L'entorse latérale de la cheville et son association avec les capacités fonctionnelles chez les jeunes footballeurs

Kinesport
Le football implique des mouvements répétitifs de changements de direction, d'arrêts et de sauts. Il est associé à une incidence élevée d'entorses latérales de la cheville (LAS). Ces entorses peuvent donner suite à des douleurs résiduelles et à une altération de la fonction de la cheville, pouvant évoluer vers un développement d’arthrose précoce (Bischof et al., Takao et al.) Une étude précédente a rapporté que 18 à 47 % des jeunes ayant des antécédents de LAS développent une instabilité chronique de la cheville (CAI). De plus, d’après la littérature actuelle, les patients souffrant d’une instabilité mécanique et une avulsion de la malléole latérale (LM) ont un taux plus élevé de récidive de LAS. Une association avec les scores d'instabilité fonctionnelle pour la CAI a également été rapportée (Wisthoff et al.). 
Les fractures par avulsion de la LM sont nombreuses chez les enfants et adolescents (Yamaguchi et al.), et le taux de guérison est très faible (17-35% selon Kwak et al.) Ces rapports suggèrent qu'ils peuvent être associés à une instabilité mécanique due à ces fractures par avulsion ainsi qu’à une instabilité fonctionnelle due à une déficience des mécanorécepteurs, comme le montre le modèle de CAI. Par conséquent, Murata et al. (2021) ont étudié la prévalence des anomalies morphologiques de la LM chez les jeunes joueurs de football et à examiner leurs caractéristiques fonctionnelles dans leur article intitulé : L’entorse latérale de cheville et son association avec les capacités fonctionnelles chez les jeunes footballeurs.

Méthode

Au total 290 jeunes ont été inclus dans l’étude. Leur moyenne d’âge était de 11,9±2ans. Ils ont été répartis dans 2 groupes : 239 jeunes dans le groupe N (décrit ci-dessous) et 51 dans le groupe ALM (décrit ci-dessous).

Les paramètres d’intérêt de cette étude étaient :

  • La morphologie osseuse de l’insertion du ligament talo-fibulaire antérieur (ATFL) sur la malléole latérale
  • L’âge
  • La taille
  • Le poids
  • L’IMC
  • La distribution de la pression plantaire (pied à plat et sur la pointe des pieds)
  • L’alignement du pied (angle entre l’axe du segment jambier et le calcanéum)
  • L’amplitude de mouvement de la cheville (ROM) en charge avec un inclinomètre digital en position de fente avant.
  • L’équilibre unipodal
  • Test de saut vers l’avant (Single leg hop test)
  • Test de saut latéral (Lateral single leg hop test)

A partir de la morphologie osseuse de l’insertion du ATFL, 2 groupes ont été formés :

  • Malléole latérale anormale (ALM) : insertion du ATFL séparée de la LM à l’échographie lors de la mise en contrainte manuelle durant le test de tiroir antérieur
  • Malléole latérale normale (N) : continuité osseuse maintenue

Murata et al. ont pris en compte le niveau de maturité physique. Des études antérieures ont rapporté que la fonctionnalité physique, telle que la force musculaire et l'équilibre, différait en fonction du niveau de maturité physique (Philippaerts et al.). L'âge du pic de croissance (PHVA) est un indicateur de la maturité physique, et son utilisation pour examiner la fonction physique en fonction de la maturité physique chez les enfants et les adolescents peut aider à clarifier les différences entre les athlètes enfants et adultes.

Résultats

  • Les résultats de cette étude ont indiqué que 17,6 % des sujets étaient atteints d'ALM (n=51/290).
  • La dorsiflexion de la cheville était diminuée après le PHVA par rapport à avant le PHVA.
  • L'angle jambe-calcanéum en charge a montré un angle d'éversion moins important par rapport à la phase pré-PHVA (p<0,01).
  • La distance de saut d'une jambe a augmenté au milieu et après la PHVA par rapport à la phase pré PHVA.
  • Les sujets atteints d'ALM présentaient une charge répartie plus latéralement pendant la montée sur la pointe des pieds dans le groupe post-PHVA (p=0,002)
  • Une diminution de l'angle de dorsiflexion de la cheville en charge dans les groupes milieu- (p=0,002) et post-PHVA (p=0,027).

Les autres résultats significatifs sont détaillés dans le tableau suivant :

Discussion

La prévalence de l'ALM chez les jeunes joueurs de football (17,6%) rapportée dans cette étude, était inférieure à celle déterminée par des études précédentes (26-30% chez les patients adolescents atteints de LAS) selon Boutis et al., et Kwak et al. Les différences de sévérité parmi les sujets inclus dans chaque étude pourraient être la raison de cette divergence. La présente étude a inclus de jeunes joueurs de football considérés comme sains, alors que les études précédentes n'ont inclus que des patients nécessitant une attention médicale. La présence de fractures d'avulsion de l'ALM est un facteur de risque possible pour l'échec du traitement conservateur chez les patients adultes souffrant d'entorses aiguës de la cheville (Reiner et al.). Ainsi, l’utilisation de procédures non invasives telles que l'échographie est cruciale pour dimunuer le nombres d’entorses récurrentes de la cheville.

En ce qui concerne l'effet de la maturité physique, une diminution de la dorsiflexion et de l'éversion de la cheville et une augmentation de la distance de saut sur une jambe ont été observées dans le groupe post-PHVA par rapport au groupe pré-PHVA. Ces résultats sont similaires à ceux des études précédentes.

Les sujets inclus dans l'étude actuelle étaient de jeunes footballeurs âgés de 6 à 15 ans, alors que ceux des études précédentes étaient des individus ayant dépassé l'âge du lycée. Par conséquent, les caractéristiques physiques à différents stades de croissance doivent être prises en compte. Dans cette étude, les auteurs ont examiné les facteurs associés à l'ALM chez les joueurs avec et sans LAS, y compris les différences de caractéristiques physiques basées sur le PHVA. Comme seuls les joueurs de football ont été inclus dans cette étude, il est nécessaire d'examiner si des résultats similaires peuvent être obtenus chez les joueurs de basket-ball et de volley-ball, qui ont également une incidence élevée de LAS.

Cette étude présente plusieurs limites : tout d'abord, le nombre de sujets inclus est faible ; il est donc nécessaire d'examiner si des résultats similaires peuvent être obtenus chez différents sujets. Deuxièmement, cette étude a utilisé un plan transversal ; par conséquent, le moment exact de l'apparition de l'ALM et la durée de l'ALM étaient inconnus. Troisièmement, la laxité des ligaments et la solidité des os n'ont pas été mesurées ; il n'est pas clair si ces résultats indiquent une instabilité structurelle associée à l'ALM. Par conséquent, la laxité quantitative et la force osseuse devraient être mesurées dans les études futures.

Conclusion

La prévalence de l'ALM détectée parmi les joueurs de football enfants et adolescents était de 17,6%. Une diminution de la mobilité de la cheville et une augmentation de l'angle tibia-calcanéum et du test de saut sur une jambe ont été observées après la phase médiane du PHVA par rapport à la phase antérieure au PHVA. De plus, le groupe ALM présentait une charge répartie plus en latérale pendant la montée du talon parmi ceux de la phase post-PHVA et une diminution de l'angle de dorsiflexion de la cheville en charge dans la phase médiane et post-PHVA. Cette étude est innovante dans la mesure où elle est la première à étudier la prévalence de l'ALM chez les enfants et les adolescents jouant au football, y compris chez les individus en bonne santé. Il a été suggéré que les jeunes joueurs de football sont plus susceptibles de développer une LAS sévère car ils ont des structures ostéochondrales fragiles. Les résultats indiquent l'importance de diagnostiquer les LAS chez les jeunes patients, ainsi qu'un traitement précoce pour la prévention secondaire des LAS. L'utilisation de l'échographie s'est avérée efficace à cette fin. D'autres études prospectives portant sur l'incidence du LAS et ses facteurs de risque chez les jeunes joueurs sont nécessaires à l'avenir.

L'article

Anderson, L., Bonanno, D., Hart, H. and Barton, C., 2019. What are the Benefits and Risks Associated with Changing Foot Strike Pattern During Running? A Systematic Review and Meta-analysis of Injury, Running Economy, and Biomechanics. Sports Medicine, 50(5), pp.885-917.