Le type de sport pratiqué influence-t-il la morphologie de la hanche ?

Kinesport
Le conflit fémoro-acétabulaire (FAI) est une cause commune de douleurs intra articulaires de la hanche et peut être à l’origine du développement d’une arthrose idiopathique de la hanche. Il existe 3 types de FAI : la pince, la came et un type mixte avec des caractéristiques came et pince.
Le FAI par effet came a une prévalence en augmentation dans la population athlétique ou les impacts répétitifs et le stress qui s’appliquent sur la physe peuvent résulter en un développement anormal de la morphologie de l’articulation. Depuis le jeune âge, la fréquence et l’intensité de l’entrainement dans cette population est bien supérieure que chez les sportifs récréatifs ou que dans la population générale. Ces hauts niveaux d’activités peuvent mener à une déformation de la physe proximale du fémur, ce qui est le cas également pour différents patterns de mouvement qui conduisent à des variations sports-spécifiques dans la morphologie came.

Avis du pôle scientifique de Kinesport :

Pastille orange
Cette méta-analyse est un article à risque de biais modéré où l’essentiel des critères méthodologiques a été respecté. En revanche, la grille de lecture utilisée pour évaluer la validité interne des articles sélectionnés est une grille de lecture adaptée aux revues systématiques et pas aux autres schémas d’études. Or, dans les articles sélectionnés par les auteurs, les schémas d’étude les plus représentés sont l’étude transversale ou cohorte. Les critères méthodologiques à vérifier lors de l’évaluation de la validité interne d’un article sont différents en fonction du schéma d’étude. Par conséquent, l’analyse de la qualité des articles effectuée dans cette revue n’est pas adaptée. Cela peut avoir pour conséquence une mauvaise interprétation des résultats étant donné que les articles évalués avec moins de 50% des critères qualité respectés ont été éliminés.

L’objectif de cette revue systématique de la littérature est d’évaluer :
  • La prévalence du FAI type came à travers des sports variés
  • L’influence de la variation cinématique du sport sur la morphologie de la hanche
  • L’influence du niveau de performance, de la durée, de la fréquence de la pratique ainsi que d’autres facteurs sur la morphologie de la hanche dans une population sportive

Méthode

 Stratégie de recherche

Les critères d’inclusion pour cette revue systématique et méta analyses étaient 

  • Articles en anglais uniquement
  • FAI type came mesurée par l’angle alpha chez des patients d’âge ≤ 30 ans
  • Études investiguant l’association entre l’effet came et les activités sportives
Les critères d’exclusion étaient 

  • Articles non originaux, notes techniques, éditoriaux, commentaires, synthèse de conférence
  • Articles publiés avant 1999
Les articles ont alors subi une évaluation de leur validité par 3 des auteurs qui ont utilisé une grille de lecture critique. Les articles ayant obtenu un score inférieur à 50% étaient exclus.

 Analyse des données

Les méta analyses ont été effectuées afin de comparer les mesures de l’angle alpha entre la population d’athlètes et la population contrôle. Également la différence dans la prévalence du FAI à travers différents sports, les durées d’entrainement et leurs fréquences ont été analysées.

Résultats

La recherche initiale de la littérature a identifié 1453 études et 7 ont été trouvées par d’autres sources. Finalement, 58 études ont été inclues dans les analyses quantitatives et qualitatives, ce qui représente 5683 participants au total.

 Prévalence du FAI type came

Au total, 49 textes ont décrit une prévalence supérieure du FAI type came dans la population athlétique que dans la population générale asymptomatique. 12 études ont inclus une population contrôle non athlétique et ont comparé la prévalence de la morphologie du FAI entre la population contrôle et la population d’athlètes, parmi lesquelles 8 ont montré une différence statistique significative.

L’analyse groupée des résultats a révélé une prévalence/individu du FAI supérieure chez les athlètes en comparaison avec les non athlètes, qui sont 1,83 fois plus sujets à être diagnostiqués, et une tendance similaire est retrouvée pour la prévalence/hanche, mais qui n’atteint pas le niveau significatif requis.
Quand des athlètes de différents sports ont été comparés, les sports d’impaction tendent à montrer une prévalence supérieure du FAI type came, les sports de contacts et de changements de direction étant également souvent impliqués dans l’augmentation de la prévalence.

Les joueurs de hockey sur glace avaient la prévalence la plus haute concernant le FAI type came
.
Sur 10 études, 9 ont montré un angle alpha supérieur chez les athlètes par rapport aux non athlètes, avec 5 montrant une différence statistique significative. L’analyse combinée a montré que les athlètes avaient un angle alpha significativement plus important que les populations contrôles.

De façon spécifique, le hockey sur glace, un sport d’impaction, est l’un des sports les plus signalés et étudiés dans la littérature. Les joueurs de hockey sur glace au niveau élite ont 3 fois plus de possibilité de développer une morphologie came par rapport à la population générale. De plus, des angles alpha significativement supérieurs sont enregistrés chez ces joueurs de hockey sur glace. Ces derniers ont 4 fois plus de chances de développer un angle alpha > 55° par rapport à une population de skieurs et 79% de ces hockeyeurs ont montré un conflit type came quand ce pourcentage était à 40% pour les skieurs.

 Morphologie type came et cinématique de la hanche

Le secteur de la déformation type came est par analysé par l’intermédiaire d’une horloge située à la jonction tête/col fémoral sur des images par résonance magnétique, ou 12h correspond à la partie supérieure et 3h la partie antérieure. 9 études ont rapporté un angle alpha maximal chez les athlètes dans le quadrant antéro-supérieur, dont 6 mentionnant la position à 1h sur l’horloge.

La localisation de l’angle alpha maximum est différent ente les joueurs de champ et les gardiens de but dans le hockey sur glace, avec respectivement une localisation à 1h45 et 1h sur l’horloge. Il a été retrouvé un angle alpha maximal (sur une vue antéropostérieure) supérieur chez les gardiens que chez les joueurs de champ.

Deux études ont identifié une asymétrie de morphologie parmi les hanches exposées à différentes demandes cinématiques, avec un angle alpha inférieur, une prévalence de morphologie came plus faible mais une douleur plus importante chez les golfeurs par rapport aux hanches de trailers.

 Autres facteurs influençant la morphologie came

5 études ont rapporté des associations significatives entre la prévalence de la morphologie came, le niveau auquel l’athlète concourt (1) et la fréquence/durée de l’entrainement.
Les athlètes qui se sont entrainés à une plus haute fréquence étaient 2,59 fois plus sujets à développer un FAI.
Un âge plus important était associé à une augmentation de la prévalence d’un type came et une augmentation de l’angle alpha.

L’appartenance ethnique a été évaluée dans 2 études. Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les hanches de joueurs de baseball asiatiques et non asiatiques dans la Japanese Baseball League. Dans le football, en revanche, les athlètes d’Asie de l’est avaient une prévalence inférieure de morphologie came (19%) en comparaison avec leurs coéquipiers blancs, noirs ou orientaux, qui ont montré une prévalence similaire comprise entre 60% et 72%. De la même façon, de larges lésions came pathologiques (>78°) étaient absentes chez les joueurs est-asiatiques alors que fréquemment retrouvées chez les joueurs blancs. Cela pourrait pointer le rôle de facteurs génétiques dans le développement de la déformation.

 L'effet pince et sa relation avec le FAI type came

La morphologie pince est moins fréquemment étudiée en relation avec l’activité sportive que la morphologie came dans la littérature. Cependant, il a été noté une prévalence relativement plus importante chez les athlètes participants aux activités de football gaélique, hurling, baseball, football américain et danse de ballet.

Discussion

L’augmentation de l’activité athlétique est associée à une augmentation de la prévalence de la morphologie came ainsi qu’un angle alpha supérieur. Les angles alpha les plus importants sont retrouvés dans le quadrant antéro-supérieur, spécifiquement à 1h sur l’horloge.

Les sports peuvent être catégorisés suivant leurs similarités biomécaniques, qui montrent des différences dans la prévalence du FAI et/ou dans les angles alpha. Les sports impliquant des impactions, des changements de direction ainsi que des contacts entrainent une prédisposition chez l’athlète à la morphologie came. Les différences observées entre les postes occupés dans le hockey sur glace suggèrent que les conditions cinématiques peuvent résulter en de différentes anormalités morphologiques.

Il manque cependant des données concernant les athlètes féminines avec peu d’études s’intéressant à cette population. Également, la littérature actuelle a tendance à se focaliser sur une petite variété de sports, comme le hockey sur glace ou le football.

 Morphologie de la hanche dans différentes populations sportives

Les sports d’impaction (flexion profonde/rotations) et les sports de contacts ont montré une prévalence supérieure de morphologie came en comparaison avec les sports de souplesse, changements de direction et d’endurance. Ainsi, les angles alpha retrouvés chez les athlètes pratiquants ces sports sont supérieurs, ce qui montre que différentes charges sportives conduisent à une variation dans la pathologie de la hanche.

Les contraintes qui s’appliquent sur la hanche d’un joueur de hockey sur glace, dues aux mouvements de patinage, créent un stress sur la physe fémorale pouvant expliquer à terme la prévalence élevée dans cette population, au contraire par exemple des skieurs qui profitent d’un mouvement de glisse, sans impacts de réception, pour réduire le stress appliqué.

Les danseurs montrent une prévalence bien plus élevée de morphologie pince, avec lésions labrales et cartilagineuses associées, que de hanches type came et des angles alpha inférieurs par rapport à des non danseurs. Également, il a été montré que les angles de couverture du cotyle antérieurs et latéraux sont significativement plus importants que chez les non-danseurs, ce qui montre bien les différences radiologiques et les FAI diffèrent suivant les sports.

Enfin, une prévalence importante de morphologies mixtes dans certains sports comme le football, le baseball ou le football américain montrent que la cinématique et la cinétique ne prédispose pas tout le temps soit à l’un soit à l’autres des conflits mais parfois aux deux en même temps.

 Différences entre les postes

Les gardiens de hockey sur glace sont les athlètes les plus à risque de développer un FAI type came en raison des contraintes biomécaniques en flexion et rotation interne qui s’appliquent. L’angle alpha de ces joueurs est supérieur à celui des joueurs de champ et localisé légèrement plus à l’extérieur (1h45 contre 1h). Le pincement antéro-supérieur pourrait être en relation avec la rotation interne en fin de course qui est habituelle pour ce poste.

L’exposition cinématique différente suivante les postes occupés peut affecter non seulement le développement de la déformation et les symptômes associés mais également les résultats du traitement. Ainsi, les joueurs offensifs en football ont un taux de RTP plus faible, comparé à d’autres postes, après arthroscopie de la hanche, à cause des mouvements additionnels et les changements rapides de direction qui peuvent résulter en une morphologie plus sévère.
Les danseurs de ballet décrivent plus fréquemment des déformations type pince. En effet, les mouvements réalisés impliquent tous des composantes extrêmes d’abduction, de flexion et de rotation, ce qui confirme que le stress marqué qui s’applique sur l’articulation de la hanche résulte à terme en FAI. Alors que le type came cible le quadrant antéro-supérieur à 1h, le type pince, lui, cible la partie supérieure, postéro-supérieure et antéro-supérieure de la jonction col/tête fémorale.

Également, il est intéressant de noter que les danseuses, qui sont amenées à réaliser davantage de « pointes » et leurs homologues masculins, qui eux sont amenés à effectuer des sauts plus importants, utilisent leurs hanches dans des conditions cinématiques différentes. En résulte une différence marquée suivant le sexe de l’athlète dans la prévalence de type came, qui est plus fréquente chez les danseurs masculins.

 Autres facteurs

Il a été montré une relation dose-réponse significative entre la fréquence d’entrainement parmi des joueurs de football adolescents et le développement d’un type came, supportant la notion qu’une activité à forts impacts effectuée pendant l’immaturité squelettique peut mener à une déformation type came. La prévalence était significativement plus faible chez des adolescents jouant pour un club amateur depuis l’âge de 12 ans que chez des adolescents jouant pour un club professionnel avant cet âge-là. Cependant, il n’y avait pas de différence significative entre l’âge auquel les athlètes ont commencé à jouer au football et la prévalence du FAI came, à niveau de jeu égal. Cela suggère que la fréquence et l’intensité de l’entrainement pourrait avoir un effet plus important sur le développement du FAI que l’âge de début de pratique.

D’autres travaux montrent chez les adolescents hockeyeurs que plus l’âge augmente, plus la probabilité de développer un angle alpha > 55° augmente. En effet, les durées cumulées d’entrainement et le niveau de jeu augmentant, cela implique que l’âge, la fréquence, la durée et le niveau d’entrainement sont tous corrélés avec l’angle alpha et la morphologie came.

Conclusion

L’activité athlétique affecte l’articulation de la hanche et prédispose au FAI type came. La déformation est la plupart du temps associée aux sports qui impliquent des mouvements d’impacts répétitifs mais également de rotation interne, en particulier les sports dits d’impaction, suivi par les sports de contacts et de changements de direction. Les athlètes, dans ces sports-là, ont des angles alpha plus importants que des individus moins athlétiques contrôles, avec la plus haute prévalence rencontrée pour la morphologie came pour les joueurs de hockey sur glace. La morphologie came apparait le plus fréquemment dans le secteur 1h sur une horloge placée de face par rapport à la jonction tête/col fémoral, les demandes du sport influençant directement l’endroit où se produit la déformation. Il existe une corrélation positive entre l’angle alpha, l’âge et le niveau d’activité ainsi qu’entre la prévalence du FAI, l’âge et le niveau d’activité.

Grâce à une meilleure connaissance de ces facteurs de risque par les cliniciens, kinésithérapeutes, athlètes, entraineurs et un screening clinique et radiologique meilleur, il apparait maintenant possible de mieux diagnostiquer, manager et de faire retourner au sport bien plus rapidement les athlètes concernés.

L'article

Doran C, Pettit M, Singh Y, Sunil Kumar KH, Khanduja V. Does the Type of Sport Influence Morphology of the Hip? A Systematic Review. Am J Sports Med. 2021 Aug 24:3635465211023500. doi: 10.1177/03635465211023500. Epub ahead of print. PMID : 34428084.