Utilisation du neurofeedback dans les entrainements sportifs : revue systématique

Oct 20 / KINESPORT

Introduction

L’entraînement sportif est un exercice spécifique dont l’efficacité dépend de méthodes soigneusement choisies. Tous les athlètes professionnels ont besoin d’un entrainement physique de base pour améliorer leurs compétences motrices mais aussi d’un entrainement mental, afin de développer leur concentration et leur résistance au stress. Les recherches sur la préparation mentale ont montré de nombreux bénéfices pour les athlètes, comme une meilleure gestion du stress, qui est un facteur important dans le sport professionnel. La pression liée aux résultats, l’équipe et son personnel, ou encore ses sponsors peuvent être des sources de stress qui peuvent directement affecter les performances et les capacités athlétiques des joueurs.
Avis du pôle scientifique Kinesport
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Certains critères méthodologiques de cette revue systématique sont susceptibles d’avoir introduit des biais dans les résultats. En particulier, le risque de biais des études inclues, bien qu’évalué, n’est pas pris en considération dans les résultats. Aussi, bien que la qualité méthodologique de sélection, tri et extraction des études semble correspondre aux recommandations, certains éléments sont décrits de manière imprécise. Les résultats sont donc à prendre avec précautions car peuvent être sur ou sous-estimés par les articles à haut risque de biais inclus.
Cette revue vise à rassembler les preuves scientifiques sur l’entrainement en biofeedback, ses avantages et son efficacité. Le biofeedback est un processus d’entrainement des ondes cérébrales. Le neurofeedback (NFB) est une méthode qui aide les sujets à contrôler consciemment leurs ondes cérébrales, avec un enregistrement en direct de l’électroencéphalogramme (EEG). Les données collectées par l’EEG permettent d’obtenir un retour d’information sur les processus psychologiques et physiologiques. En fonction de la fréquence utilisée, nous pouvons distinguer les ondes alpha (8-12Hz) qui sont liées à un état de relaxation quand les yeux sont fermés, les ondes béta (>13Hz) qui correspondent à la concentration, les ondes thêta (4-8Hz) qui augmentent à travers le temps lors de l’encodage, le maintien et la récupération, et enfin les ondes delta (0,5-3,5Hz) qui sont ressenti par les humains lors du sommeil. En distinguant les différentes fréquences et leur rôle, nous pouvons associer des états spécifiques (dans le cas des ondes gamma, un état de concentration intense, d’attention et d’assistance au traitement des informations par le cerveau) aux ondes tout en étudiant les informations provenant des différentes zones du cerveau.

Les traitements par biofeedback sont internationalement utilisés en médecine, où ils remplacent parfois certains traitements pharmaceutiques. De plus, ils sont utilisés pour le développement émotionnel chez les enfants et adolescents, mais ils trouvent aussi leur place en gériatrie pour le traitement de certains troubles cognitifs liés à des dommages au niveau du système nerveux central. Le NFB peut être utilisé en suivant les principes FITT (Fréquence, Intensité, Temps et Type) indépendamment de l’âge et du niveau de pratique sportive.

Une utilisation appropriée du NFB dans le sport professionnel permet la coopération des sphères physiques et mentales. Il a pour fonction de stimuler l’organisme de l’athlète (fréquence cardiaque et respiratoire) pour permettre l’auto-régulation et la création d’impulsions autonomes qui peuvent aider à prendre des décisions appropriées à des moments clés lors des compétitions. L’entrainement en NFB doit être adapté à chaque athlète pour avoir un impact psychophysiologique qui peut amener le sportif à ressentir des émotions positives et à contrôler son rythme cardiaque ainsi que son niveau de stress.

L’imagerie mentale (IM), définie comme une simulation mentale d’un mouvement kinesthésique, est fréquemment utilisée en NFB car elle peut moduler l’activité des aires sensorimotrices, sans mouvement physique, et permettre au sportif de gagner en contrôle volontaire sur ces aires cérébrales. L’imagination du mouvement unilatéral d’un membre provoque une variation des activations dans des zones spécifiques du cortex, qui se traduit ensuite par des signaux électriques propagés par conduction dans de multiples tissus cérébraux. Ces signaux peuvent être enregistrés par diverses techniques comme l’EEG ou l’IRM fonctionnelle.

Dans une étude de synthèse en 2016, Mirifar et al ont examiné les protocoles de NFB ainsi que leurs effets sur les performances sportives. Dans cette étude, il a été montré que la majorité des études publiées soutiennent l'affirmation selon laquelle le NFB améliore efficacement les performances des athlètes dans une tâche sportive spécifique et/ou dans les aspects sous-jacents pertinents de la cognition. Mais les auteurs ont déclaré que la conclusion finale concernant la validité des résultats de cette étude de synthèse était assez différente des conclusions positives tirées dans les études précédentes. Ainsi, malgré certaines indications selon lesquelles l'utilisation du NFB est efficace pour améliorer les performances sportives, il n'existe pas de preuves substantielles de son efficacité, et de nouvelles recherches doivent être menées dans le domaine du sport. L’objectif de cette revue systématique est donc de faire une synthèse de la littérature actuelle sur les méthodes d’entrainement avec NFB et de répondre à la question suivante : « Quels protocoles d’entrainements avec NFB sont efficaces pour atteindre des objectifs ciblés chez les athlètes et dans quelle mesure façonnent-ils leurs capacités mentales ? ».

Méthode 

Cette revue systématique est conforme aux normes PRISMA et au Cochrane Collaboration Handbook. La recherche d’articles a été faite sur PubMed, Google Scholar, Scopus, Web of Science et d’autre bases de données actuelles. Les mots clés « EEG », « neurofeedback » et « sport » ont été utilisés afin de trouver des études sur l’impact du NFB sur la performance sportive. Les publications ont été incluses à partir de 2012. Les critères d’inclusion et d’exclusion sont résumés dans le tableau suivant :
Critères d’inclusion
  • Recherche réalisée sur des athlètes
  • Entrainement par biofeedback
  • Description de la séance d’entrainement 
  • Durée de la recherche
Critères d’exclusion
  • Étude sur des non-athlètes
  • Pas de données sur la façon dont a été conduite la séance d’entrainement 
  • Pas de durée spécifiée
  • Présence de maladie pouvant affecter les résultats
L’échelle PEDro a permis d’analyser la qualité des études incluses en se basant sur 11 critères qui valent chacun 1 ou 0. Le score le plus élevé est de 10 et une note supérieure ou égale à 6 détermine un article de haute qualité.

Résultats

Au départ, 450 publications ont été identifiées. Après avoir enlevé les doublons, les articles dont le texte intégral n’était pas disponible, ainsi que ceux ne correspondant pas aux critères d’inclusion, 10 études ont été incluses dans cette revue systématique. La majorité d’entre elles comprenait un groupe recherche et un groupe contrôle.

Toutes les études incluses ont montré que l’entrainement en NFB influence la forme physique et mentale des athlètes. Cela a été confirmé par des tests réalisés avant et après les entrainements spéciaux avec NFB.

Discussion

Il est important de tenir compte du fait que le NFB est une méthode relativement nouvelle et que ses différents effets n’ont pas encore été bien étudiés. 

 Fréquence cardiaque, stress, pression sanguine et NFB 

Une étude de Raymond a montré des changements positifs dans la régulation de la fréquence cardiaque chez des danseurs après entrainement avec NFB. Les mêmes effets, avec une amélioration de la résistance au stress, ont été trouvés chez des golfeurs en 2012. De plus, ces études associent le NFB a une amélioration des performances et de la concentration. Ces effets ont été obtenus par l’association concomitante de l’EEG et du feedback de la variabilité cardiaque. Par ailleurs, une étude de Pineda-Hernandez a cherché à surveiller l’activation cérébrale sur des athlètes en train d’imaginer une situation neutre ou une situation de pression. Le monitoring était basé sur les ondes cérébrales, la fréquence cardiaque et l’évaluation subjective des athlètes. Il a révélé qu’une situation de stress augmentait la fréquence cardiaque ainsi que les ondes gamma, notamment lors d’une pression maximale. Les ondes gamma étaient à l’inverse diminuées lors de situations neutres, et diminuaient encore pendant la concentration initiale et finale sur la respiration. 

 Blessures et réhabilitation

Une étude de Esteves et al sur des footballeurs professionnels de Serie A a montré que l’entrainement avec NFB jouait un rôle important dans la prévention des blessures et la réhabilitation. Il permet d’analyser la charge exercée sur les deux membres inférieurs pendant des squats et des réceptions de sauts et de planifier en fonction l’entrainement des athlètes dans le cadre de la prévention des blessures au genou. Une autre étude de Alahakone et Senanayake a montré que le feedback par vibration peut réduire le balancement postural du tronc et donc améliorer la stabilisation centrale. Une autre publication de Malik et Senanayake a montré qu’un feedback rapide permet aux kinésithérapeutes et physiciens de prendre des décisions sur la réhabilitation des athlètes et permet donc un retour plus rapide à une pleine fonctionnalité. L’utilisation de signaux neuromusculaires permettant l’analyse des mouvements de l’athlète en direct, le staff médical peut prendre des décisions immédiates. De plus, comme l’ont montré Perry et al, l’utilisation du NFB permet d’améliorer l’auto-régulation par les athlètes ainsi que l’efficacité du traitement.

 La musique comme forme d’entrainement

La musique fait partie des différentes formes de NFB. Elle permet de maintenir la motivation tout au long de la réhabilitation et ainsi que de revenir à un haut niveau de performance grâce aux mouvements répétés au rythme de la musique, comme cela a été montré sur des kayakistes de haut niveau. Dans une étude menée sur des coureurs de 400m, une corrélation a été trouvée entre l’entrainement en musique et de meilleures capacités d’endurance anaérobie.

 Performance

Une étude menée par Chen et al a montré qu’un NFB auditif pouvait améliorer les performances de frappe ainsi que leurs variables biomécaniques chez des boxeurs amateurs. Les participants avaient des repères sonores associés à l’impact du poing sur un sac de frappe. Le NFB pourrait améliorer les schémas moteurs et éviter le risque de blessure, avec une amélioration particulièrement rapide chez les débutants. Ces changements ont aussi été montré sur le débattement tibial chez des coureurs dans une étude de Van den Berghe et al. Les coureurs ayant utilisé le NFB ont tous réussi à diminuer le pic d’accélération tibial et l’impact au sol lors de leur course, ce qui n’a pas été le cas chez les coureurs n’ayant pas eu accès à ce feedback auditif. Jeunet et al ont mené une étude sur l’association entre l’EEG et l’attention visuospatiale cachée, qui pourraient être utilisé comme feedback pour améliorer les performances des gardiens de but en football. L’étude a montré une amélioration de l’agilité des gardiens ainsi qu’une augmentation de leurs ondes alpha au repos. L’augmentation des ondes alpha et béta1 chez des athlètes au repos les yeux fermés a aussi été démontrée dans une étude de Mikic et al. Leur protocole comprenait du NFB, de l’autorelaxation et de la stimulation audio-visuel, l’ensemble faisant suite à une activité physique quotidienne. 

 Activité du cortex frontal et NFB double couche 

Une étude de Visser et al a comparé l’activité du cortex frontal lors d’un match de tennis de table et lors d’une activité de vélo stationnaire. L’activité des aires préfrontales et frontocentrales était plus élevée lors du tennis de table, ce qui montre des schémas d’activation du cortex frontal spécifiques aux différentes activités motrices. La décharge d’ondes theta était augmentée dans les régions antérieures et antérocentrales lors d’activités comprenant des stimuli externes environnementaux et qui nécessitent donc un contrôle postural continue.
Studnicki et al ont caractérisé les stratégies de suppression des artefacts dans les données de NFB pour des tâches du corps entier telles que le tennis de table en se servant du NFB à double couche. Les auteurs ont comparé le cuir chevelu, les muscles du cou et les canaux adaptés au bruit, ainsi que les données d’accélération du corps et de la tête pour déterminer l'efficacité des signaux de référence dans la capture du bruit. L’approche à double couche s’est avérée efficace pour déterminer les artefacts de mouvements affectant les différents canaux lors de sports dynamiques. Ce type de NFB externe permet au sujet de recevoir un retour sur l’effet externe indirect de ses mouvements plutôt qu’un retour interne direct sur le fonctionnement du corps.

 Recherches, facteurs de risque et résultats subjectifs 

Plusieurs études ont effectué des recherches en incluant un groupe contrôle et un groupe NFB et n’ont pas trouvé de différences significatives entre les groupes. Cela peut s’expliquer par une taille d’échantillon faible ainsi que l’inclusion de différents sports. L’étude de Hosseini et al, qui s’est focalisée sur des joueurs de volleyball, a en revanche trouvé une différence significative entre les groupes, avec le groupe NFB qui a atteint l’effet désiré plus rapidement que le groupe contrôle. Les recherches futures devraient se concentrer sur l’harmonisation des caractéristiques de recherches souhaitées, des protocoles d’entrainement ainsi que sur la réplication de ces études dans différentes disciplines sportives. Dans de nombreuses études, l’influence des facteurs externes n’a pas été prise en compte et les résultats ne devraient pas se concentrer seulement sur les résultats du NFB mais devraient présenter tous les changements identifiés. À l'avenir, il conviendra d'étudier la fréquence optimale de l'entraînement avec NFB. Les contraintes de temps ne doivent pas être limitées et, par conséquent, la fréquence ou l'intensité de l'entraînement ne doivent pas être accélérées. Il convient d'établir des conditions optimales et sûres pour l'entraînement par neurofeedback, qui ne surchargent pas la santé physique ou mentale des athlètes.

 Limitations

Seulement un petit nombre d'études a été inclus dans cette revue, ce qui suggère un certain biais dans l'interprétation des résultats. De plus, la plupart des études ne comportaient pas de groupe témoin, ce qui rend difficile de déterminer si les effets sont dus aux interventions de NFB ou à des effets non spécifiques. Une autre limite est que différents protocoles de neurofeedback avec différentes ondes et fréquences ont été utilisés dans les études.

Conclusion

Dans toutes les études scientifiques analysées, les effets de l’entrainement sportif ont été confirmés sur la base de la méthode EEG feedback. L’utilisation du NFB dans l’entrainement des athlètes augmente le contrôle des facteurs psychologiques et physiologiques, améliorant leur bien-être. Cette méthode améliore la coordination motrice, la vitesse de réaction, diminue le taux de cortisol sanguin et améliore donc la performance des athlètes. 

Avantages de l’EEG NFB dans l’entrainement sportif

  • Soutient la convalescence
  • Permet de mieux gérer les échecs
  • Augmente les réflexes
  • Améliore la coordination
  • Améliore la concentration
  • Renforce la résistance psychophysiologique
  • Améliore l’humeur et l’estime de soi
  • Augmente la motivation
  • Améliore la gestion des émotions
  • Permet d’atteindre plus rapidement un état de relaxation profonde

Référence de l'article

Rydzik Ł, Wąsacz W, Ambroży T, Javdaneh N, Brydak K, Kopańska M. The Use of Neurofeedback in Sports Training: Systematic Review. Brain Sci. 2023 Apr 14;13(4):660. doi: 10.3390/brainsci13040660. PMID: 37190625; PMCID: PMC10136619.