Stratégies de récupération post-compétition chez les footballeurs masculins de niveau « élite ». Effets sur la performance : une revue systématique et méta-analyse

Kinesport
L’interaction entre la charge d’entraînement, la fatigue, l’adaptation et la récupération est un élément d’une extrême complexité, comportant des facteurs de natures très différentes. Les preuves actuelles soulignent qu’une récupération suffisante et optimale est nécessaire pour prévenir les problèmes de santé et atteindre des performances optimales. Ainsi, le choix des stratégies de récupération par les entraîneurs et les athlètes peut être crucial. Cependant, définir précisément le concept de « récupération post-exercice » est une mission difficile en raison du nombre de variables affectant la récupération optimale. 

Si l’on se concentre sur les joueurs de football de niveau « élite » (professionnels et semi-professionnels), nous observons que le joueur moyen à ce niveau est exposé à un calendrier très chargé avec une moyenne de 60 matchs par saison, soit 5,5 matchs par mois ou un match tous les 4,3 jours. Par conséquent, beaucoup de stress physique et psychologique est imposé aux footballeurs professionnels. On estime que les joueurs qui participent à 2 matchs par semaine et qui ont une récupération de 4 jours ou moins entre les compétitions, ont 6 fois plus de risque de se blesser que ceux qui ne participent qu’à un seul et ont 6 jours ou plus de récupération.
Parmi les facteurs de performance au football, la capacité à répéter les sprints, la capacité de saut et la force maximale semblent être réduites immédiatement après un match. En outre, les marqueurs biochimiques dans les sports collectifs sont également modifiés de manières différentes, montrant des différences dans le profil de récupération de chaque sport. Pour le football, la Créatine Kinase (CK) et les paramètres hormonaux semblent les biomarqueurs les plus pertinents du processus de récupération. Les distances parcourues et les vitesses des joueurs montrent également une influence des facteurs contextuels comme le lieu et le score du match. Les effets de la fatigue liée aux voyages doivent également être pris en compte. Pour améliorer le processus de récupération, les méthodes fréquemment utilisées par les joueurs de football professionnels et qui semblent avoir une meilleure perception subjective sont la nutrition, le sommeil, les vêtements de compression, les bains froids (Cold Water Immersion) et les bains alternés (Contrast Water Therapy). Cependant, les études avec des footballeurs professionnels ou semi-professionnelles sont rares, et par conséquent, la prise de décision est très complexe.

D’après les auteurs de l' étude ici synthétisée, aucune revue systématique n’a analysé l’utilisation empirique de ces stratégies chez le footballeur professionnel. Par conséquent, l’objectif principal de cette étude est d’examiner les preuves disponibles sur la valeur des stratégies de récupération d’après-match chez les footballeurs professionnels et semi-professionnels masculins afin de déterminer leur effet sur les résultats de performance post-match, les marqueurs physiologiques et les indicateurs de bien-être.

MATERIEL ET METHODES

Une recherche systématique informatisée de la littérature a été effectuée à l’aide de 6 bases de données en ligne : Medline (PubMed), Scopus, SPORTDiscus, WOS (Web of Science, CINAHL et Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL). La recherche a inclus des articles publiés avant le 20 mai 2020.

Critères d’inclusion des études :

  • Population : footballeurs professionnels ou semi-professionnels masculins
  • Intervention : interventions structurées comparants groupes « intervention » et groupe « contrôle »
  • Comparaison : études comparants différentes modalités de récupération ou une modalité de récupération et un groupe témoin
  • Résultats : la performance physique a été prise en compte comme résultat principal. La perception subjective, le bien-être, les performances techniques, tactiques, physiologiques ont été considérés comme des critères de jugement secondaire.
  • Type d’études : essais contrôlés randomisés (RCTs)

Critères d’exclusion : études avec des joueuses de football

RESULTATS

La recherche initiale a identifié 4184 références. Après identification des doublons, 3402 titres et résumés ont été examinés. 7 études ont été retenues pour une analyse plus approfondie du texte intégral. Par la suite, 2 études ont été exclues car les participants n’étaient pas des joueurs de football ou parce que les critères de jugement principaux (la performance physique) n’ont pas été évalués dans l’étude. Au final, 5 RCTs ont été inclus dans la revue finale (pour un total de 69 participants) :
- 3 ont évalué le port de vêtement de compression du bas du corps
- 1 a évalué les effets des bains froids (CWI)
- 1 a évalué les effets d’une stratégie aigue d’hygiène du sommeil

Critères de jugement principaux (performance physique) :
4 RCTs ont été inclus et 6 analyses ont été réalisées.

2 pour le CMJ (Countermouvement Jump)
  • Aucune différence significative à 24h
  • Valeurs CMJ plus élevées à 48h dans le groupe d’intervention

* 2 pour le 20-m sprint
  • Aucune différence significative à 24h
  • Aucune différence significative à 48h

* 2 pour le MVC (Maximal Voluntary Contraction)
  • Aucune différence significative à 24h
  • Aucune différence significative à 48h

Critères de jugement secondaires (marqueurs physiologiques et données sur le bien-être)
:

3 RCTs ont été inclus et 9 analyses ont été réalisées.

*1 pour la CK (Créatine Kinase)
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 24h
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 48h

*2 pour la CRP (C-Reactive Protein)
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 24h
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 48h

*2 pour les DOMS aux quadriceps
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 24h
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 48h

*2 pour les DOMS aux ischio-jambiers
  • Aucune différence significative à 24h
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 48h

*2 pour les DOMS aux mollets
  • Meilleurs résultats pour le groupe intervention à 24h
  • Aucune différence significative à 48h

DISCUSSION

Dans cette revue systématique avec méta-analyses, dont l’objectif principal était d’évaluer les effets de stratégies de récupération sur les résultats de performance post-match, seuls les résultats sur les tests de sauts à 48h étaient meilleurs par rapport au groupe témoin.

Résultat principal : performances de saut, sprint et force musculaire

  • Entre les groupes


L’étude révèle que pour la performance de saut (CMJ), aucune différence significative n’est trouvée dans le RCT à 24h. Cependant, à 48h, il existe une différence modérée en faveur du groupe intervention à utilisant des vêtements de compression ou la CWI. Ce résultat est contraire à celui de Rey et al. qui ont constaté que les valeurs au CMJ étaient significativement plus élevés 24h après l’utilisation d’une stratégie de récupération active (12 min de footing sub-maximal + 8 min d’étirements statiques). Cette étude n’a pas été incluse dans cette méta-analyse car elle a évalué les effets de cette stratégie de récupération en post-entraînement et pas en post-compétition. Néanmoins, leurs résultats montrent que les bénéfices d’une méthode de récupération seule ou des méthodes combinées, pourraient être intéressants et devraient être pris en compte, d’autant plus que d’autres auteurs l’ont souligné dans leurs recherches. D’autre part, lors de l’analyse des résultats du sprint sur 20 m et de la force musculaire (MVC), des effets non significatifs, faibles à modérés, montrent une amélioration par l’utilisation de vêtement de compression et de CWI, à 24h pour les performances de sprint et à 48h pour la force musculaire. Les résultats n’étant pas statistiquement significatifs, il n’est pas possible d’affirmer que ces moyens de récupération peuvent apporter des changements positifs sur les performances de sprint. Cependant, étant donné qu’une différence de 0.05 s dans le sprint de 20m est un changement significatif, cela pourrait être intéressant que de futures recherches puissent déterminer avec plus de précision que ces stratégies ont des effets positifs. Ces résultats ne correspondent pas à ceux de De Nardi et al. ou de Rowsell et al. qui ont trouvé que la CWI n’influence pas les tests de performance physique. Cependant, ces études ont utilisé des échantillons de jeunes joueurs, ce qui pourrait jouer un rôle important dans la différence avec cette étude car les jeunes athlètes récupèrent plus rapidement.

  • Au sein des groupes


Lorsque l’on examine les tendances temporelles, des tendances similaires sont présentes pour les performances de saut et de sprint dans le groupe expérimental et le groupe témoin qui ont tendance à diminuer à 24h. Ensuite, le CMJ semble rester altéré à 48h dans le groupe témoin mais retrouve les niveaux de base dans le groupe intervention. Au contraire, la performance au sprint semble rester altérée à 48h dans les 2 groupes. La MVC est affectée négativement à 24h et 48h dans le groupe témoin. Dans le groupe intervention, la MVC n’a été affecté à aucun moment mais semblait suivre une tendance négative similaire. Ces résultats concordent avec ceux de Thomas et al. qui ont trouvé des diminutions de MVC, non-récupérée 72h après un match. Ces résultats inter-groupes doivent être pris avec prudence en raison des larges intervalles de confiance des résultats, probablement en raison du petit échantillon des analyses.

Résultats secondaires : psychologiques, bien-être et dommages musculaires

  • Entre groupes

L’études révèle des effets moyens à importants en faveur du groupe intervention lors de l’analyse des DOMS à 24h et 48h pour tous les groupes musculaires (quadriceps, ischio-jambiers et mollets), à l’exception des ischios-jambiers à 24h et des mollets à 48h. Pour la CK et la CRP, des effets moyens ont été retrouvés en faveur du groupe intervention à 24h et 48h. Cet effet peut être lié à la réduction des dommages histologiques montrée par certaines études utilisant différents moyens de récupération, ou à la réduction de la douleur musculaire perçue comme argumenté par d’autres.
  • Au sein des groupes

Lorsque l’on examine les tendances temporelles pour chaque groupe, une conclusion intéressante apparaît. Le groupe intervention ne montre aucune différence dans la perception des DOMS à 24h et 48h, pour aucun groupe musculaire par rapport aux valeurs d’après-match, mais une amélioration de la perception des DOMS aux mollets à 48h. Etonnamment, le groupe intervention avait un meilleur ressenti après l’intervention qu’au départ. En revanche, pour le groupe témoin, la différence la plus significative pour tous les groupes musculaires est à 24h avec une augmentation de la perception des DOMS aux quadriceps et aux mollets et il n’y a pas de différence pour le quadriceps et les ischio-jambiers à 48h par rapport aux valeurs de départ. Par rapport aux dommages musculaires, on retrouve une augmentation de la CK et de la CRP à 24h dans les 2 groupes. A 48h, la CRP revient aux valeurs de base tandis que la CK reste élevée dans les 2 groupes. Ce résultat est en accord avec ceux d’auteurs, indiquant que ces biomarqueurs sont sensibles au temps de récupération.
Bien que de nombreux entraîneurs et praticiens tentent de concevoir et de mettre en œuvre des protocoles basés sur des preuves scientifiques, il ne peut pas être omis la perception des joueurs à ce sujet. Certaines études montrent clairement que les préférences des athlètes et les preuves scientifiques ne concordent pas toujours. Plus que probablement, cet effet se produit parce que lorsque les athlètes professionnels utilisent des stratégies de récupération, nous favorisons des changements physiques et physiologiques dans leur corps, mais nous influençons également les perceptions et favorisons le bien-être mental d’un point de vue psychologique.


Limites de l’étude

  • Manque de recherche disponible dans la littérature, répondant aux critères d’inclusion
  • Certaines études ont utilisé des délais de 20h et 44h qui ont été ramenés à 24h et 48h pour les analyses

CONCLUSION

  •  L’utilisation de stratégies de récupération chez les joueurs de football, telles que les vêtements de compression, la CWI et l’hygiène de vie par le sommeil, offre des effets positifs uniquement sur l’un des tests de performance physique (le CMJ) mais par sur le 20-m sprint ou la MVC par rapport au groupe témoin.
  •  Ces stratégies de récupération offrent des effets positifs plus importants sur les dommages musculaires (marqueurs physiologiques et données de bien-être) par rapport au groupe témoin.
  •  La conclusion de cette étude est basée sur seulement 5 RCTs et d’autres sont nécessaires pour comprendre comment les stratégies de récupération affectent les paramètres physiques, physiologiques et de bien-être.

L'article

Altarriba-Bartes A, Peña J, Vicens-Bordas J, Milà-Villaroel R, Calleja-Gonza ́lez J (2020) Post- competition recovery strategies in elite male soccer players. Effects on performance: A systematic review and meta-analysis. PLoS ONE 15(10): e0240135. https://doi.org/10.1371/journal. pone.0240135