Le plica syndrome (plicae synoviales pathologiques, en particulier la plica médiale) reste une étiologie sous-estimée de douleur antéro-médiale du genou chez des patients actifs et jeunes adultes. L’étude de Grevenstein et al. fournit la première description systématique et semi-quantitative des altérations tissulaires (fibrose, inflammation, hyperémie, prolifération vasculaire, hypertrophie synoviale) dans des plicae opérées, et relie ces constatations à des éléments cliniques (antécédent traumatique, lésions associées). Pour le clinicien, ces données aident à comprendre pourquoi certaines plicae répondent bien à la rééducation tandis que d’autres évoluent vers une symptomatologie chronique nécessitant une intervention chirurgicale.
Les auteurs ont analysé 45 prélèvements de plica recueillis lors d’arthroscopies pour douleur antéro-médiale. Les échantillons ont subi des colorations histologiques standard (HE, Elastica van Gieson, Berlin-blue). Deux anatomopathologistes ont évalué, de façon semi-quantitative, la fibrose, l’inflammation aiguë/chronique, la prolifération vasculaire, l’hyperémie, et l’hypertrophie des cellules de revêtement synovial. Les corrélations cliniques (notamment antécédent de traumatisme et lésions associées) ont été testées statistiquement. Le design est rétrospectif et descriptif — utile pour caractériser les tissus, mais limité pour tirer des conclusions pronostiques fermes.
- Échantillon : 45 plicae (19 femmes, 26 hommes), âge moyen 39,1 ans.
- Fibrose : observée dans 91,1 % des spécimens (grade faible 57,8 % ; intermédiaire 24,4 % ; élevée 8,9 %).
- Inflammation chronique : présente dans 77,8 % des cas ; inflammation aiguë dans 26,7 %.
- Hypertrophie du revêtement synovial : 60 % des spécimens montraient 2–3 couches cellulaires (vs 0–1 couche attendu).
- Signes vasculaires / inflammatoires : infiltration lymphocytaire périvasculaire 71,1 % ; prolifération vasculaire 42,2 % ; hyperémie 24,4 %.
- Traumatisme et lésions associées : antécédent traumatique corrélé à inflammation aiguë (p = 0.035), hyperémie (p = 0.025) et à davantage de lésions associées (p = 0.0007).
Interprétation courte : la plupart des plicae symptomatiques ne sont pas de simples variantes anatomiques — elles présentent un tableau d’inflammation ± fibrose susceptible d’expliquer la douleur et l’impingement.
Caractéristiques arthroscopiques du syndrome de la plica symptomatique.
A : plica fortement fibrosée ;
B : plica avec importante hypervascularisation, légère fibrose et contact avec le cartilage articulaire.
Les auteurs proposent que la plica comporte souvent une composante inflammatoire initiale (par ex. suite à un traumatisme ou microtraumatismes répétés) qui peut évoluer, si l’irritation persiste, vers une fibrose sous-épithéliale. L’épaississement du revêtement synovial augmente le volume de la plica et favorise l’impingement mécanique contre le condyle fémoral, amplifiant la douleur et les microdégâts cartilagineux. La présence fréquente de cellules inflammatoires périvasculaires et de néovascularisation soutient l’hypothèse d’une réponse tissulaire active et prolongée. Les auteurs évoquent aussi l’hypothèse (à tester prospectivement) selon laquelle une plica inflammatoire chronique pourrait contribuer, localement, au développement ou à l’aggravation d’une chondropathie fémoro-patellaire.
Les auteurs recommandent d’adapter l’activité (éviter temporairement course, cyclisme en forte résistance, squats profonds) et d’utiliser des mesures anti-inflammatoires locales (cryothérapie, AINS si prescrit). L’objectif est de limiter l’agression répétée qui promeut la fibrose.
Ils suggèrent un programme de rééducation de 6 à 12 semaines combinant : contrôle neuromoteur (verrouillage fémoro-patellaire, proprioception), renforcement ciblé (quadriceps — emphasis sur le VMO, ischio-jambiers, abducteurs/rotateurs de hanche), restaurations d’amplitude progressives et réintroduction graduelle des activités (vélo léger puis augmentation progressive).
Si douleur et impingement persistent après 6–12 semaines de traitement adapté, avec preuves cliniques/IRM d’une plica hypertrophique en contact avec le cartilage ou de lésions cartilagineuses associées, les auteurs préconisent d’envisager l’arthroscopie et la résection de la plica (plicaectomy), associée si besoin à des gestes sur le cartilage.
Les auteurs proposent un schéma progressif : contrôle douleur/œdème (0–2 sem), renfort et proprioception progressifs (2–6 sem), retour à la puissance/plyométrie et reprise de la course en charge progressive (6–12+ sem). Ils notent que la présence d’atteinte cartilagineuse rallonge le délai de récupération.
Documenter systématiquement l’anamnèse (activités déclenchantes, épisodes traumatiques, pattern antéro-médial, « snap »), l’examen (palpation antéro-médiale, test de snap à 30–60°, contrôle quadriceps/hanche, asymétries d’appui) et l’imagerie (IRM pour hypertrophie plicaire et lésions associées ; échographie dynamique si disponible). Ces éléments permettent d’objectiver l’impingement et, combinés à l’adhérence au traitement, de décider d’une orientation chirurgicale si nécessaire.
Phase 0–2 : réduire les activités à fort frottement (éviter course/charges cyclistes élevées), mesures anti-inflammatoires locales et activation isométrique contrôlée du quadriceps (petites amplitudes, chaîne fermée).
Phase 2–6 : progression de renforcement (squats partiels, step-up, travail ciblé VMO, renfort hanche), proprioception unipodale et reprise cardio en vélo à faible résistance.
Phase 6–12 : retour fonctionnel (plyométrie contrôlée, travail de vitesse), reprise progressive de la course selon tolérance ; réévaluer cliniquement et par imagerie si symptômes persistants.
Indiquer l’arthroscopie si, malgré 6–12 semaines d’un protocole adapté et une bonne observance, persistent douleur/impingement documentés cliniquement et à l’IRM (plica hypertrophique en contact ou lésions cartilagineuses). Les auteurs soulignent que les plicae très fibrosées répondent moins bien au traitement conservateur. Après plicaectomie : phase précoce (0–2 sem : contrôle douleur/œdème, isométrie), intermédiaire (2–6 sem : renforcement progressif, proprioception), avancée (6–12+ sem : renforcement excentrique, plyométrie progressive, reprise de la course selon tolérance).
La plica symptomatique = inflammation ± fibrose
L’analyse histologique montre que la grande majorité des plicae opérées présentent une inflammation (souvent chronique) et une fibrose sous-épithéliale, ce qui confirme que la plica symptomatique est une lésion tissulaire active et non une simple variante anatomique.
Traumatisme et microtraumatismes : déclencheurs fréquents
Un antécédent traumatique est corrélé aux signes d’inflammation aiguë, à l’hyperémie et à une fréquence plus élevée de lésions associées (méniscales, corps libres), suggérant que le traumatisme peut initier la cascade inflammatoire menant au symptôme.
Conséquences thérapeutiques : priorité à l’anti-irritation et au renforcement
Les auteurs proposent d’abord une prise en charge conservatrice ciblée (6–12 semaines) visant à réduire l’irritation mécanique et l’inflammation (retrait temporaire d’activités à frottement, cryothérapie/AINS si indiqué, contrôle neuromoteur, renforcement ciblé du VMO/hanche). Les plicae non-fibrosées répondent mieux à ce traitement.
Quand opérer et aspects post-opératoires
En cas d’échec clinique après 6–12 semaines et en présence d’une plica hypertrophique en contact sur l’IRM ou de lésion cartilagineuse associée, les auteurs préconisent l’arthroscopie + résection. La rééducation post-opératoire doit être progressive (0–2 sem : contrôle douleur/isométrie → 2–6 sem : renforcement/proprioception → 6–12+ sem : excentrique/plyo/reprise course).