondamentale qui devrait être contrôlé par tout le personnel d’encadrement d’une équipe.
Sommeil et charge de travail
Des charges d’entrainements (ou de matchs) élevées affectent la qualité du sommeil de la nuit de la même journée, ce qui affecte aussi les performances des joueurs le lendemain. Les entraineurs devraient en tenir compte lors de la planification et du choix de l’intensité des entrainements.
Sommeil et rythme circadien
Les rythmes circadiens affectent les joueurs et déterminent les meilleurs et les pires moments de la journée pour s’entrainer. Cette variable n’est malheureusement pas suffisamment prise en compte lors des programmations d’entrainements et de matchs, alors que les performances des joueurs pourraient être améliorées si elle était incluse dans la planification.
Sommeil et déplacements
Dans les compétitions professionnelles, il est courant de devoir parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres par semaine pour disputer les matchs prévus. Cela a des conséquences sur la santé et la performance ; les longs voyages ont un effet négatif sur la récupération des athlètes à causes de facteurs tels que la fatigue physique du voyage et la perturbation du rythme circadien. Les organisations respectives devraient en tenir compte pour améliorer les calendriers de compétitions et ainsi mieux protéger les joueurs du risque de blessure.
Conclusion
Cette revue systématique récente a montré que le sommeil et les rythmes circadiens sont des sujets très importants dans l’environnement compétitif en basketball. Des conclusions scientifiques solides mettent en avant le sommeil comme une stratégie essentiels de récupération et il est clair qu’il affecte la santé et la performance des joueurs. Le fait de négliger de bonnes pratiques de sommeil et de ne pas tenir compte des différents rythmes circadiens des athlètes peut avoir des conséquences délétères sur les performances en basketball.
Applications pratiques et recherches futures
L’éducation à l’hygiène du sommeil et à ses nombreuses conséquences devrait être dispensée par le personnel de chaque équipe afin d’améliorer le seul outil naturel (et gratuit) qui existe pour récupérer du stress auquel le corps est soumis lors des matchs et entrainements. Les joueurs doivent comprendre comment créer un environnement positif avant le coucher : éviter les stimulants, les réseaux sociaux, diminuer les lumières vives et en particulier la lumière bleue, créer un environnement plus frais et calme. D’autre part, les entraîneurs devraient davantage tenir compte des rythmes circadiens lorsqu’ils planifient les charges d’entrainement du matin et du soir, en accordant plus de sommeil à leurs joueurs lors d’entrainements intenses, de matchs difficiles et de longs déplacements. Le sommeil devrait avoir la même importance que les pratiques habituelles de récupération (immersion dans le froid, compléments alimentaires, massages, vêtements de compression …).
En ce qui concerne les clubs et ligues de basket professionnel, il est nécessaire d’accorder plus d’importance à l’impact négatif des voyages, qui peuvent augmenter le risque de blessure et diminuer la performance des joueurs, ces deux facteurs conditionnant le spectacle de ce sport et donc l’attrait des fans. L’accent devrait être mis sur la nécessité de fournir un temps de repos suffisant aux joueurs entre les matchs et sur l’importance d’éviter le classique « back-to-back » (deux matchs consécutifs). Cela s’avère d’autant plus essentiel lorsque les déplacements comprennent un décalage horaire qui peut être bénéfique ou délétère. Par exemple en NBA, il a été démontré que lorsqu’une équipe de l’Ouest se déplace dans l’Est, l’heure du match lui est bénéfique car elle coïncide avec son rythme circadien.
Ces recommandations pourraient accroître la valeur du basket professionnel, de l’aspect purement sportif à l’aspect organisationnel et économique. En effet, en améliorant à la fois le spectacle (grâce à la performance des joueurs) et l’organisation, il devrait en résulter un plus grand intérêt de la part des spectateurs ainsi qu’une utilisation plus efficace des budgets des clubs. Toutes les informations recueillies dans ce travail devraient être prises en compte par les joueurs, le personnel médical et les ligues professionnelles afin de favoriser un environnement plus sûr et plus cohérent avec les rythmes circadiens et les délais de récupération nécessaires. L’approche du sommeil devrait aussi comprendre une dimension personnelle, en tenant toujours compte de l’individualité de chaque joueur.
Référence de l'article
Ochoa-Lácar J, Singh M, Bird SP, Charest J, Huyghe T, Calleja-González J. How Sleep Affects Recovery and Performance in Basketball: A Systematic Review. Brain Sci. 2022 Nov 18;12(11):1570. doi: 10.3390/brainsci12111570. PMID: 36421894; PMCID: PMC9688068.