Effet du contrôle lombo-pelvien sur la mécanique de réception et les activités des muscles des membres inférieurs chez les athlètes professionnelles féminines : implications pour la prévention des blessures

Kinesport
L’identification des facteurs de risque et des mécanismes de blessures est essentiel à la réussite de la prévention de ces blessures. Dans les sports impliquants des réceptions de sauts fréquentes, le membre inférieur est blessé dans environ 60% des cas : 45 à 86% des blessures aigues aux genoux et aux chevilles au basket-ball et au volley-ball et 70% des ruptures du ligament croisé antérieur (LCA) au handball se produisent après une réception. Les facteurs de risque les plus importants de ces blessures comprennent un valgus excessif du genou, des mouvements latéraux du tronc et une mauvaise stabilité pelvienne lors de la réception, qui est un geste sportif courantLe contrôle lombo-pelvien est défini comme la capacité à bouger ou à stabiliser la région lombo-pelvienne en réponse à des perturbations intrinsèques ou extrinsèques, et dépend de l’intégrité des structures passives et d’un contrôle neuromusculaire dynamique approprié. Par conséquent, un mauvais contrôle neuromusculaire du complexe lombo-pelvien/hanche pourrait être considéré comme un facteur de risque important de blessures chez les athlètes, qui serait intensifié lorsqu’il se produit au cours de mouvements à haut risque comme une réception de saut. Un mauvais contrôle lombo-pelvien pourrait également affecter l’activité musculaire du moyen fessier, du droit fémoral et des ischio-jambiers car ils s’insèrent au niveau du bassin, jouant ainsi un rôle dans les blessures du genou et des membres inférieurs.
L’objectif de cette étude est de vérifier les hypothèses suivantes :

1. La mécanique de réception diffère entre les athlètes avec un bon contrôle lombo-pelvien et ceux avec un mauvais contrôle lombo-pelvien
2. L’activité des muscles agissants sur le genou serait différente entre les athlètes avec un bon contrôle lombo-pelvien et ceux avec un mauvais contrôle lombo-pelvien.

Méthodes

Participants

Un total de 34 joueuses professionnelles de basket-ball, de volley-ball et de hand-ball (âge moyen 18,29±3,29 ans ; taille moyenne de 173,5±7,23 cm ; masse corporelle de 66,79±13,37 kg) jouant dans la Iranian Pro League et la 2ème division, volontaires pour participer à l’étude, ont été incluses.
Les critères d’exclusion de l’étude étaient les suivants :
  • L’âge de moins de 17 ans ou de plus de 25 ans
  • Des antécédents de blessures au bas du dos ou de blessures graves des membres inférieurs affectant la fonction normale des membres inférieurs des athlètes
  • Des troubles neuromusculaires
Procédures

Un modèle cas-témoin a été utilisé pour évaluer les différences dans la mécanique de réception et l’activité des membres inférieurs entre les athlètes avec un bon contrôle lombo-pelvien et celles avec un mauvais contrôle lombo-pelvien.

Mécanique de réception

Dans cette étude, les tâches de réception de saut ont été enregistrées simultanément par 2 caméras (vues en plans frontal et sagittal). Il a été demandé aux participants, après un échauffement de 10 minutes, de sauter en avant d’une box de 30 cm de haut, de se réceptionner sur un endroit marqué au sol (qui était placé à une distance de la box égale à la moitié de leur taille) et de sauter immédiatement à la verticale le plus haut possible (fig.2). La tâche a été effectuée 3 fois pour chaque sujet, sans qu’ils n’aient été instruit sur les bonnes techniques de réception.
Le Landing Error Scorring System (LESS), basé sur 17 critères facilement observables, a été utilisé pour évaluer la technique de réception de chaque sujet. L’évaluateur a revu les vidéos à l’aide du logiciel Kinovea et a noté les 3 essais à l’aide de la feuille de notation à 17 items du LESS.

Le logiciel ImageJ a ensuite été utilisé pour évaluer la mécanique de réception au moment du contact au sol. Il a permis de mesurer les angles moyens pour les 3 essais :
  • De flexion du tronc, de flexion du genou et de flexion dorsale de cheville dans le plan sagittal
  • D’inclinaison du tronc et de valgus du genou dans le plan frontal

Electromyographie (EMG)

Des électrodes d’EMG de surface sans fil ont été placés sur les muscles moyen fessier, droit fémoral et semi-tendineux du côté dominant. L’activité de ces muscles lors d’une tâche d’appui unipodal statique pendant 30 secondes a été mesurée.

Tests de contrôle lombo-pelvien

4 tests de contrôle lombo-pelvien ont été effectués sur les sujets (Fig. 3), en utilisant un dispositif biofeedback de pression (Stabilizer™) :
  • Knee-lift abdominal test (KLAT) : le sujet est en décubitus dorsal, jambes fléchies doit lever un pied de la table d’examen jusqu’à atteindre une flexion de hanche et de genou de 90° et maintenir la position pendant 4 à 6 secondes.
  • Bent Knee Fall-Out (BKFO) : le sujet est en décubitus dorsal, genou fléchi à 120° et doit laisser doucement descendre le genou jusqu’à environ 45° de flexion/rotation latérale de hanche, en gardant le pied en appui à côté du genou qui est resté tendu, avant de revenir à la position de départ.
  • Active Straight Leg Raising Test (ASLR) : le sujet est en décubitus dorsal et lève une jambe tendue à 20 cm au-dessus du plan de la table et maintien la position pendant 20 secondes (C)
  • PRONE Test : le sujet est en décubitus ventral et la consigne suivante lui est donnée : « rentrez votre ventre sans bouger votre colonne lombaire ou votre bassin et maintenez la position jusqu’à ce qu’on vous demande d’arrêter ». A l’aide de la palpation, l’examinateur vérifie que le sujet ne bouge pas sa colonne lombaire et son bassin pendant 10 secondes.

Pour déterminer le statut des participants dans les groupes avec un bon ou un mauvais contrôle lombo-pelvien, le changement de pression par rapport à la pression de base (40mmHg pour les tests sur le dos et 70mmHg pour le test sur le ventre) a été enregistré par l’examinateur à l’aide du dispositif biofeedback de pression placé sous la colonne lombaire ou sous le ventre du patient :

  • Si la variation de pression moyenne sur tous les tests était supérieure à 8mmHg, les sujets étaient placés dans le groupe « mauvais contrôle lombo-pelvien ».
  • Si la variation de pression moyenne sur tous les tests était inférieure ou égale à 8mmHg, les sujets étaient placés dans le groupe « bon contrôle lombo-pelvien ».

Le tableau 1 montre les valeurs moyennes sur les 4 tests de contrôle lombo-pelvien pour les groupes d’étude.

RESULTATS :

Les 34 joueuses de basket-ball, de volley-ball et de handball ont terminé l’étude. 17 d’entre-elles ont été placées dans le groupe « mauvais contrôle lombo-pelvien » (n = 17) et 17 dans le groupe « bon contrôle lombo-pelvien » (n = 17). La comparaison des participantes avec un bon et un mauvais contrôle lombo-pelvien n’a indiqué aucune différence significative en ce qui concerne l’âge, le poids, la taille, l’IMC, les heures activités par semaine et la durée de l’activité

Activité musculaire

  • Une différence a été observée dans l’activité du moyen fessier entre les groupes d’étude (P=0.032)
  • Aucune différence significative n’a été observée en termes d’activité musculaire du droit fémoral et du semi-tendineux (P>0.05)
Cinématique de réception

  • Une différence significative a été observée entre les sujets des 2 groupes en ce qui concerne l’angle de valgus du genou et l’angle d’inclinaison latérale du tronc dans le plan frontal (P=0.0001), l’angle de flexion du tronc (P= 0.015) et l’angle de flexion du genou dans le plan sagittal (P = 0.001).
  • Aucune différence significative n’a été observée en ce qui concerne l’angle de flexion dorsale de cheville (P>0.05).
  • Pour le LESS, une différence significative a également été retrouvée (P=0.0001).

DISCUSSION

La présente étude a évalué l’état du contrôle lombo-pelvien chez les athlètes féminines professionnelles engagées dans des sports impliquants des sauts fréquents, et a comparé la mécanique de réception et l’activité musculaire des membres inférieurs des athlètes avec un bon contrôle lombo-pelvien et ceux avec un mauvais contrôle lombo-pelvien, pour essayer d’identifier les facteurs de risque associés.
Les mécanismes de réception (c’est-à-dire les résultats au LESS) étaient significativement moins bons chez les sujets avec un mauvais contrôle lombo-pelvien par rapport à ceux avec un bon contrôle lombo-pelvien, ce qui confirme l’hypothèse de recherche. Un score au LESS supérieur à 5 augmente le risque relatif de lésion du LCA de 10.7 fois. D’un autre côté, des exercices de « core training » pourraient réduire jusqu’à 3 points le score au LESS. En d’autres termes, une amélioration de la stabilité du tronc pourrait réduire les erreurs mécaniques de réception et donc le risque de blessures des membres inférieurs.

L’inclinaison latérale du tronc et le valgus du genou étaient significativement plus élevés chez les sujets avec un mauvais contrôle lombo-pelvien par rapport à ceux avec un bon contrôle lombo-pelvien. La combinaison d’un valgus du genou et d’une inclinaison latérale du tronc dans le plan frontal est très sensible pour l’identification des femmes à risque de lésions du LCA. Par conséquent, le contrôle lombo-pelvien doit être considéré comme un prédicteur sensible des blessures aux membres inférieurs chez les athlètes pratiquant un sport nécessitant des réceptions fréquentes.

Seule l’activité musculaire du moyen fessier était significativement différente entre les sujets avec un bon et un mauvais contrôle lombo-pelvien lors d’une tâche d’appui unipodal statique. Lors de l’appui, le moyen fessier contrôle le bassin et le fémur dans le plan frontal. Les cliniciens et chercheurs soulignent l’importance de renforcer la musculature de la hanche pour stabiliser le bassin et diminuer le valgus dynamique au niveau du genou. Ce résultat concorde avec les recherches précédentes qui ont démontré que le moyen fessier est un stabilisateur pelvien primaire important dans l’appui unipodal et joue également un rôle important dans le contrôle lombo-pelvien.

Les auteurs ont soulevé les limites suivantes :

  • Les athlètes hommes n’ont pas été inclus
  • Pas de plateforme de force pour mesurer l’activité musculaire au moment du contact au sol lors de la réception. Il serait intéressant d’analyser l’activité EMG au moment du contact au sol pour obtenir des résultats plus fonctionnels que sur un appui unipodal statique.
  • Il a été supposé que les tests de contrôle lombo-pelvien utilisés sont une représentation précise du contrôle lombo-pevien.

Conclusion

Selon les résultats de cette étude, un mauvais contrôle lombo-pelvien chez des athlètes engagés dans des sports impliquants de nombreuses réceptions de sauts entraine : 

  •  du score au Landing Error Scoring System (LESS) 
  •  de l'’angle d’inclinaison du tronc lors de la réception 
  •  de l'’angle de valgus du genou lors de la réception
  •  de l''angle de flexion du genou lors de la réception
  •  de l'’angle de flexion du tronc lors de la réception
  •  de l'’activité du moyen fessier en appui unipodal statique 


 Les athlètes avec un mauvais contrôle lombo-pelvien peuvent subir une réception biomécaniquement incorrecte, ce qui augmente le risque de blessures des membres inférieurs et en particulier du genou.

 Les résultats de cette étude mettent en évidence la nécessité d’une mesure du contrôle lombo-pelvien dans l’évaluation des facteurs de risque de blessures.
 Des investigations supplémentaires sont nécessaires concernant l’impact de l’entraînement au contrôle lombo-pelvien sur le risque de blessures.

L'article

Paria Fadari Dehcheshmeh, Farzaneh Gandomi and Nicola Maffulli - BMC Sports Sci Med Rehabil (2021) 13:101. https://doi.org/10.1186/s13102-021-00331-y