Les auteurs proposent un cadre pratique construit autour de plusieurs thèmes : besoins énergétiques et en macronutriments, stratégie pré/post-match, hydratation, micronutriments à surveiller, dépistage et gestion du low energy availability / RED-S, suppléments avec preuve d’efficacité, et adaptations particulières (jeunes, femmes, déplacement, tennis fauteuil). Ils insistent sur deux principes récurrents : « food first » (prioriser l’alimentation normale) et individualisation des prescriptions en fonction du contexte (charge d’entraînement, durée des matches, profil du joueur). Les repères chiffrés avancés sont des plages larges (ex. glucides 3–10 g/kg/j selon la charge ; 30–90 g CHO/h pendant le match ; protéines 1,2–1,8 g/kg/j), lesquelles servent de base à la planification mais nécessitent une traduction individuelle en pratique.
Le kiné est souvent l’interlocuteur de proximité du joueur : il évalue la tolérance aux charges, supervise la réathlétisation, note les signaux de surmenage ou de mauvaise récupération et coordonne le retour à la compétition. Comprendre les mécanismes par lesquels la nutrition module la réparation (synthèse protéique, disponibilité glycogénique), la performance neuromusculaire et la santé osseuse (impact du RED-S) permet de mieux formuler des hypothèses diagnostiques et de prescrire des solutions pragmatiques avant de référer au diététicien ou au médecin du sport.
Glucides : optimiser la capacité de travail
Le glycogène musculaire et hépatique reste la ressource principale lors d’efforts répétés et intenses. Les auteurs recommandent d’adapter l’apport en glucides au volume et à l’intensité : environ 3–6 g/kg/j en charge modérée et 6–10 g/kg/j en période de compétition intense ou de doubles séances. Sur le match, viser 30–60 g/h pour un match standard (1–3 h), et jusqu’à 60–90 g/h pour des efforts extrêmement longs, en privilégiant des solutions à transport multiple (glucose+fructose) pour améliorer l’absorption. Ces chiffres servent à maintenir qualité technique et vitesse de réaction, éléments cruciaux pour réduire le risque d’erreur biomécanique et rechute en rééducation.
Protéines : réparer et préserver
Pour soutenir la synthèse protéique et limiter la perte de masse maigre lors d’immobilisations ou de régimes hypocaloriques, la fourchette recommandée est de 1,2–1,8 g/kg/j, pouvant atteindre 2,0–2,2 g/kg en cas de restriction énergétique ou objectif de préservation musculaire. Le timing compte : répartir les apports sur la journée et viser ~20–40 g de protéine de haute qualité après les séances favorise la fenêtre anabolique. En réathlétisation, ces apports conditionnent la réapparition de la force et la tolérance progressive aux charges.
Hydratation et électrolytes
Les pertes sudorales chez les joueurs sont très variables (en fonction de la météo, de l’intensité, du joueur). Mesures simples et fiables : pesée avant/après séance pour estimer la perte hydrique. La reconstitution post-exercice doit compenser non seulement la perte mais aussi la diurèse de récupération (reconstituer 125–150 % du déficit si la fenêtre de récupération est courte). Le sodium dans les boissons de récupération favorise la rétention hydrique et la restauration rapide du volume plasmatique — un détail important pour qui gère plusieurs matches en peu de temps
Micronutriments et RED-S
Le consensus rappelle l’importance du fer (surtout chez les joueuses), de la vitamine D et du calcium, et appelle à des bilans ciblés si signes cliniques. Le concept d’Energy Availability (EA) et du RED-S est central : une EA basse prolongée perturbe la fonction reproductive, osseuse, immunitaire et la capacité de récupération. Le document propose des outils de dépistage et recommande une approche pluridisciplinaire (arrêt ou réduction de la restriction alimentaire, ajustement des charges, prise en charge médicale).
Suppléments — preuves et limites
Quelques produits ressortent avec un niveau de preuve utile : la caféine (effet ergogénique aigu), la créatine (préservation de la force en réhab, bénéfices pour la puissance), et éventuellement bicarbonates/chlorures dans des stratégies ciblées. Les auteurs insistent sur la qualité (produits batch-testés) pour éviter contamination et risques anti-dopage. En tant que kiné, recommander d’abord d’essayer en entraînement pour vérifier tolérance et effet.
Le texte est rigoureux, mais quelques précautions s’imposent pour éviter les dérives pratiques. D’abord, les plages larges (ex. 3–10 g/kg) sont utiles mais peu opérationnelles si elles ne sont pas traduites en protocoles. Il y a un risque que des coaches appliquent des recettes simplistes (augmentation brutale des glucides ou des volumes alimentaires) sans évaluer l’état énergétique global du joueur.
Ensuite, la majorité des preuves provient d’études réalisées hors tennis ; la spécificité du sport (durée variable des matches, surface, temps morts, voyages fréquents) limite la transposabilité directe. Les auteurs le reconnaissent mais l’effet « label fédéral » peut donner une impression d’unanimité scientifique plus solide qu’elle ne l’est réellement.
Enfin, attention au piège opposé : l’obsession de chiffres (« g/kg », « g/h ») peut masquer l’importance des facteurs comportementaux et contextuels — appétit, accessibilité alimentaire, tolérance gastro-intestinale, logistique de tournoi. La nutrition est autant pratique qu’indicative.
Plutôt que de donner une liste de chiffres, voici une démarche clinique à appliquer en cabinet :
- Dépistage systématique : lors de la première consultation, interroger systématiquement sur le poids récent, le carnet alimentaire de 48–72 h, la qualité du sommeil, la fréquence des matches et, pour les femmes, la régularité des cycles. Pesée pré/post-séance pour estimer pertes hydriques.
- Critères d’alerte : perte de poids involontaire >3–5 % en 4 semaines, aménorrhée, fatigue persistante, rechutes fréquentes → dépistage RED-S et orientation vers diététicien + médecin.
- Prescription pragmatique : pour les séances clés, prévoir collation post-séance 20–40 g CHO + 20–30 g protéines ; si plusieurs matches/jours, planifier apports progressifs en glucides (ex. augmenter progressivement de 3→6 g/kg sur 7–10 jours selon tolérance).
- Coordination : communiquer systématiquement au diététicien les observations (journal, poids, réponse aux charges) et adapter la réathlétisation en fonction de l’état énergétique.
- Éducation : expliquer au joueur pourquoi la nutrition module la force, la douleur et la cicatrisation — responsabiliser plutôt que prescrire sans suivi.
Exemples concrets (cas clinique synthétique)
Jeune joueuse en reprise après entorse : perte de 4 kg en 6 semaines, menstruations irrégulières, fatigue.
- Approche : carnet alimentaire, test ferritine et 25-OH-vitamine D, augmentation progressive des apports énergétiques (+500 kcal/j répartis), protéine 1,6–1,8 g/kg, collations post-séance adaptées.
- Résultat attendu : meilleure tolérance aux charges, restauration de la menstruation et diminution du risque de fracture de stress.
Intégrer dès la première consultation un mini-bilan nutritionnel (poids récent, carnet alimentaire 48–72 h, pesées pré/post-séance, questionnaire RED-S ciblé, interrogatoire sur sommeil et cycles menstruels). L’objectif est d’identifier rapidement les signaux d’alerte (EA basse, perte de poids involontaire, aménorrhée, fatigue disproportionnée) qui modifient les priorités de rééducation. En présence d’alertes : orienter vers bilan biologique (ferritine, vitamine D) et consultation diététique/médicale avant d’intensifier les charges.
Planifier chaque séance en tenant compte des apports énergétiques et protéiques du joueur : collations pré/post-séance (ex. 20–40 g CHO + 20–30 g protéines après une séance de renforcement), adaptation des volumes d’entraînement selon l’état énergétique, et hydratation ciblée (pesée pré/post → recompléter 125–150 % du déficit si récupération courte). Ce cadre transforme la nutrition en un levier concret pour optimiser la qualité du geste, limiter la catabolisation et accélérer la synthèse tissulaire.
Construire la montée en charge comme un protocole adaptatif : objectifs chiffrés mais variables (ex. augmentation progressive du volume glucidique ou du volume d’entraînement sur 7–14 jours selon tolérance), critères d’arrêt ou de ralentissement (douleur, perte de performance, poids qui chute). Associer suivi régulier (pesées, journal, questionnaires) et communication systématique entre kiné, diététicien et médecin du sport pour ajuster nutrition, compléments éventuels et plan de réathlétisation. La clé : individualisation, documentation et réactivité aux signaux cliniques.
La nutrition module directement performance, récupération et adaptation tissulaire.
Les apports glucidiques et protéiques déterminent la disponibilité du glycogène, la synthèse protéique et donc la capacité du joueur à répéter des efforts, récupérer entre les séances/matches et progresser en rééducation. (Implication pratique : prioriser un apport adapté autour des séances clés).
« Food first » + individualisation : pas de recettes universelles.
Les recommandations sont présentées comme des plages (ex. 3–10 g/kg CHO/j, 1,2–1,8 g/kg prot/j) à traduire en prescriptions individuelles selon la charge, la tolérance et le contexte (tournoi, voyage, âge, sexe). (Implication pratique : convertir les plages en protocoles personnalisés et mesurables).
Le dépistage et la prise en charge du low energy availability / RED-S sont prioritaires.
Une disponibilité énergétique insuffisante altère la réparation, la santé osseuse et la performance ; la déclaration insiste sur le dépistage précoce et l’intervention pluridisciplinaire. (Implication pratique : intégrer un questionnaire RED-S + suivi poids/journal alimentaire et référer dès les signaux d’alerte).
Des preuves utiles existent — mais des lacunes tennis-spécifiques persistent.
Plusieurs suppléments (caféine, créatine…) et stratégies montrent un bénéfice, mais la plupart des études sont extrapolées d’autres sports ; il faut des protocoles et essais spécifiquement conçus pour le tennis. (Implication pratique : appliquer les recommandations avec prudence, tester les stratégies en entraînement avant compétition).