Effets des entrainements et matchs de football sur la force musculaire des ischio-jambiers et l’amplitude articulaire passive de la cheville et de la hanche durant une saison de compétition

Jun 28 / Nicolas Campet
Les blessures aux ischio-jambiers (IJ) sont parmi les blessures les plus communes dans le football professionnel, leur incidence augmentant chaque année à un taux de 2,3%/an. Elles sont responsables d’un time-loss important à l’entrainement et en compétition ce qui a des répercussions sur la performance de l’équipe ainsi que des implications financières non négligeables. La prévention et l’identification des facteurs de risque, non modifiables et modifiables, intrinsèques et extrinsèques, de ces lésions revêt donc une importance majeure.
Parmi les facteurs de risque modifiables, l’asymétrie de force des IJ, le déficit de force des IJ ainsi que des ratios de force IJ/Quadriceps faibles ont été identifiés comme augmentant la probabilité de subir une lésion aux IJ dans des sports collectifs.
Également, des joueurs avec une restriction de l’amplitude articulaire (ROM) de la hanche et de la cheville apparaissent comme plus à risque de contracter une lésion aux IJ.
Le screening de ces facteurs de risque, à la recherche de déficits et d’asymétries est donc important à mettre en place pour la pratique du football, en match et à l’entrainement.
Cependant, certains travaux ont mis en lumière l’importance de la période de la saison ou le screening est effectué, l’incidence de ces blessures augmentant progressivement pendant la saison, dû à la fatigue chronique développée par l’entrainement continu et la compétition. Cette réduction de performance physique peut être attribuée au stress physique imposé ainsi qu’à la réduction du temps alloué pour l’entrainement de la force musculaire pendant la saison.
Cette étude observationnelle prospective est un article à risque de biais modéré. Dans l’ensemble, les critères méthodologiques d’un étude observationnelle prospective sont respectés, mais il y a une ambiguïté entre le titre de l’article et ce que permet la méthodologie. En effet, la méthodologie employée permet d’observer l’évolution de la force musculaire et de l’amplitude de mouvement de la hanche et de la cheville chez des joueurs de football pendant une saison complète. Les résultats rapportés dans l’article vont dans ce sens. En revanche, on ne peut conclure sur les effets de l’entrainement ou des matchs sur cette évolution, comme le titre le laisse penser. Pour réellement répondre à cette question, il faudrait faire un essai clinique randomisé avec un groupe contrôle sans entrainement et sans match. 
L’objectif de l’étude est donc de vérifier les effets de l’entrainement régulier et des matchs de football pendant une saison entière sur la force musculaire des IJ ainsi que sur le ROM de la hanche et de la cheville chez des joueurs de football bien entrainés.

Matériel et méthode

 Participants

26 joueurs de football semi-professionnels volontaires ont participé à l’étude. La moyenne d’âge était de 20,1 +/- 1,9 ans, la taille moyenne était de 176,9 +/- 0,1cm, la masse corporelle de 72,4 +/- 6,1 kg et le pourcentage de masse grasse de 10,7 +/- 0,8%.
18 joueurs (69,2%) avaient une dominance sur le membre inférieur droit et 8 (30,8%) avaient le gauche.
Les critères d’exclusion étaient les suivants 
  • Un historique de douleur le mois précédent l’évaluation
  • Une discontinuité dans l’entrainement le mois précédent l’évaluation
  • Une blessure musculo-squelettique a un membre inférieur dans les 3 mois précédents l’évaluation
  • Les gardiens de buts ont été exclus de l’analyse

 Information sur l’entrainement

Les joueurs se sont entrainés en moyenne 13,0 +/- 2,2 heures par semaine pendant la saison entière, ce qui inclue toutes les activités d’entrainement liées au football effectuées dans leurs clubs. La session RPE (sRPE) a été calculée individuellement par le préparateur physique de l’équipe en lien avec chaque session d’entrainement effectuée. Cette mesure reprend la durée et l’intensité de chaque séance d’entrainement. La charge de travail cumulée sur la semaine a été calculée en additionnant toutes les sRPE, et en incluant la compétition.
Les joueurs ont effectué habituellement 5 entrainements sur terrain ce qui incluait les exercices de conditionnement physique, les petits jeux, le travail des skills et les exercices tactiques.
Également, les joueurs ont réalisé un programme d’entrainement basé sur la force avec des poids libres sur deux cycles : le premier visait principalement à produire des gains de force, et a été réalisé d'août à décembre et comprenait deux séances de musculation par semaine. Les séances d'entraînement de ce premier cycle consistaient en quatre exercices (demi-squat, développé couché, curl des jambes assis et rameur assis) avec une charge d’environ 80 % de la 1RM du joueur. Le deuxième cycle, qui visait principalement à maintenir les niveaux de force atteints, a été effectué de janvier à juin et comprenait une seule séance de musculation hebdomadaire. La séance consistait en quatre exercices (demi-squat, lat pulldown, dead lift et push press) effectués aux alentours de 60 % de la 1RM du joueur.

 Approche expérimentale

Dans cette étude observationnelle et prospective, l’évaluation a été réalisée par 2 membres du staff médical expérimentés. Pendant la saison complète (10 mois), les joueurs ont été testés à 3 occasions : 
  • La première semaine de présaison (juillet), qui a débuté après 5 semaines d’arrêt de l’entrainement.
  • À la mi-saison (première semaine de janvier), ou les joueurs ont déjà effectué 17 matchs officiels.
  • À la fin de la saison (dernière semaine de mai), après avoir effectué 38 matchs officiels.
La force musculaire maximale isométrique des IJ, le ROM passif de flexion, d’extension, de rotation interne (RI) et de rotation externe (RE) de hanche ont été mesurées sur chacun de ces points de passage. La dorsiflexion de cheville a également été relevée. Toutes les mesures ont porté sur les membres dominants et non dominants. Lors des mesures de mi-saison et fin de saison, l’évaluation a été conduite au moins 72h après le dernier match officiel pour réduire l’influence de la fatigue sur les variables mesurées. 

 Mesures

Force musculaire des IJ
La force maximale isométrique des IJ a été mesuré par l’intermédiaire d’un dynamomètre manuel. Après échauffement, trois essais de contraction maximale volontaire (MVC) ont été réalisées sur chaque jambe, avec un temps de repos de 30s entre chaque répétition. Pour le test, le patient était en décubitus ventral, hanche à 0° et le genou à 15° de flexion. L’effort maximal était maintenu 5s et la plus haute valeur de MVC était notée à chaque essai. Finalement, seule la plus haute valeur de force était sélectionnée pour analyse. 
ROM de la hanche
Le ROM maximal durant la flexion passive de hanche, l’extension, la RI et la RE étaient mesurés en utilisant un inclinomètre avec bras télescopique. La fin de mouvement sur chaque stretch était enregistrée quand le joueur sentait un étirement fort mais tolérable, avant apparition de douleur. Chaque mesure était réalisée deux fois pour les deux membres inférieurs avec une période de repos de 45s entre chaque évaluation. La plus haute valeur de ROM pour chaque mesure était sélectionnée pour analyse.