Une revue des données : entre illusions de reprise et réalité terrain
Les auteurs ont analysé plus de 150 publications scientifiques incluant des cohortes sportives de niveaux variés, en se focalisant sur les critères utilisés pour autoriser le retour au sport, les taux de reprise, les échecs et les récidives.
Le chiffre souvent cité de 80 à 90 % de reprise du sport après chirurgie du LCA masque une réalité bien plus nuancée :
- Seuls 55 à 65 % des patients reprennent leur sport au même niveau qu’avant la blessure.
- Moins de 50 % atteignent réellement tous les critères objectifs recommandés par la littérature (force, saut, stabilité fonctionnelle).
- Le taux de re-rupture, notamment chez les jeunes sportifs de haut niveau, peut dépasser les 25 % à 2 ans.
Autrement dit, la reprise « autorisée » ne rime pas toujours avec une reprise « sécurisée » ni optimale.
Les critères objectifs : encore trop peu respectés
La peur de se re-blesser : l’obstacle invisible mais majeur
Un retour progressif, contextuel et individualisé
Vers une meilleure prise en charge globale du retour au sport
Implications pour la rééducation :
Ce que cette étude nous enseigne
CONCLUSION
Cette étude apporte un éclairage puissant sur les limites des approches conventionnelles du retour au sport après ligamentoplastie du LCA. Elle déconstruit l’idée tenace d’un retour « calendaire » à 6 ou 9 mois, en montrant qu’à ces délais, une majorité de patients n’a pas encore retrouvé des critères objectifs de force, de symétrie ou de contrôle moteur suffisants pour reprendre une activité sécurisée. Ce constat est lourd de conséquences cliniques : persistance d’asymétries, risque accru de récidive, retour prématuré dicté par des contraintes sportives ou sociales plutôt que par une récupération fonctionnelle réelle.
En rééducation, cela impose un changement de paradigme. Le kinésithérapeute ne peut plus se contenter d’un suivi chronologique ou symptomatique. Il doit intégrer des tests standardisés, reproductibles et validés, notamment en force isocinétique, en sauts unipodaux, et en contrôle neuromusculaire. Ces évaluations doivent guider non seulement le rythme du retour à l’entraînement, mais aussi les adaptations du protocole à chaque phase.
Enfin, cette étude souligne que la réussite d’une réathlétisation ne dépend pas uniquement du genou, mais d’un ensemble d’exigences motrices, cognitives et psychologiques. Elle appelle à une prise en charge pluridisciplinaire, individualisée et fondée sur des marqueurs objectifs. Une exigence incontournable pour sécuriser le retour au sport, réduire les risques de nouvelle blessure, et garantir une récupération durable. Pour les professionnels de la rééducation, c’est une invitation claire à faire évoluer les pratiques, en conjuguant rigueur scientifique et pragmatisme clinique.
L'ARTICLE
Kvist J, et al. (2024). "Return to Sport After Anterior Cruciate Ligament Injury: A Multifactorial Perspective." Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports.