Cette revue systématique a analysé plus de 498 publications et sélectionné 14 études pertinentes (11 essais randomisés contrôlés, 3 études observationnelles), représentant 729 patients.
Les critères évalués :
Une analyse des risques de biais méthodologiques a été réalisée selon les outils Cochrane (Outils ROBINS et ROB-2). L’objectif n’était pas de trancher idéologiquement, mais de proposer une lecture nuancée, scientifique et pragmatique de ce que nous disent réellement les données.
- Pas de risque accru de laxité avec les exercices OKC lorsqu’ils sont introduits de manière progressive. Aucune des 12 études ayant mesuré la laxité ne montre de différence significative entre les groupes OKC et les groupes contrôle. Niveau de preuve : I à II-1.
- Gain de force plus rapide du quadriceps, notamment dans les premières semaines post-op. Plusieurs études (Glass et al., Mikkelsen et al., Vidmar et al.) rapportent une amélioration significative à 60°/s et 180°/s dès 6 à 12 semaines.
- Retour au sport non retardé, voire amélioré dans les protocoles incluant de l’OKC dès la 6e semaine postopératoire. Les patients avec un programme mixte (OKC + chaîne fermée) bénéficient de meilleures adaptations neuromusculaires, sans augmenter les risques mécaniques.
- Contrôle de l’amplitude : Les études ayant spécifiquement restreint l’amplitude d’extension entre 90° et 45° ou 90° à 60° observent un bénéfice maximal sans impact négatif sur la laxité. Cela souligne l’importance d’un dosage fin et contextuel.
De nombreuses études anciennes présentent un risque de biais élevé, surtout dans les comparaisons directes CKC vs OKC (ex. : Bynum 1995, Morrissey 2000), avec plusieurs zones rouges : randomisation, données manquantes, classification des interventions…
Les études les plus récentes (ex. : Mikkelsen 2000, Vidmar 2020, Forelli 2023-2024) sont généralement mieux notées, avec une qualité méthodologique plus robuste, notamment sur la gestion des données et la mesure des effets. Cela justifie pleinement le besoin d’une relecture critique des recommandations cliniques basées sur ces anciennes études, souvent citées à tort comme références standards.
À retenir : Ce tableau montre que la majorité des études qui ont véhiculé la peur des exercices en chaîne ouverte souffrent de biais méthodologiques majeurs. Il était donc temps de revoir leur portée scientifique réelle.
L’une des failles majeures des recommandations antérieures repose sur leur base scientifique : beaucoup d’entre elles citaient des études anciennes, avec des méthodologies faibles ou des biais non corrigés.
Certaines études très citées utilisent des modèles théoriques de charges sur le greffon mais ne reposent pas sur des données cliniques réelles. D’autres mélangent extension en OKC à charge lourde en pleine amplitude dès la phase aiguë avec des exercices guidés ou partiels utilisés aujourd’hui.
La revue rappelle aussi que l’amalgame entre “extension de genou” et “danger pour le greffon” est infondé, si l’on s’en tient aux données actuelles.
"Ce n’est pas l’extension qui pose problème, c’est la mauvaise utilisation de l’exercice."
Ce Tableau 3 résume les résultats d’intervention sur l’exercice d’extension de genou en chaîne ouverte (OKC) après ligamentoplastie du LCA, en comparant ses effets aux exercices en chaîne fermée (CKC). Il présente une analyse fine selon :
le type de protocole (OKC vs CKC, mixte, séquence OKC tardive, etc.), le moment d’introduction de l’OKC (avant 4 semaines, entre 4 et 6 semaines, ou après 6 semaines), et les sous-groupes évalués (force, laxité, douleur, scores fonctionnels, etc.).
Principaux résultats à retenir :
- Laxité articulaire : Aucune différence significative (NS) pour les tests de laxité à 90° ou 133N entre OKC et CKC. Pour le test de laxité MM (médiane-médiale), une différence significative de sous-groupe est retrouvée (p < 0,01) : pas de sur-risque associé à l’OKC.
- Scores fonctionnels (PROMs): IKDC et Lysholm montrent des effets positifs significatifs (++), notamment quand l’OKC est utilisée après 6 semaines. Le score de douleur (VAS) s’améliore légèrement dans les groupes OKC (+).
- Force musculaire : Les plus gros effets positifs sont observés sur le quadriceps en excentrique à moins de 90°/s (jusqu’à +++), surtout si l’OKC débute entre 4 et 6 semaines. En excentrique >90°/s et en isométrique, les effets sont également positifs, mais légèrement moindres (++).
-Retour au sport et fonction : Aucun retard ou impact négatif observé. Des gains légers mais significatifs sont notés sur certains tests fonctionnels (hop tests).
En résumé : Ce tableau montre que l’introduction progressive de l’OKC, notamment entre la 4e et la 6e semaine post-op, est bénéfique pour la récupération de la force quadriceps, sans augmenter la laxité articulaire, ni compromettre le retour au sport.
Dès la 4e à 6e semaine post-opératoire, en charge légère à modérée et dans des amplitudes maîtrisées (90° à 45°, voire 90° à 60°).
Récupérer plus rapidement la force du quadriceps, en ciblant l’activation isolée sans compensation.
- Sous quelles conditions ?
Suivi kiné rigoureux, adaptation à la douleur, contrôle de l’amplitude et de la charge.
Extension complète contre forte résistance avant la 6e semaine.
Ce travail apporte une réponse claire à un débat trop longtemps basé sur des croyances ou des extrapolations théoriques. Il ne nie pas les risques potentiels si l’exercice est mal dosé, mais souligne que l’OKC bien intégré est une arme rééducative sûre et efficace.
L’apport de cette revue ne se limite pas à une réhabilitation de l’OKC : elle pose aussi les bases d’un modèle décisionnel fondé sur le contexte, le timing, et les objectifs spécifiques du patient.