Un regard critique sur le lien entre hormones sexuelles et blessures du LCA : une complexité encore sous-estimée

Mar 15 / Arnaud BRUCHARD - ⏱️ 3 MIN -
Un éditorial qui mérite réflexion !

L’étude des facteurs de risque de rupture du ligament croisé antérieur (LCA) chez les femmes a souvent mis en avant le rôle des hormones sexuelles. Cependant, l’éditorial de Shultz & Wideman (2025), récemment publié dans Sports Health, apporte un regard critique et nécessaire sur la manière dont ces recherches sont menées. Nous avons trouvé ce point de vue suffisamment pertinent pour le partager et en débattre ici.

Un lien entre hormones et blessure du LCA encore mal compris

Depuis plusieurs années, les recherches indiquent que les variations hormonales au cours du cycle menstruel pourraient influencer la laxité ligamentaire et, par conséquent, le risque de blessure du LCA. L'idée principale repose sur le fait que les récepteurs hormonaux présents dans les ligaments pourraient modifier leur structure et leur capacité à résister aux contraintes mécaniques.

Toutefois, Shultz et Wideman soulignent que les méthodologies utilisées dans la majorité des études sur ce sujet restent trop imprécises et limitées. Une des principales critiques repose sur l'évaluation du cycle menstruel et du profil hormonal des participantes. Trop souvent, ces études reposent uniquement sur des calculs approximatifs basés sur le calendrier menstruel, sans véritable mesure biologique des niveaux hormonaux. Or, ces variations intra-individuelles peuvent être significatives et ne pas correspondre aux phases théoriques du cycle.

Pourquoi s’intéresser davantage aux adolescentes ?

L'un des points clés mis en avant dans cet éditorial est que la majorité des études se focalisent sur des femmes adultes alors que le risque de rupture du LCA augmente de manière drastique à l'adolescence. Entre 14 et 18 ans, on observe une hausse significative des blessures du LCA chez les jeunes filles, souvent bien supérieure à celle observée chez les garçons du même âge.

Les auteurs rappellent que cette période est marquée par d’importants changements hormonaux, une modification de la composition corporelle, et des ajustements biomécaniques qui pourraient influencer la vulnérabilité du LCA. Cependant, les études actuelles ne prennent que rarement en compte ces éléments, et les adolescentes restent sous-représentées dans la littérature scientifique sur le sujet.

Les contraceptifs oraux : un facteur oublié ?

Un autre point soulevé par Shultz & Wideman est la manière dont les études intègrent (ou plutôt ignorent) l'effet des contraceptifs hormonaux. On sait que jusqu'à 60 % des athlètes féminines universitaires utilisent une contraception hormonale, mais peu d'études s'intéressent réellement à son impact sur la laxité ligamentaire et le risque de blessure.

Les contraceptifs oraux modifient le profil hormonal des athlètes, mais la diversité des formulations (monophasique, triphasique, progestatif seul, etc.) rend difficile une conclusion généralisable. L’éditorial appelle donc à une meilleure prise en compte de ces variables pour éviter des résultats biaisés.

Repenser les méthodologies d’étude

Pour les auteurs, il est impératif d'améliorer les protocoles de recherche si l'on veut réellement comprendre l'impact des hormones sur le LCA. Ils recommandent plusieurs axes d'amélioration :
  • Mesurer directement les niveaux hormonaux plutôt que de se baser sur des méthodes indirectes comme le suivi calendaire.
  • Inclure davantage de jeunes athlètes féminines pour mieux comprendre comment la puberté influence la biomécanique du genou.

  • Prendre en compte les contraceptifs hormonaux et leurs effets potentiels sur le risque de blessure.
  • Utiliser des approches statistiques individualisées permettant de mieux analyser les variations hormonales propres à chaque athlète.

CONCLUSION

Cet éditorial met en lumière les lacunes méthodologiques des études sur le lien entre hormones et blessures du LCA. Alors que la prévention des blessures en sport féminin est devenue une priorité, il est urgent d’affiner les modèles d’analyse pour éviter des généralisations hâtives qui pourraient fausser les stratégies de prévention et de prise en charge.

Plutôt que de chercher une corrélation simpliste entre cycle menstruel et risque de blessure, il est temps d’adopter une approche plus complète, intégrant les fluctuations hormonales individuelles, les spécificités de l’adolescence, et l’impact des contraceptifs. Cet éditorial nous rappelle que la recherche en médecine du sport doit évoluer pour mieux répondre aux réalités complexes du corps féminin.

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