Séquelles chroniques après lésions musculaires : Influence d'un entraînement en résistance lourde sur les caractéristiques fonctionnelles et structurelles dans un essai contrôlé randomisé

Arnaud BRUCHARD
Kinesport vous propose une nouvelle traduction synthèse sur l'entraînement HRT et son influence sur les lésions musculaires anciennes et symptomatiques. Par nécessité de lutter contre la déformation de l’information, nous continuons à tenter de vous livrer les traductions sans distorsion. Nous nous conseillons de lire la publication en entier et non seulement l'abstract ou la conclusion pour en faire un résumé.

L'étude :
Des études antérieures ont signalé après une lésion musculaire un processus de réparation prolongé après la blessure, avec le développement d'une atrophie musculaire et d'une fibrose. Une identification directe du tissu cicatriciel n'a cependant pas été réalisée. D’autres études suggèrent que les personnes sportives présentent des déficits fonctionnels persistants, tels qu'une réduction de la force musculaire (en particulier de la composante excentrique), une fatigue musculaire et des modifications de l'activation musculaire après une lésion des ischio-jambiers. La possibilité de rétablir ces déficits fonctionnels n'a pas été examinée. 

VRAI OU FAUX ?

Selon cette étude, ce qu'elle dit et ce qu'elle ne dit pas : 

VRAI

Le HRT ne semble pas modifier l'infiltration pathologique de graisse dans la zone blessée.

VRAI

Les anomalies structurelles* avec du tissu cicatriciel ne semblent pas se remanier après entraînement HRT.
*gouttelettes lipidiques intramyofibrillaires, sarcomères et membrane basale.

FAUX

L'architecture musculaire ne semble pas avoir une grande influence sur les symptômes et la fonction suite à une lésion musculaire. 
Les lésions dues aux lésions musculaires se produisent principalement à la jonction myotendineuse qui est une structure hautement organisée reliant le cytosquelette du tissu musculaire à la matrice extracellulaire du tissu conjonctif. Une réparation incomplète au niveau de cette jonction pourrait être le signe d'un point faible et expliquer en partie la proportion élevée de rechutes au même endroit que la lésion initiale. La question de savoir si l'architecture spécifique de la jonction myotendineuse est entièrement rétablie et fonctionnelle après une lésion musculaire n'est pas connue et n'a jamais été examinée chez l'homme. La formation d'une cicatrice fibrotique, mesurée par IRM, a été rapportée, mais la composition réelle de cette cicatrice et son lien éventuel avec les symptômes cliniques restent inconnus. Au niveau fonctionnel, le tissu cicatriciel présente des propriétés mécaniques modifiées par rapport au tissu intact, y compris sur le plan de la rigidité musculaire. On ignore si les propriétés mécaniques peuvent être normalisées par un entraînement musculaire.

Le remodelage du tissu conjonctif après ce type de lésion musculaire nécessite un temps prolongé, et les lésions des structures riches en tissu conjonctif sont de longue durée et la restauration structurelle souvent incomplète. L’entraînement en résistance lourde (HRT), en particulier la contraction musculaire excentrique, s'est avéré efficace pour prévenir les lésions initiales et récurrentes des muscles ischio-jambiers, mais les mécanismes sous-jacents ne sont pas connus. Il n'a jamais été établi que le HRT induit des adaptations tissulaires positives après une blessure musculaire, notamment en ce qui concerne le remodelage du tissu cicatriciel.

OBJECTIFS

L'objectif de cette étude était d'étudier l'effet du HRT sur la douleur, la force musculaire et la surface de section transversale du muscle (CSA) chez des participants qui présentent des symptômes chroniques après une ancienne blessure musculaire. Ensuite, les auteurs ont cherché à caractériser le tissu cicatriciel et à enregistrer les changements ultrastructuraux positifs potentiels après le HRT. Leurs hypothèses étaient les suivantes :

  • (1) Le HRT entraînerait une réduction des symptômes cliniques, une amélioration des scores de douleur et de fonction, et une augmentation du CSA musculaire. 
  • (2) Le tissu cicatriciel serait caractérisé par une structure désorganisée du tissu conjonctif, et le HRT entraînerait un remodelage local. 

MÉTHODE

Programme d'entraînement

Le programme HRT était axé sur des contractions excentriques avec une augmentation progressive de la résistance et une diminution du volume. L'entraînement CORE consistait à renforcer les muscles dorsaux et abdominaux, en omettant tout exercice des muscles des cuisses ou des mollets. Le tableau 1 donne un bref aperçu des exercices et de la progression, et l'annexe (disponible en ligne) fournit des détails sur les différents programmes d'entraînement.

IRM et analyse

L'IRM de la cuisse ou du mollet blessé a été réalisée avant et après l'intervention, et le deuxième scan a été obtenu au moins 48 heures après le dernier entraînement. Il convient de noter que la CSA musculaire a été évaluée dans les groupes musculaires concernés, et non dans les groupes non concernés.

Tests de la fonction musculaire 

Toutes les mesures de force ont été effectuées avant et après l'intervention et précédées d'un échauffement de 10 minutes sur un vélo ergomètre à intensité modérée.

  • Les participants présentant une lésion des muscles de la cuisse ont effectué des tests de force isocinétique à l'aide d'un dynamomètre. Pour chaque mode de contraction, 2 essais de préconditionnement ont été effectués, suivis de 3 contractions maximales à une vitesse angulaire de 60 degrés/seconde avec une amplitude de mouvement comprise entre 10° et 90°. L'essai présentant le couple maximal le plus élevé a été utilisé pour l'analyse des données. Pour l'analyse statistique, seuls les participants présentant une blessure aux ischio-jambiers ont été inclus, étant donné le faible nombre de blessures au Droit fémoral.
  • Les participants présentant une lésion du muscle du mollet ont effectué des tests de force isométriques à l'aide du dispositif Good Strength. Les participants étaient assis avec les hanches fléchies à 90°, les genoux fixés à 0° et les articulations des chevilles en position de 90°, et le transducteur de force était placé sous les os métatarsiens. Trois mesures ont été effectuées à chaque moment, et l'essai présentant le pic le plus élevé a été utilisé pour l'analyse des données. La force passive contre le transducteur a été soustraite de la contraction volontaire maximale isométrique active (MVC).
  • En outre, les participants ont effectué un heel-rise test (MuscleLab), qui teste la capacité des muscles du mollet à effectuer de manière répétée une montée unilatérale du talon à une vitesse donnée. Les participants ont reçu pour instruction de monter le plus haut possible avec chaque talon, puis de le redescendre à la position de départ. Les phases concentrique et excentrique duraient chacune 1 seconde. Il était demandé aux participants d'effectuer le plus grand nombre de montées de talon possible. Le test était terminé lorsque le participant était incapable de lever le talon 5 cm au bon rythme.

Prélèvement de tissu cicatriciel 

Les échantillons de biopsie du tissu cicatriciel ont été prélevés sous guidage échographique après identification d'une zone claire hypo- ou hyperéchogène. Les échantillons ont été prélevés lorsque les changements pathologiques sur le scanner correspondaient au site de la lésion musculaire antérieure où les participants ressentaient une douleur ou un inconfort. 

Questionnaires pour évaluer les résultats rapportés par les patients (PROM).

Le questionnaire permettant d'évaluer les scores de fonction subjective, la douleur et les symptômes du muscle blessé (Hamstring Outcome Score) a été validé et traduit en danois. Il se compose de 5 catégories - symptômes, douleur, fonction et activités, et qualité de vie/performance sportive - et chaque catégorie est notée séparément. Le score total est obtenu en calculant la moyenne des 5 catégories en pourcentage du score maximal. Le questionnaire a été modifié pour les blessures du mollet afin d'être spécifique à cette région. Les participants ont été invités à remplir le questionnaire avant et après l'intervention. 

RÉSULTATS 

Caractéristiques des patients 

  • L'âge moyen des 30 participants était de 36 (± 10) ans, avec 22 hommes et 7 femmes. Le délai entre la blessure et la participation à l'étude était très large, allant de 6 mois à 14 ans, avec un délai moyen de 43 (± 43 mois) entre la blessure et la participation à l'étude.
  • Il n'y avait pas de différences dans les caractéristiques de base entre les deux groupes (HRT et CORE) d'intervention en ce qui concerne la composition par sexe, l'âge ou la durée de la blessure. Tous les participants ont cité des symptômes chroniques, dont le plus fréquent était la douleur dans la région affectée.
  • La faiblesse musculaire et la récurrence élevée des lésions dues à des lésions lors d'activités sportives étaient des complications fréquentes.
  • Il y avait 17 participants avec des blessures aux ischio-jambiers, 8 avec des blessures aux mollets, et 2 avec une blessure au Droit Fémoral.

ans

mois de délais

hommes

Force et fonction maximales à la suite de l'intervention 

Les tests post hoc ont montré que

  • Le déficit en MVC s'est amélioré dans le groupe HRT avec une augmentation de 23%, alors qu'il n'y a eu aucun changement dans le groupe CORE, ce qui a conduit à une différence de groupe après l'intervention. Avant l'intervention, il n'y avait pas de différence de groupe entre le groupe HRT et le groupe CORE : la MVC concentrique était inférieure de 17,5 % dans la jambe blessée par rapport à la jambe saine dans le groupe HRT et de 18 % dans la jambe blessée dans le groupe CORE.
  • Un schéma similaire a été observé pour le déficit de la force musculaire excentrique des ischio-jambiers. Les tests post hoc ont montré une augmentation de la MVC excentrique après l'intervention dans le groupe HRT de 17 %, alors qu'il n'y a eu aucun changement de force dans le groupe CORE. Aucune différence n'a été observée au début de l'intervention entre les groupes, mais il y avait un déficit substantiel du torque par rapport à la jambe saine. Le MVC excentrique était inférieur de 27 % dans la jambe blessée par rapport à la jambe saine dans le groupe HRT et de 25 % dans la jambe blessée dans le groupe CORE.
  • La force musculaire du mollet a été testée de manière isométrique, et le déficit en MVC isométrique entre le mollet blessé et le mollet sain n'était pas statistiquement différent entre les groupes avant ou après l'intervention. Le nombre et la distance maximale des élévations du talon n'étaient pas non plus différents dans le mollet blessé et dans le mollet sain, et aucun des paramètres n'a changé avec le temps.

CSA musculaire 

Le CSA correspond à l’aire de section. Il ne représente pas l’architecture, c’est un sous-composant qui est plus une résultante de la spatialité des fascicules qui eux, définissent en partie l’architecture musculaire.

  • Pour les muscles ischio-jambiers, il y avait une différence significative entre les groupes HRT et CORE après l'intervention dans la taille du semi-tendineux. La CSA du semi-tendineux a augmenté de 7 % après 3 mois de HRT, alors qu'il n'y a eu aucun changement de CSA pour le groupe CORE. 
  • Pour les 3 autres muscles ischio-jambiers, la CSA ne différait pas significativement entre les groupes. La CSA du biceps femoris courte portion a augmenté significativement de 8 % dans le groupe HRT et de 3 % dans le groupe CORE, sans différence entre les groupes d'intervention. Il n'y a pas eu de changement significatif du CSA du semi-membraneux dans les deux groupes et pas d'effet significatif sur la CSA du biceps fémoral longue portion dans les deux groupes. Le muscle semi-membraneux a révélé une augmentation plus prononcée sur son site proximal par rapport au site distal dans les deux groupes,sans différence entre les groupes d'intervention.
  • Concernant le mollet, Le HRT a eu un effet significatif sur la CSA. Ainsi, La CSA du gastrocnémien médial a augmenté de 12 % dans le groupe HRT, tandis que la CSA a diminué de 8 % dans le groupe CORE après l'intervention. Pour le gastrocnémien latéral, il y avait une tendance à la différence entre les groupes : le groupe HRT a connu une augmentation moyenne de 8 % de la CSA contre une diminution de 6 % dans le groupe CORE. Il n'y a pas eu de changement majeur dans le CSA du muscle soléaire dans les deux groupes, et aucun effet de la position n'a été détecté.

Caractéristiques histologiques des spécimens de biopsie

La constatation la plus fréquente était l'accumulation de graisse intramusculaire. La surface moyenne du tissu cicatriciel couverte d'adipocytes était de 11,6 %. Chaque participant avait au moins un échantillon de biopsie avec une infiltration graisseuse évidente, allant d'un minimum de 1,5 % à un maximum de 63,2 % de la surface totale de l'échantillon de biopsie. Dans le groupe HRT, le tissu adipeux remplissait 6,1 % de la surface totale avant l'intervention contre 7,5 % après l'intervention. Dans le groupe CORE, une moyenne de 8,8 % de la surface de l'échantillon de biopsie était composée de tissu adipeux avant l'intervention contre 25,4 % après l'intervention. En raison de la variation de la teneur en graisse des spécimens de biopsie, les statistiques sur l'effet du groupe et du temps ont été évitées. Outre l'infiltration adipocytaire, les auteurs ont observé une abondance de vaisseaux sanguins, dont certains avaient un très grand diamètre. Les auteurs ont quantifié une surface de vaisseaux sanguins de 3,2% dans le groupe HRT avant l'intervention contre 0,99% après l'intervention. Une moyenne de 2,7 % de l'échantillon de biopsie était composée de vaisseaux sanguins avant l'intervention dans le groupe CORE contre 2,9 % après l'intervention.

Caractéristiques ultrastructurales du matériel de biopsie

Les observations les plus fréquentes étaient des gouttelettes lipidiques intramyofibrillaires, des sarcomères hypercontractés désorganisés et des zones granulaires dépourvues de sarcomères au sein de fibres musculaires complètes contenant un sarcolemme et une membrane basale intacts. L'hypercontraction des sarcomères était une observation courante; souvent, un léger motif de lignes Z condensées était observé en même temps que des gouttelettes de lipides. L'accumulation de mitochondries sous-sarcolemmales était une autre caractéristique. Lorsque la matrice extracellulaire des échantillons de biopsie a été inspectée, l'absence du tissu conjonctif normal, serré, dense et organisé, est apparue. Au contraire, très peu de fibrilles de collagène semblaient être présentes dans la matrice extracellulaire

Mesures des résultats rapportés par les patients (PROMS)

Avant l'intervention, la jambe blessée était moins bien notée que la jambe saine dans les deux groupes pour chaque catégorie. Bien que tous les éléments se soient améliorés au fil du temps :

  • Les patients ont toujours évalué la jambe blessée de manière significativement plus faible après l'intervention. 
  • Dans la jambe blessée, les scores de la catégorie symptômes se sont améliorés avant et après l'intervention, sans différence de groupe. 
  • La douleur/gène a montré un meilleur score au fil du temps, sans différence de groupe. 
  • Le même schéma a été observé pour la fonction et la vie quotidienne et la qualité de vie : les deux éléments se sont améliorés avec le temps dans les groupes HRT et CORE. HRT
Scores subjectifs pour la jambe blessée dans les catégories " symptômes ", " douleur ", " fonctions et vie quotidienne " et " qualité de vie " évalués par un questionnaire dans les groupes HRT et CORE (" C ") avant le début de l'étude. vie quotidienne" et "Qualité de vie" évalués par un questionnaire dans le groupe HRT et CORE ("C) avant (barres blanches) et après (barres grises) l'intervention. Un score de 100 indique le meilleur score pour chaque item. L'astérisque (*) indique des changements changements significatifs entre le début et la fin de l'intervention (p< 0,05), l'interaction groupe x temps est indiquée avec des valeurs p précises. Les données sont présentées sous forme de moyenne (± SEM).

DISCUSSION

La présente étude a été motivée par la recherche d'une option de traitement des lésions chroniques dues à des lésions musculaires, qui font partie des types de blessures sportives les plus courantes. De plus, les auteurs étaient intéressés par l'identification des caractéristiques du tissu cicatriciel dans l'état chronique des blessures. Leur objectif principal était d'examiner l'effet du HRT sur la douleur, la force musculaire et la CSA musculaire chez des athlètes amateurs présentant des symptômes chroniques après une lésion musculaire antérieure.

La présente étude démontre que le HRT améliore la douleur et la fonction chez les participants présentant des séquelles à long terme après une lésion musculaire.
De plus, le HRT peut aider à normaliser le déficit de force musculaire concentrique et excentrique et conduire à une plus grande CSA musculaire dans la région blessée. Cependant, le HRT ne semble pas modifier l'infiltration pathologique de graisse dans la zone blessée. Dans l'ensemble, cette étude indique que le HRT à court terme peut améliorer les symptômes des séquelles et la fonction musculaire, même plusieurs années après une blessure musculaire, mais qu'il n'influence pas de manière significative les anomalies structurelles dans la région fibrotique du muscle et du tendon.

Infiltration de graisses dans le muscle squelettique 

Pour la première fois, le tissu cicatriciel a été caractérisé directement dans des muscles humains blessés par contraintes. Contrairement à l’hypothèse selon laquelle les auteurs pensaient découvrir un vaste tissu conjonctif serré dans les zones fibrotiques, la découverte prédominante était une infiltration graisseuse substantielle dans l'espace intrafasciculaire et à l'intérieur des myofibrilles. La dégénérescence graisseuse après lésions musculo-squelettiques a été décrite presque exclusivement après des lésions de la coiffe des rotateurs. Les auteurs postulent donc que les lésions musculaires et les lésions de la coiffe des rotateurs ont une caractéristique commune, car ces lésions présentent un défaut à l'interface muscle-tendon-aponévrose ou au tendon lui-même, provoquant une pathologie musculaire quelque peu similaire, comme l'atrophie musculaire et l'infiltration graisseuse, ainsi qu'un taux élevé de rechutes.

La dégénérescence graisseuse et l'atrophie ne régressent pas après une intervention chirurgicale réussie pour les lésions de la coiffe des rotateurs, mais la progression peut être arrêtée après une réparation chirurgicale. Ces résultats indiquent qu'une fois que le muscle squelettique est infiltré par les adipocytes, le processus ne peut pas être inversé, mais seulement interrompu. Les stimuli mécaniques étant des conditions préalables à l'homéostasie des muscles et du tissu conjonctif, les auteurs ont émis l'hypothèse que le HRT pourrait avoir une influence positive sur le tissu cicatriciel. Cependant, le nombre d'adipocytes et de vaisseaux sanguins semble être resté plus ou moins stable après l'intervention ; Il semble donc que ces données ne confirment pas l’hypothèse selon laquelle le HRT pourrait remodeler le tissu cicatriciel. Les blessures musculaires sont associées à un risque élevé de nouvelle blessure, ce qui pourrait refléter les changements permanents dans le muscle blessé et le tissu conjonctif (aponévrose/tendon) comme le propose la présente étude. L'accumulation de graisse intramusculaire, les sarcomères hypercontractés, les espaces sans structure sarcomérique et la distribution éparse de fibrilles de collagène dans la matrice extracellulaire contribuent très probablement à affaiblir l'interface muscle-tissu conjonctif. Une interface affaiblie pourrait donc ne pas être capable de soutenir les forces élevées pendant les mouvements, ce qui contribue finalement à des rechutes au site de la première blessure. Comme cette étude est la première à examiner la composition du tissu cicatriciel après des lésions et une intervention, il est clair que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour permettre des conclusions plus définitives. Un facteur évident mais encore inconnu est la question de savoir si le tissu cicatriciel subit une charge similaire à celle du tissu sain normal ou si la zone est plus ou moins déchargée même lorsqu'elle est soumise à des exercices spécifiques avec des charges progressivement élevées. On ne sait toujours pas si la prévalence élevée de blessures récurrentes pourrait être réduite par un HRT continu après une lésion musculaire, afin de renforcer la partie non affectée du muscle et l'interface muscle-tissu conjonctif sans normaliser directement la zone affectée (c'est-à-dire le tissu cicatriciel). D'autres études longitudinales sont nécessaires pour examiner l'effet protecteur potentiel à long terme du  HRT  sur les blessures récurrentes.

Changements fonctionnels et structurels avec l'entraînement

Dans cette étude, il est montré qu’il existe des altérations fonctionnelles et structurelles à long terme des muscles squelettiques après des lésions musculaires, comme cela a été rapporté précédemment. Les études précédentes étaient toutefois limitées à un suivi de 6 mois après la blessure. L'entraînement en force a montré un effet clair sur le tissu musculaire, car les participants randomisés dans le groupe HRT ont augmenté le MVC isocinétique de manière significative après l'entraînement. La MVC concentrique des ischio-jambiers s'est complètement rétablie, mais la MVC excentrique ne correspondait pas entièrement à celle du côté non blessé. Puisque les exercices de HRT impliquaient principalement des contractions excentriques, le déficit de force pourrait indiquer que les muscles blessés éprouvent des difficultés à long terme à exercer des forces élevées en amplitude externe. Ce déficit pourrait être le résultat d'une activation neuronale réduite de la zone blessée ou d'une transmission de force moins optimale lorsque l'unité muscle-tendon est à l'état allongé, tous deux couplés à une accumulation substantielle de graisse. De même, on ne sait pas encore si l'effet protecteur du HRT excentrique sur les lésions récurrentes en amplitude externe repose sur un effet d'entraînement du recrutement des unités motrices, sur le renforcement du tissu conjonctif et/ou sur des modifications des fascicules et de leur insertion sur l'aponévrose. Cependant, les données de cette étude ultrastructurales ne suggèrent pas qu'il y ait un remodelage du tissu cicatriciel mais montrent que les myofibres semblent intactes, ce qui signifie qu'il y a une lame basale non endommagée, suggérant que les myofibres en soi ne sont pas perturbées.

Pour les blessures au mollet, il n’a malheureusement pas été en mesure de mesurer la force concentrique ou excentrique dynamique, ce qui constitue une limitation évidente. Au lieu de cela, la force isométrique du mollet avec un degré de cheville de 90° était la seule position dans laquelle il a pu être effectué un test de force maximale du muscle du mollet, qui n'a pas détecté de différence entre le muscle du mollet blessé et le muscle du mollet non blessé. Une étude précédente a abouti à des observations similaires, manifestant un déficit significatif de la force isocinétique après des lésions musculaires, alors que la force maximale isométrique n'était pas différente dans la jambe blessée par rapport à la jambe saine. Puisqu'il y avait une augmentation claire de la CSA du muscle affecté (gastrocnémien médial) de 12% après 3 mois de HRT, les auteurs sont convaincus que le programme d'entraînement était un stimulus efficace de la croissance musculaire et, hypothétiquement, de la force maximale isocinétique.

Changements dans les mesures des résultats rapportés par les patients avec l'entraînement

Avant et après l'intervention, les scores relatifs à la jambe blessée étaient significativement plus mauvais que ceux de la jambe saine, indiquant une douleur et une gêne pendant le mouvement, une difficulté à effectuer des tâches spécifiques et une confiance significativement plus faible dans la jambe blessée. Les deux types d'intervention ont amélioré les scores des participants, mais l'entraînement n'a pas suffi à porter les scores à un niveau comparable à celui de la jambe saine. Les améliorations du groupe CORE sont quelque peu surprenantes, car seul le HRT a entraîné des gains de force, mais les exercices CORE auraient pu se traduire par une amélioration des capacités fonctionnelles et donc une plus grande confiance dans la jambe blessée. De plus, le HRT ciblait des groupes musculaires spécifiques, ce qui aurait pu produire une réponse hypoalgésique dans le cadre de l'hypoalgésie induite par l'exercice, et ces résultats indiquent que les gains fonctionnels obtenus avec le HRT ne se sont pas reflétés dans la réponse subjective. Le résultat du questionnaire pourrait donc révéler une réponse générale à toute intervention d'exercice en relation avec la douleur chronique.

Limites

L'une des limites de cette étude est l'absence de mesures du CSA musculaire sur la jambe saine, qui était fonction du temps disponible pour le scanner à l'hôpital. Il n'a pas non plus été possible de quantifier le contenu en graisse sur l'IRM. Les auteurs n’ont pas prélevé d'échantillons de tissu sur une partie saine de l'unité muscle-tissu conjonctif, afin d'éviter toute complication et toute douleur supplémentaire. L'absence de force isocinétique des mollets, attribuée au manque d'équipement approprié, constitue une autre limite. La taille de l'échantillon est également inférieure à celle prévue dans l'enregistrement de l'essai qui comprenait un groupe de patients souffrant de blessures aiguës qui ont servi de base au calcul de la taille de l'échantillon mais n'ont pas fait partie de la présente étude. Pour les résultats actuels, aucune taille d'échantillon formelle n'a pu être déterminée a priori, bien qu'il faille noter que les tailles d'effet robustes indiquent que les résultats peuvent être cliniquement pertinents malgré la taille de l'échantillon. Enfin, le questionnaire a été validé uniquement pour les groupes de muscles ischio-jambiers, et il a été modifié pour la région du mollet en suivant les mêmes principes et formulations que pour le questionnaire sur les ischio-jambiers.

CONCLUSION


  • Des déficits de force substantiels ont été constatés chez des athlètes amateurs en bonne santé qui avaient subi des lésions musculaires chroniques. Le HRT a été bien toléré et a augmenté la force musculaire et la CSA dans certains muscles, alors qu'aucun changement similaire n'a été observé après l'entraînement CORE. 
  • L'infiltration graisseuse intramusculaire et myofibrillaire n'a pas semblé changer avec l'entraînement, et les auteurs supposent que l'absence d'une interface étroite entre le muscle et le tissu conjonctif a conduit à une décharge focale, qui a activé les processus cellulaires associés à la pathologie musculaire. 
  • Même si les changements structurels ne semblaient pas pouvoir être inversés, l'entraînement musculaire est apparu comme une option thérapeutique efficace, même plusieurs années après la blessure.

L'ARTICLE

Monika L. Bayer, Maren Hoegberget-Kalisz, Rene B. Svensson, Mikkel H. Hjortshoej,yz, Jens L. Olesen, Janus D. Nybing, Mikael Boesen, Peter Magnusson, Michael Kjaer. Chronic Sequelae After Muscle Strain Injuries Influence of Heavy Resistance Training on Functional and Structural Characteristics in a Randomized Controlled Trial. 
The American Journal of Sports Medicine 2021;49(10):2783–2794
DOI: 10.1177/03635465211026623