Adaptations géométriques des ischio-jambiers suite à 10 semaines d'entraînement en résistance : comparaison des exercices Nordic et d'extension de la hanche

Sep 19 / Arnaud BRUCHARD
L'étude intitulée "Hamstring Muscle-Tendon Geometric Adaptations to Resistance Training Using the Hip Extension and Nordic Hamstring Exercises", publiée en septembre 2024 dans le Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, avait pour objectif d'examiner les changements dans la géométrie des muscles, des tendons libres et des aponévroses des ischio-jambiers suite à une intervention de 10 semaines. Cette intervention incluait l'utilisation de l'exercice Nordic et de l'exercice d'extension de la hanche pour évaluer les adaptations musculaires et tendineuses.

Les ischio-jambiers jouent un rôle clé dans la performance sportive, notamment dans les sports de course, et sont également sujets à des blessures fréquentes. La force et l'architecture de ces muscles sont des facteurs importants dans la prévention des blessures et l'amélioration de la performance.
Cependant, les adaptations géométriques des structures tendineuses et aponévrotiques des ischio-jambiers en réponse à l'entraînement en résistance restent peu connues. Or, la géométrie du tendon et de l'aponévrose a un impact significatif sur les contraintes et les déformations subies par le muscle adjacent.

Par exemple, une aponévrose proximale du biceps fémoral long (BFlh) étroite par rapport à la largeur du muscle peut augmenter les déformations musculaires localisées au niveau de la jonction muscle-tendon, zone la plus fréquemment blessée.

De plus, les différents exercices d'entraînement peuvent avoir des effets variables sur le recrutement et la charge des différents muscles ischio-jambiers, ce qui pourrait induire des adaptations géométriques spécifiques.

Les points clés:

  • Peu de preuves d'une hypertrophie significative des tendons et aponévroses des ischio-jambiers après 10 semaines d'entraînement.
  • Seule une légère augmentation du volume du tendon du semi-membraneux dans le groupe Nordic.
  • Suggère que la durée ou les paramètres d'entraînement n'étaient pas optimaux pour stimuler des adaptations tendineuses.
  • L'entraînement en extension de hanche a entraîné une augmentation du ratio volume musculaire/surface d'interface du biceps fémoral.
  • Indique que le muscle BFlh a augmenté de volume de manière disproportionnée par rapport à son aponévrose proximale.
  • Pourrait avoir des implications pour les contraintes tissulaires au niveau de la jonction muscle-tendon, site fréquent de blessure.
  • Augmentations spécifiques de la CSA dans les portions moyennes du semitendineux et du BFlh.
  • Suggère que les exercices ont stimulé des hypertrophies non uniformes le long de la longueur des muscles.
  • Pourrait avoir des implications fonctionnelles, comme minimiser les changements d'inertie du segment de la cuisse.
Cette étude visait à examiner l'impact de 10 semaines d'entraînement avec les exercices Nordic et d'extension de la hanche sur la géométrie des muscles, des tendons libres et des aponévroses des ischio-jambiers.""
Ainsi, cette étude visait à combler ces lacunes en examinant l'impact de 10 semaines d'entraînement avec l'exercice Nordic ou l'exercice d'extension de la hanche sur la géométrie des muscles, tendons libres et aponévroses des ischio-jambiers.

Il s'agissait d'une étude randomisée contrôlée à trois groupes, menée auprès de 30 hommes physiquement actifs. Les participants ont été répartis de manière aléatoire dans l'un des trois groupes suivants :

  • Groupe exercice Nordic (n=10)
  • Groupe exercice d'extension de la hanche (n=10)
  • Groupe contrôle (n=10)
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30
Sujets
10
SEMAINES
20
sÉANCES
Les participants des groupes d'entraînement ont effectué deux séances hebdomadaires supervisées pendant 10 semaines (20 séances au total) avec leur exercice assigné, tandis que le groupe contrôle a poursuivi ses activités habituelles.

 - L'exercice Nordic consistait en une flexion du genou excentrique avec les hanches en extension, les chevilles sécurisées au-dessus des malléoles latérales. L'exercice a débuté avec le poids du corps puis une charge a été ajoutée progressivement.

- L'exercice d'extension de la hanche impliquait une flexion du tronc et de la hanche jusqu'à 90°, avec une jambe sécurisée au niveau de la cheville. Les participants revenaient ensuite à la position de départ. Une charge externe a été progressivement ajoutée sur cet exercice.

Des IRM des deux cuisses ont été réalisées environ 1 semaine avant et après l'intervention pour tous les participants. Les images IRM ont ensuite été analysées manuellement pour segmenter et quantifier la géométrie des muscles, tendons libres et aponévroses des ischio-jambiers, notamment le volume, la surface de section transversale (CSA) et l'aire d'interface du biceps fémoral long (BFlh).

Cette méthodologie rigoureuse a permis d'évaluer en détail les adaptations géométriques du complexe muscle-tendon des ischio-jambiers en réponse aux deux exercices d'entraînement.
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Quels en sont les résultats ? 

1. Adaptations géométriques du BFlh

L'étude a révélé des différences significatives dans les adaptations géométriques du biceps fémoral long (BFlh) entre les groupes :

  • Le groupe réalisant l'exercice d'extension de la hanche a montré une augmentation significativement plus importante du ratio du volume musculaire du BFlh par rapport à la surface d'interface aponévrotique, comparé aux groupes Nordic et contrôle.


Plus spécifiquement :

  • La différence moyenne du changement de ce ratio était de 0,10 pour le groupe extension de la hanche, comparé au groupe Nordic (intervalle de confiance à 95% = 0,01 à 0,19, p=0,03).
  • La différence moyenne du changement de ce ratio était de 0,12 pour le groupe extension de la hanche, comparé au groupe contrôle (intervalle de confiance à 95% = 0,03 à 0,22, p=0,009).

Cela signifie que l'entraînement avec l'exercice d'extension de la hanche a permis d'augmenter de manière plus importante le volume musculaire du BFlh par rapport à la surface de son aponévrose proximale, comparé aux autres groupes. Les auteurs suggèrent que cette adaptation pourrait avoir des implications importantes en termes de contraintes tissulaires localisées au niveau de la jonction muscle-tendon du BFlh, qui est souvent le site le plus fréquent des blessures aux ischio-jambiers.

Ratio BFlh augmenté 

Tendon semimembraneux

CSA semitendineux

Hypertrophie BFlh

2. Augmentation du ratio volume musculaire/surface d'interface du BFlh avec l'exercice d'extension de la hanche : 


  • L'entraînement avec l'exercice d'extension de la hanche a entraîné une augmentation significative du ratio volume musculaire/surface d'interface du muscle biceps fémoral long (BFlh) par rapport aux groupes Nordic et contrôle.
  • Cela signifie que le muscle BFlh a augmenté de volume de manière disproportionnée par rapport à son aponévrose proximale. En d'autres termes, le muscle s'est développé plus que la structure tendineuse à laquelle il est attaché.
  • Cette adaptation pourrait avoir des implications pour les contraintes tissulaires localisées au niveau de la jonction muscle-tendon, qui est le site le plus fréquent des blessures aux ischio-jambiers. En effet, un muscle plus volumineux par rapport à son tendon pourrait augmenter les tensions dans cette zone vulnérable.

3. Adaptations régionales non uniformes de la CSA musculaire :

  • Des augmentations régionales spécifiques de la surface de section transversale (CSA) ont été observées, en particulier dans les portions moyennes du semitendineux et du BFlh.
  • Cela suggère que les exercices aient stimulé des hypertrophies non uniformes le long de la longueur des muscles, avec des gains plus importants dans certaines régions que d'autres.
  • Ces adaptations régionales pourraient avoir des implications fonctionnelles, comme minimiser les changements d'inertie du segment de la cuisse. Par exemple, une hypertrophie plus importante dans la partie centrale du muscle pourrait permettre de préserver la dynamique du mouvement.
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COMPRENDRE LES DISTRIBUTIONS

Tout d'abord, remarquons que les courbes ont une forme de cloche, typique d'une distribution normale ou gaussienne. Cela signifie que la majorité des participants ont connu des changements proches de la valeur moyenne, avec de moins en moins de participants à mesure qu'on s'éloigne de cette moyenne.

Par exemple, pour le BFlh dans le groupe Hip Extension, la courbe montre que la plupart des participants ont connu une augmentation modérée du ratio volume musculaire/aire d'interface, avec quelques-uns ayant des changements plus importants ou plus faibles.

  • L'allure de ces courbes nous renseigne sur la variabilité des adaptations au sein de chaque groupe 
  • Une courbe plus étroite et concentrée indique une faible variabilité, avec la majorité des participants ayant des réponses similaires (ex : groupe Control pour le BFlh).

Une courbe plus étalée et aplatie indique une plus grande variabilité, avec des réponses plus dispersées chez les participants (ex : groupe Hip Extension pour le BFlh).

Cela permet de visualiser comment les différents exercices ont induit des adaptations plus ou moins homogènes au sein de chaque groupe. C'est un élément important à prendre en compte pour comprendre la réponse du complexe muscle-tendon à ces interventions.

EXPLICATION DES GRAPHIQUES

Sur la Figure 3, pour chaque muscle (colonne) et chaque groupe d'entraînement (Control, Nordic, Hip Extension), on voit des courbes qui représentent la distribution des changements de volume des aponévroses (partie A) et des tendons libres (partie B) chez les participants.

Ces courbes en forme de cloche montrent la répartition des valeurs de changement pour l'ensemble des participants de chaque groupe. Elles permettent de visualiser la variabilité des adaptations individuelles au sein de chaque groupe.

Par exemple, pour le biceps fémoral long head (BFlh), on voit que la distribution des changements de volume de l'aponévrose est plus étalée dans le groupe Hip Extension que dans les groupes Control et Nordic. Cela indique une plus grande variabilité des adaptations individuelles dans ce groupe.

De même, pour le ratio volume musculaire/aire d'interface du BFlh (Figure 4, à droite), les courbes montrent que le groupe Hip Extension a connu des changements plus importants et plus variables d'un participant à l'autre, comparé aux autres groupes.

Donc en résumé, ces courbes de distribution permettent de visualiser la variabilité des adaptations géométriques observées au niveau individuel au sein de chaque groupe expérimental. C'est un moyen de mieux comprendre la diversité des réponses des participants à ces différents exercices d'entraînement

ASPECTS TECHNIQUES

Les barres d'erreur :

  • Sur certains graphiques, on peut voir des barres d'erreur autour des points.
  • Ces barres représentent généralement l'écart-type ou l'intervalle de confiance, qui donnent une indication de la variabilité des mesures.
  • Elles permettent d'évaluer la précision et la fiabilité des résultats obtenus.

Les tests statistiques :

  • Les astérisques (*) et les valeurs p indiquent la significativité statistique des différences observées entre les groupes.
  • Cela permet de déterminer si les écarts constatés sont suffisamment importants pour être considérés comme réels, et non dus au hasard.
  • Les seuils de significativité classiques sont p < 0,05, p < 0,01, etc.

Les unités de mesure :

  • Les graphiques utilisent des unités comme cm², cm³ pour quantifier les changements de surface, de volume, etc.
  • C'est important de bien comprendre ces unités pour interpréter correctement l'ampleur des adaptations observées.

Les analyses statistiques avancées :

  • L'utilisation de méthodes comme la statistique paramétrique spatiale (SPM) permet d'analyser finement les changements régionaux le long des muscles.
  • Cela révèle des adaptations non uniformes, avec des hypertrophies plus marquées dans certaines zones.

Les comparaisons entre groupes :

  • Les graphiques permettent de comparer directement les changements entre les différents groupes expérimentaux (Control, Nordic, Hip Extension)
  • Cela met en évidence les effets spécifiques de chaque type d'entraînement.
 
Ces résultats suggèrent que la période d'intervention de 10 semaines était peut-être insuffisante, soulignant la nécessité de programmes d'entraînement plus longs ou plus intenses pour stimuler des adaptations au niveau des tendons et des aponévroses."

En résumé

Bien que les exercices d'extension de la hanche et Nordic aient induit une hypertrophie significative des muscles ischio-jambiers, les adaptations des structures tendineuses et aponévrotiques semblent avoir été plus limitées sur cette période d'entraînement de 10 semaines.
En effet, l'étude n'a pas mis en évidence d'augmentation substantielle du volume des tendons libres ou des aponévroses des différents muscles ischio-jambiers, malgré les gains musculaires observés. Cela suggère que la durée ou les paramètres de l'entraînement n'étaient peut-être pas optimaux pour stimuler des adaptations géométriques au niveau des structures tendineuses.
Cependant, un résultat intéressant a été observé pour le muscle biceps fémoral long (BFlh) : l'exercice d'extension de la hanche a entraîné une augmentation disproportionnée du volume musculaire par rapport à la surface de son aponévrose proximale.
Cette adaptation spécifique pourrait avoir des implications importantes pour les contraintes tissulaires localisées au niveau de la jonction muscle-tendon du BFlh, qui est le site le plus fréquent des blessures aux ischio-jambiers. En effet, un muscle plus volumineux par rapport à son tendon d'attache pourrait augmenter les tensions dans cette zone vulnérable.

Enfin, les auteurs soulignent la nécessité d'études à plus long terme pour mieux comprendre les adaptations complètes du complexe muscle-tendon des ischio-jambiers en réponse à différents exercices d'entraînement. Des investigations sur des périodes plus longues permettraient sans doute de mieux cerner les adaptations tendineuses et aponévrotiques.

Bien que cette étude ait fourni des informations importantes sur les adaptations géométriques du complexe muscle-tendon des ischio-jambiers chez des individus sains, ses résultats ne permettent pas de tirer de conclusions directes sur les adaptations observées chez des populations présentant des lésions musculaires préexistantes de ces mêmes muscles.
En d'autres termes, les adaptations observées chez des participants sains suite à l'entraînement ne peuvent pas être directement extrapolées aux sportifs ou patients ayant déjà subi des blessures aux ischio-jambiers. Des études complémentaires seraient nécessaires pour examiner spécifiquement les réponses de ce groupe de population. C'est un point important à garder à l'esprit lorsqu'on interprète les résultats de cette étude, qui portait uniquement sur des participants sains. Les auteurs eux-mêmes soulignent la nécessité de recherches futures pour mieux comprendre les adaptations du complexe muscle-tendon chez les populations blessées.

L'article

Lazarczuk, S. L., Collings, T. J., Hams, A. H., Timmins, R. G., Shield, A. J., Barrett, R. S., & Bourne, M. N. (2024). Hamstring Muscle-Tendon Geometric Adaptations to Resistance Training Using the Hip Extension and Nordic Hamstring Exercises. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 34, e14728. https://doi.org/10.1111/sms.14728