Arthrofibrose après reconstruction du LCA : influence du choix du greffon

Apr 15 / Arnaud BRUCHARD - ⏱️ 4 MIN -
La reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA) est une intervention incontournable chez les sportifs, permettant de retrouver stabilité et fonctionnalité du genou. Pourtant, une complication redoutée peut freiner la progression et compromettre le retour à la performance : l’arthrofibrose. Cette réaction cicatricielle excessive limite l’amplitude articulaire, créant un véritable obstacle à la rééducation.

Dans une étude récente, Johnson et al. (2025) se sont intéressés à l’impact du choix du greffon sur le développement de l’arthrofibrose après reconstruction du LCA. Leur analyse comparait deux techniques courantes : l’utilisation du tendon quadricipital (QT) et du tendon rotulien (BTB). Leurs résultats apportent des éclairages essentiels sur la prise en charge post-opératoire et les précautions à adopter selon le type de greffon choisi.

Points clés 

#1 Incidence de l’arthrofibrose selon le greffon

Aucune différence significative entre le tendon rotulien (BTB) et le tendon quadricipital (QT) en termes de risque global d’arthrofibrose après reconstruction du LCA (5,2 % pour BTB vs 6,5 % pour QT, p = 0,275). Cependant, les Cyclops lesions sont plus fréquentes avec le BTB (65 % des cas) qu’avec le QT (40,5 %, p = 0,018), impactant davantage la récupération de l’extension complète.

#2 Facteurs de risque d’arthrofibrose

Les femmes présentent un risque 3,5 fois plus élevé que les hommes (9,25 % vs 2,79 %, p < 0,001). Les patients plus jeunes sont aussi plus exposés (22,5 ans en moyenne vs 25,7 ans, p = 0,001). De plus, une chirurgie trop précoce après la blessure augmente le risque d’arthrofibrose (59,2 jours vs 81,7 jours, p < 0,01).

#3 Conséquences sur la prise en charge post-opératoire

Les patients avec un greffon QT nécessitent une intervention chirurgicale plus précoce pour libération d’adhérences (267 jours vs 475 jours pour BTB, p = 0,009). En revanche, la manipulation sous anesthésie (MUA) est plus efficace pour restaurer l’amplitude articulaire chez les patients ayant un BTB.


Comprendre l’arthrofibrose et ses implications

L’arthrofibrose survient lorsque l’organisme réagit de manière excessive après la chirurgie, formant des adhérences intra-articulaires qui entravent le mouvement. Une des formes les plus problématiques de cette complication est la cyclops lesion, une masse fibreuse qui se développe à l’avant du genou et empêche l’extension complète. Si l’arthrofibrose est multifactorielle, certains éléments favorisent son apparition : une réaction inflammatoire exacerbée, une immobilisation prolongée ou un défaut d’extension précoce en rééducation. L’hypothèse soulevée par les auteurs de l’étude est que le type de greffon utilisé pourrait influencer la probabilité d’apparition de cette complication. Leur objectif était donc de comparer les taux d’arthrofibrose et la fréquence des cyclops lesions entre le BTB et le QT.


L’arthrofibrose est définie par les auteurs
comme une complication post-opératoire caractérisée par une accumulation excessive de tissu cicatriciel intra-articulaire, entraînant une limitation significative de l’amplitude de mouvement du genou, en particulier en extension, par rapport au genou controlatéral.

Cette rigidité articulaire peut être aggravée par la présence de Cyclops lesions, formations fibrotiques situées dans l’espace intercondylien qui entravent l’extension complète du genou et peuvent provoquer des douleurs lors des mouvements.

Comparaison des résultats selon le greffon utilisé

Les résultats de cette étude révèlent des différences intéressantes :

 Taux global d’arthrofibrose
Aucune différence majeure n’a été relevée entre les deux types de greffon :
  • BTB : 5,2 % des patients ont développé une arthrofibrose.
  • QT : 6,5 %, différence non significative (p = 0,275).

 Présence de Cyclops Lesions
Une distinction apparaît en revanche lorsqu’on s’intéresse aux cyclops lesions, plus fréquentes avec le BTB :
  • BTB : 65 % des cas d’arthrofibrose étaient associés à une cyclops lesion.
  • QT : 40,5 %, différence significative (p = 0,018).

 Facteurs de risque identifiés
L’analyse des patients touchés par l’arthrofibrose met en évidence certains profils à risque :
  • Le sexe féminin : 9,25 % des femmes contre 2,79 % des hommes ont développé une arthrofibrose, soit un risque 3,5 fois plus élevé (p < 0,001).
  • L’âge : Les patients les plus jeunes sont plus exposés, avec une moyenne d’âge de 22,5 ans pour les cas d’arthrofibrose, contre 25,7 ans pour ceux sans complication (p = 0,001).
  • Le timing opératoire : Les patients opérés moins de 60 jours après la blessure présentent un risque accru (p < 0,01).

 Retour précoce au bloc opératoire
Enfin, la nécessité d’une seconde intervention varie en fonction du greffon utilisé :
  • Les patients avec un QT nécessitent une libération d’adhérences plus précocement (267 jours post-op) que ceux avec un BTB (475 jours, p = 0,009).
  • Manipulation sous anesthésie (MUA) : elle s’avère plus efficace pour restaurer l’extension après BTB qu’après QT.

Ces données suggèrent que si le choix du greffon n’a pas d’influence directe sur le taux d’arthrofibrose, il conditionne la rapidité d’apparition des complications et la nécessité d’interventions secondaires.

Conséquences pour la prise en charge rééducative

Les résultats de cette étude offrent plusieurs pistes pour optimiser la rééducation post-opératoire et prévenir les complications :

 Un suivi renforcé pour les profils à risque
Les jeunes athlètes et les femmes doivent bénéficier d’un protocole rigoureux afin de limiter l’apparition d’une rigidité articulaire. De plus, chez les patients opérés rapidement après la blessure, un travail spécifique sur le contrôle de l’inflammation et la gestion de la douleur est essentiel.

 Une vigilance accrue sur la récupération de l’extension
L’extension complète du genou doit être une priorité absolue dès les premières semaines, en particulier pour les patients ayant un BTB, chez qui le risque de cyclops lesion est plus élevé.

 Une rééducation adaptée au type de greffon
Pour les patients avec un QT, une surveillance accrue de la perte d’amplitude articulaire est nécessaire. Pour ceux avec un BTB, l’accent doit être mis sur la prévention des douleurs antérieures du genou et la limitation des contraintes excessives sur le tendon rotulien.

 Un timing opératoire réfléchi
Lorsqu’un patient présente une inflammation persistante ou une mobilité réduite en pré-opératoire, retarder la chirurgie de quelques semaines pourrait diminuer le risque d’arthrofibrose et améliorer les résultats post-opératoires.

Conclusion

L’arthrofibrose après reconstruction du LCA représente un véritable défi pour les praticiens et les kinésithérapeutes du sport. Cette étude montre que le choix du greffon ne modifie pas radicalement l’incidence de cette complication, mais qu’il joue un rôle sur la nature et la temporalité des interventions secondaires nécessaires.

Ainsi, une prise en charge précoce et personnalisée reste le levier principal pour limiter la raideur articulaire et optimiser le retour au sport. Un suivi rigoureux des patients les plus à risque et un travail minutieux sur la récupération de l’extension doivent être intégrés dans tous les protocoles post-opératoires.

L'article

Johnson BE, Smith CL, Smith CD, Quilligan EJ, Deshpande VA, Gardner VO, et al. Comparison of Arthrofibrosis After ACL Reconstruction According to Graft Choice: Quadriceps Tendon Versus Bone-Patellar Tendon-Bone Autograft. Orthopaedic Journal of Sports Medicine. 2025;13(2):23259671241311916. DOI: 10.1177/23259671241311916.