Certains types d’exercices sont plus efficaces que d’autres chez les patients souffrant de lombalgie chronique : une méta-analyse en réseau

May 17 / Kinesport
L’exercice est une approche de traitement courante pour la lombalgie chronique, recommandée par les guidelines de pratique clinique comme un traitement de première intention. Cependant, il existe des preuves limitées pour soutenir l’utilisation d’un type d’exercice plutôt qu’un autre.

Les méthodes traditionnelles de méta-analyses ne peuvent pas répondre à des questions importantes sur le traitement qui fonctionnerait le mieux. Elles synthétisent d’importantes questions globales, mais n’incluent généralement pas toutes les informations de l’études et ignorent ou sont incapables de tenir compte de l’importante hétérogénéité du traitement dans la conception et les caractéristiques d’administration. Les méthodes de méta-analyse en réseau, comparant plusieurs traitements simultanément et tenant en compte d’autres sources potentielles d’hétérogénéité, ont le potentiel de mieux identifier la meilleure approche pour la gestion de la lombalgie.
Par conséquent, la question de recherche spécifique pour cette revue systématique était la suivante : Quels sont les effets des types spécifiques de traitement par l’exercice sur l’intensité de la douleur et les limitations fonctionnelles chez les adultes souffrant de lombalgie chronique ?
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille verte
Cette méta-analyse est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude. Les résultats obtenus permettent de comparer les effets de différents exercices sur l’intensité douloureuse et les limitations fonctionnelles chez des adultes atteints de lombalgie non spécifique chronique en mettant en évidence certains exercices plus efficaces dans cette population.

Méthode

Cette étude est une méta-analyse en réseau

 Identification et sélection des études 

Cette étude s’appuie sur une récente revue Cochrane des mêmes auteurs, qui a examiné la thérapie par l’exercice dans la lombalgie chronique. La recherche documentaire, qui est décrite en détail dans cette revue publiée, comprenait une recherche complète sur 9 bases de données.
Design des études incluses : essais contrôlés randomisés, terminés et publiés
Population : adultes souffrant de lombalgie chronique non-spécifique (≥ 12 semaines)
Interventions
  • Traitements par l’exercice prescrit ou planifiés par un professionnel de santé 
  • Activités, postures et/ou mouvements spécifiques dans le but d’améliorer les résultats de la lombalgie 
  • Catégorisés comme : 
  •       Renforcement du tronc / gainage / contrôle moteur

  •       Types d’exercices mixtes
  •       Renforcement général
  •       Exercices aérobies
  •       Pilates
  •       Étirements
  •       Yoga
  •       Restauration fonctionnelle
  •       Thérapie McKenzie
  •       Souplesse
  •       Autres exercices spécifiques
Comparaisons
  • Placebo ou pas de traitement
  • Éducation
  • Thérapie manuelle 
  • École du dos 
  • Electrothérapie 
  • Physiothérapie mixte (sans exercice physique) 
  • Thérapie psychologique 
  • Anti-inflammatoires / antalgiques 
  • Relaxation 
Résultats
  • Intensité de la douleur (par exemple échelle visuelle analogique ou échelle d’évaluation numérique) 
  • Limitations fonctionnelles liées au dos (par exemple Roland Morris Disability Questionnaire ou Oswestry Disability Index) 
Critères d’exclusion
  • Pas de suivi des résultats de plus de 4 semaines 
  • Pas de données pour l’analyse de la douleur ou les limitations fonctionnelles 

Résultats

La revue initiale des auteurs fournit une évaluation actualisée de l’efficacité du traitement par l’exercice de la lombalgie chronique non spécifique. Elle comprenait 249 essais contrôlés randomisés (ECR) dont 217 (87%) fournissant des données suffisantes pour une méta-analyse (20 969 participants) :
  • 126 essais comparaient l’exercice à des traitement sans exercices
  • 91 comparaient des groupes recevant différents types d’interventions d’exercice

 Résultats concernant l’intensité de la douleur

166 ECR ont fourni des données pour la méta-analyse (399 groupes de traitement, 15 553 participants) 
Méta-analyses directes par paires 
  • La différence moyenne (DM) d’intensité de la douleur lors du suivi à court terme à partir de preuves directes (face à face) a favorisé chaque type d’exercice par rapport au « traitement minimal » (traitement minimal = aucun traitement, traitement placebo, éducation et/ou électrothérapie) 
  • Les différences moyennes les plus importantes par rapport au traitement minimal concernant l’intensité de la douleur ont été retrouvées pour : 
  •       Le Pilates (DM −21.8, IC à 95% −29.6 à −14.1, 11 ECR, 800 participants)
  •       La thérapie McKenzie (DM −14.1, IC à 95% −27.7 à −0.4, 2 ECR, 170 participants)
  •       Les étirements (DM −14.0, IC à 95% −21.1 à −6.8, 6 ECR, 354 participants)
  •       Le renforcement général (DM −13.4, 95% CI −20.6 à −6.2, 9 ECR, 433 participants)
  •       Le renforcement du tronc / gainage (DM −12.8, 95% CI −17.8 à −7.9, 17 ECR, 1,545 participants)
  • La différence moyenne concernant l’intensité de la douleur lors du suivi à court terme par rapport à d’autres traitements efficaces, à partir de données probantes directes a favorisé : 
  •       Le Pilates (DM -18,3, IC à 95 % -23,4 à -13,1, 2 ECR, 161 participants)
  •       La thérapie McKenzie (DM -17,6, IC à 95 % -33,6 à -1,5, 2 ECR, 170 participants)
  •       La restauration fonctionnelle (DM -29,0, IC à 95 % -41,0 à -17,0, 1 ECR, 75 participants)
  • Des différences modérées à nulles ont été observées pour les autres types d’exercices 
Méta-analyse en réseau 
  • La différence moyenne concernant l’intensité de la douleur lors du suivi à court terme favorisait chaque type d’exercice par rapport au traitement minimal, avec des résultats allant de -6.8 à -18.7 (diminution de l’intensité de la douleur avec le traitement par l’exercice)
  • Les résultats pour les types d’exercice suivants étaient compatibles avec un effet thérapeutique cliniquement important par rapport au traitement minimal (c’est-à-dire avec un IC à 95% suggérant une amélioration de plus de 15 points de la douleur) : 
  •       Le Pilates
  •       La thérapie McKenzie
  •       La restauration fonctionnelle
  •       Le renforcement du tronc/gainage
  •       Les autres types d'exercices spécifiques
  • L’estimation de la différence moyenne de la méta-analyse en réseau pour le Pilates (DM -18,7, IC à 95 % -24,4 à -13,1) était la plus susceptible d’être compatible avec une amélioration cliniquement importante par rapport au traitement minimal 
  • La différence moyenne d'intensité de la douleur lors du suivi à court terme par rapport à d'autres traitements efficaces de la méta-analyse en réseau était compatible avec une différence cliniquement importante pour le Pilates (DM -11,2, IC à 95 % -17,2 à -5,3) et un effet de traitement modéré pour la thérapie McKenzie (DM -7,3, IC à 95 % -14,1 à -0,5) et la restauration fonctionnelle (DM -7,2, IC à 95 % -13,9 à -0,4). Des effets de traitement faibles à nuls ont été observés pour d’autres types d’exercices. 
  • En comparant les différents types d’exercices les uns avec les autres, le Pilates, le renforcement des muscles du tronc, la thérapie McKenzie et les exercices de restauration fonctionnelle ont eu une plus grande amélioration de l’intensité de la douleur. Le Pilates était plus efficace que tous les autres types d’exercices

 Résultats concernant les limitations fonctionnelles 

149 ECR ont fourni des données pour la méta-analyse (355 groupes de traitement, 14 220 participants) 
Méta-analyses directes par paires 
  • La différence moyenne des limitations fonctionnelles lors du suivi à court terme à partir de preuves directes a favorisé chaque type d'exercice par rapport à un traitement minimal
  • La réduction la plus importante des limitations fonctionnelles à partir de preuves directes a été observée pour le Pilates (DM -13,1, IC à 95 % -18,6 à -7,7, 10 ECR, 780 participants)
  • La différence moyenne des limitations fonctionnelles lors du suivi à court terme par rapport à d'autres traitements efficaces à partir de preuves directes a favorisé
  •       La restauration fonctionnelle (DM -25,3, IC à 95 % -38,1 à -12,5, un essai, 75 participants)
  •       La thérapie McKenzie (DM - 16,1, IC à 95 % -19,5 à -12,8, un essai, 45 participants) 
  •       Le Pilates (DM -8,3, IC à 95 % -20,9 à 4,4, 2 essais, 161 participants)
Méta-analyse en réseau 
  • Les résultats de la méta-analyse en réseau comparant les différents types d'exercices et le traitement minimal ont révélé que la différence moyenne des limitations fonctionnelles lors du suivi à court terme favorisait chaque type d'exercice par rapport au traitement minimal, avec des effets de traitement moyens allant de -3,4 à -11,7 (diminution des limitations fonctionnelles avec le traitement par l'exercice)
  • Les effets de traitement de 4 des 11 types d'exercices étant les plus compatibles avec un effet cliniquement important (c'est-à-dire un IC à 95 % suggérant une amélioration de > 10 points des limitations fonctionnelles) : 
  •       Thérapie McKenzie (DM -11,7, IC à 95 % -16,7 à -6,7)
  •       Exercices de souplesse (DM -11,0, IC à 95 % -17,2 à -4,8)
  •       Pilates (DM -10,2, IC à 95 % -13,8 à -6,6) 
  •       Exercices de restauration fonctionnelle (DM -7,4, IC à 95 % -11,9 à -2,9) 
  • La différence moyenne des limitations fonctionnelles lors du suivi à court terme par rapport à d'autres traitements efficaces de la méta-analyse en réseau était compatible avec une différence cliniquement importante pour la thérapie McKenzie (DM -7,1, IC à 95 % -12,1 à -2,1) et la restauration fonctionnelle (DM -6,4, IC à 95 % -12,7 à -0,1) et effet de traitement modéré pour le Pilates (DM -5,5, IC à 95 % -9,4 à -1,7). Des effets de traitement faibles à nuls ont été observés pour d'autres types d'exercices par rapport à d'autres traitements efficaces. 
  • En comparant les différents types d'exercices les uns avec les autres, la thérapie McKenzie, le Pilates et les exercices de flexibilité ont eu une amélioration plus importante des limitations fonctionnelles. Aucune différence n'a été observée dans les résultats de limitation fonctionnelle entre ces trois types d'exercices lors du suivi à court terme.

Discussion

Cette étude est la plus grande méta-analyse en réseau dans le domaine de la lombalgie. Elle a montré des résultats sur la douleur et les limitations fonctionnelles cliniquement importants pour les types d’exercice Pilates, McKenzie et restauration fonctionnelle.

Tous les types d’exercices étaient plus efficaces que la plupart des autres traitements de comparaison pour réduire l’intensité de la douleur et améliorer les limitations fonctionnelles chez les personnes souffrant de lombalgie chronique. Les exercices de Pilates se sont avérés plus efficaces pour les résultats de la douleur que d’autres traitement de comparaison et d’autres types de traitement par l’exercice. Dans les modèles principaux, la thérapie McKenzie et le Pilates se sont avérés plus efficaces pour améliorer les limitations fonctionnelles. Une dose plus élevée de la plupart des traitements par l’exercice a semblé avoir également de meilleurs résultats sur la douleur et les limitations fonctionnelles et l’ajout de co-interventions a semblé améliorer l’efficacité de la plupart des types d’exercices.

 Comparaison avec d’autres études

Il existe de nombreuses revues systématiques sur des types spécifiques de traitement par l’exercice sur la lombalgie chronique. Ces dernières incluent de 5 à 29 ECR, une petite proportion des essais inclus ici. De façon similaire aux résultats de cette étude, ces revues ont rapporté des preuves de qualité faible à modérée, indiquant que le traitement par l’exercice produisait des améliorations par rapport à une intervention minimale.

Owen et al. (2019) ont mené une méta-analyse en réseau similaire sur le traitement par l’exercice de la lombalgie chronique afin de comparer l’efficacité de différents types d’exercices. Cette revue comprenait 89 ECR comparant des traitements avec et sans exercice ; ils ont utilisé des critères d’inclusion plus stricts et une recherche moins complète. Cependant, ils ont également rapporté que le Pilates était efficace pour améliorer la douleur.

 Implications pour la pratique clinique 

  • Cette méta-analyse fournit un soutient supplémentaire à l’efficacité du traitement par l’exercice et aux soins recommandés par les guidelines : il a été constaté que la plupart des types d’exercices sont plus efficaces qu’un traitement minimal 
  • Augmenter la dose : les patients doivent être encouragés à faire des exercices qu’ils aiment faire et qu’ils feront régulièrement
  • Il a été trouvé que le Pilates, les exercices McKenzie et la restauration fonctionnelle était plus efficaces que les autres types d’exercices pour réduire les douleurs et les limitations fonctionnelles. Les effets observés pour la thérapie McKenzie peuvent être liés à la dose plus importante et/ou les co-interventions dans les essais inclus. 

Conclusion

  • Ce que l’on savait déjà sur le sujet : les guidelines de pratique clinique recommandent l’exercice comme prise en charge de première intention de la lombalgie chronique. Cependant, il existe peu de preuves pour soutenir l’utilisation d’un type d’exercice ou d’une caractéristique de programme plutôt qu’un autre
  • Ce que cette étude ajoute :
      La plupart des exercices sont plus efficaces qu’un traitement minimal (aucun traitement, placebo, éducation et/ou électrothérapie) pour les résultats sur la douleur et les limitations fonctionnelles
      Le Pilates, le McKenzie et la restauration fonctionnelle étaient plus efficaces que d’autres types de traitement par l’exercice pour réduire l’intensité des douleurs et les limitations fonctionnelles

Référence article

Hayden JA, Ellis J, Ogilvie R, Stewart SA, Bagg MK, Stanojevic S, Yamato TP, Saragiotto BT. Some types of exercise are more effective than others in people with chronic low back pain: a network meta-analysis. J Physiother. 2021 Oct;67(4):252-262. doi: 10.1016/j.jphys.2021.09.004. Epub 2021 Sep 16. PMID: 34538747.