Tests de Return to Play après reconstruction du ligament croisé antérieur Une revue systématique et méta-analyse

Kinesport
Les lésions du ligament croisé antérieur (LCA) sont des blessures fréquentes chez les sportifs avec une incidence estimée à 68.8 pour 100.000 personnes-années et la reconstruction chirurgicale est considérée par beaucoup comme l’option thérapeutique de référence. Bien que la reconstruction du LCA donne des résultats cliniques et fonctionnels satisfaisants, ainsi que des niveaux élevés de return to play (RTP), des inquiétudes subsistent quant aux taux significatifs de re-rupture du greffon et de blessures controlatérales du LCA. Les tests de RTP sont apparus comme une modalité permettant d’identifier les athlètes présentant un risque élevé de récidives après chirurgie de reconstruction du LCA.

L'American Academy of Orthopaedic Surgeons (AAOS) a publié une liste d’objectifs spécifiques au patient qui doivent être atteints afin d'autoriser un athlète à reprendre le sport après reconstruction du LCA. La mise en œuvre de ces critères dans les batteries de tests de RTP est néanmoins quelque peu variable (plusieurs tests sont utilisés pour évaluer chaque composante), et les tests utilisent le côté controlatéral comme base de comparaison.
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Cette méta-analyse est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
L'objectif de cette étude est d'examiner systématiquement les résultats des tests de RTP après reconstruction du LCA et de déterminer s'ils sont prédictifs de récidives. L’hypothèse est qu’il y aurait un faible taux de réussite aux tests mais que ceux qui les réussissent auraient un risque plus faible de récidives.

Méthode

Une revue systématique de la littérature a été effectuée dans les bases de données MEDLINE, EMBASE et The Cochrane Library en juin 2020, sans limite concernant les dates de publication des études.
Seules des études comparant les résultats après des tests RTP réussis et échoués, après reconstruction du LCA ont été incluses. Les études suivantes ont été exclues : 
  • Les études de cas 
  • Les articles de synthèses 
  • Les études non-publiées en anglais 
  • Les études non publiées dans des revues à comité de lecture 
La qualité méthodologique des preuves et le risque de biais a été évalué en utilisant l’échelle de Newcastle-Ottawa (NOS).

Une méta-analyse a comparé les sujets qui ont échoué aux tests de RTP avec ceux qui les ont réussis et leurs résultats ultérieurs en termes de récidives et de blessures controlatérales.

Résultats

La recherche a identifié 8 études (1224 patients en tout) qui remplissaient les critères d’inclusion.

 Caractéristiques des études et critères de RTP

Les 8 études ont inclus des évaluations de force et 7 études ont inclus différentes variantes de Hop Tests. Les caractéristiques des études et les critères de RTP sont présentés dans le Tableau 1.
Tableau 1

 Tests de RTP

En tout, 34.3% (420/1224) des patients ont réussi les tests de RTP avec un taux compris entre 18.8% et 88.1%. 
  • Ceux qui ont réussi les tests de RTP avaient une diminution statistiquement significative (47%) du taux de récidives comparé à ceux qui n’avaient pas réussi les tests (Figure 2).
  • Cependant, il y avait un taux légèrement plus élevé, bien que non statistiquement significatif, de rupture du LCA controlatéral chez ceux qui ont réussi les tests de RTP par rapport à ceux qui ne les ont pas réussis. 
  • De plus, il y avait un taux global légèrement inférieur de rupture subséquente du LCA (définie comme une rupture du LCA homolatéral ou controlatéral) chez ceux qui ont réussi les tests de RTP par rapport à ceux qui ne les ont pas réussis, mais cela n'était pas statistiquement significatif.
Figure 2

 Relation entre le seuil des tests de RTP et les ruptures subséquentes du LCA

  • Il existe une faible corrélation positive entre un taux élevé de patients réussissant les tests de RTP et le taux de rupture de la greffe du LCA chez ceux qui ont réussi
  • Il existe une faible corrélation négative entre un taux élevé de patients ayant réussi les tests de RTP et le taux de lésion du LCA controlatéral chez ceux qui ont réussi
  • Il existe une forte corrélation positive entre un taux élevé de patients réussissant les tests de RTP et le taux de rupture de la greffe du LCA chez ceux qui ont échoué 
  • Il existe une corrélation négative modérée entre un taux élevé de patients réussissant les tests de RTP et le taux de lésion du LCA controlatéral chez ceux qui ont échoué
  • Il existe une faible corrélation positive entre un taux élevé de patients réussissant les tests de RTP et le taux total de ruptures subséquentes du LCA chez ceux qui ont réussi
  • Il existe une corrélation positive modérée entre un taux élevé de patients réussissant les tests de RTP et le taux total de ruptures subséquentes du LCA chez ceux qui ont échoué

Discussion

Le résultat le plus important de cette étude est que la réussite des tests RTP après reconstruction du LCA entraîne un taux plus faible de rupture du greffon, mais pas du LCA controlatéral. Dans l’ensemble, en raison d’un taux légèrement plus élevé de ruptures du LCA controlatéral, la réussite des tests de RTP n’a pas conduit à un taux total plus faible de lésions subséquentes (homo- ou controlatérale) du LCA. De plus, le taux de réussite global aux tests de RTP était faible. En outre, un taux de réussite élevé aux tests de RTP (c’est-à-dire un seuil de réussite plus bas) a été corrélé avec un taux élevé de re-rupture de greffe dans le groupe de patients qui avaient échoué aux tests de RTP. Ce résultat suggère qu’une batterie de tests moins stricte, pourrait permettre d’identifier plus spécifiquement les personnes présentant un risque plus élevé de récidives.

Globalement, les sujets qui réussissent les tests de RTP ont montré de plus faibles taux de ruptures de greffes, de près de la moitié. De plus, dans toutes les études sauf une, le risque de récidives était plus faible après avoir réussi les tests de RTP. Ces résultats suggèrent que les tests de RTP sont un outil valide pour dépister de potentielles récidives homolatérales. Cependant, de nombreux composants de tests sont hétérogènes et nécessitent une validation plus poussée.

Les études ont de plus en plus tendance à imposer des exigences plus strictes en matière de tests avant de valider le RTP. En théorie, cette stratégie devrait assurer au chirurgien du fait que ceux qui sont autorisés à reprendre présentent un risque minimal de récidive. Dans une étude, seul 1 des 69 patients a validé les critères de RTP à 9 mois post-opératoire, ce qui correspond au moment où beaucoup de sportifs sont autorisés à jouer. Bien que cette approche pourrait, en théorie, réduire les récidives, elle pourrait également bloquer des patients qui ne sont pas à haut risque et qui sont prêt à reprendre. Même sans tests de RTP, des patients finissent par reprendre le sport et la majorité ne subit pas de récidive. Cette étude suggère que des batteries de tests moins rigoureuses ne manquent pas nécessairement de patients à risque de récidives. En réalité, une faible corrélation a été trouvé entre les tests de RTP avec un taux de réussite élevé et des taux de ruptures de greffe chez les patients ayant réussi les tests. En d'autres termes, lorsqu'un test est moins strict, on ne constate pas d'augmentation substantielle du risque de rupture du greffon chez ceux qui réussissent le test. En revanche, retrouve une forte corrélation entre un taux de réussite élevé et le taux de rupture de greffe du LCA chez ceux qui ont échoué aux tests RTP. Cela suggère que des tests moins rigoureux avec des taux de réussite plus élevés permettent d'identifier plus précisément les patients présentant un risque élevé de rupture de greffe du LCA. Il est toutefois important de noter que les tests RTP ne doivent pas être utilisés de manière isolée. D'autres facteurs de risque indépendants, par exemple le jeune âge et la reprise de sports de pivots en compétition, augmentent considérablement le risque de récidives.

Contrairement au taux plus faible de rupture du LCA chez ceux qui réussissent les tests de RTP, il y a un taux visiblement plus élevé de ruptures du LCA controlatéral. Cela peut être dû à un taux global plus élevé de RTP chez ceux qui réussissent les tests, comme l'ont montré Naswareh et al. qui était la seule étude incluse à évaluer cela. De même, Sousa et al. ont trouvé un taux significativement plus élevé de rupture du LCA controlatéral chez ceux qui ont réussi les tests RTP, et ils ont suggéré que cela était dû au fait que les athlètes étaient autorisés plus tôt à reprendre et avaient des niveaux d'activité plus élevés. Il est également possible que les tests RTP soient plus faciles à passer chez les patients qui présentent un déficit de force du côté non blessé. De plus, des preuves biomécaniques et épidémiologiques suggèrent qu'il y a une charge accrue sur le membre controlatéral lorsque les athlètes retournent au jeu après une reconstruction du LCA. En raison de ce risque potentiellement accru, il serait peut-être plus prudent d'évaluer les facteurs psychosociaux dans le cadre du retour au sport. Il a été démontré, par exemple, que la kinésophobie résiduelle après une blessure du LCA est un facteur de risque de rechute globale (homo ou controlatérale). Des mesures psychologiques validées, comme le score ACL-RSI, peuvent aider à identifier les patients à risque. L'association de l'évaluation psychosociale et des tests RTP, dont l'efficacité a été démontrée, comme le montrent les résultats de cette étude, pourrait permettre d'obtenir des taux encore plus faibles de blessures ultérieures au niveau des deux membres et pourrait constituer un futur domaine d'étude.

Conclusion

  • Réussir des tests de RTP après reconstruction du LCA conduit à un plus faible taux de rupture de greffe mais pas du LCA controlatéral
  • De plus, le taux global de réussite aux tests de RTP utilisés est faible
  • L'affinement de ces critères pourrait permettre d'identifier plus précisément les personnes présentant un risque élevé de rechute

L'article

Hurley ET, Mojica ES, Haskel JD, Mannino BJ, Alaia M, Strauss EJ, Jazrawi LM, Gonzlaez-Lomas G. Return to play testing following anterior cruciate reconstruction - A systematic review & meta-analysis. Knee. 2022 Jan;34:134-140. doi: 10.1016/j.knee.2021.11.010. Epub 2021 Dec 9. PMID: 34896962.