Fatigue et période de récupération après les matchs de football féminin : Une revue systématique et méta analyse

Kinesport
Les joueurs de football doivent composer avec des charges de match importantes, à la fois sur le plan physique, physiologique et psychologique, ce qui peut conduire à de la fatigue aigüe et résiduelle. Ces réponses au match affectent les entrainements qui s’en suivent ainsi que la préparation des matchs et sont hautement investigués chez les populations masculines, la littérature faisant encore défaut chez les joueuses de football.

Le processus de récupération, qui suit les demandes physiques, émotionnelles et cognitives de l’activité conditionne le retour des joueurs à l’entrainement ou en match, particulièrement dans des contextes de programmes d’entrainements/matchs serrés.
Étant donné les différents effets des charges de match, la récupération se doit d’être de nature multi-factorielle, avec des états perceptuels, physiologiques et de performance montrant des temps de récupération hétérogènes.
Les études qui s’intéressent à la fatigue liée aux matchs, bien qu’analysant souvent des populations mixtes, sont très fortement influencées par les populations masculines qui sont bien souvent majoritaires.
Il est important de considérer ces différences liées au sexe concernant la fatigue induite par le match, ne serait-ce qu’en raison des différences de charges de match concernant la locomotion et les patterns d’activité, les dommages musculaires et les réponses inflammatoires.
Avis du pôle scientifique de Kinesport
Pastille orange
Cette méta-analyse est un article à risque de biais modéré. La grille de qualité utilisée pour évaluer la validité interne des études sélectionnées est une version modifiée qui n’a pas été validée au préalable. De plus, la qualité méthodologique des articles inclus n’est pas prise en compte dans les méta-analyses et s’avère est limitée d’après les auteurs. Des biais ont donc pu être introduits pendant la mise en place du protocole de chacune des études. Par conséquent, les résultats de la méta-analyses peuvent eux aussi être biaisés et ne pas refléter la réalité.
Des différences existent sur les capacités physiques de puissance et d’endurance entre les joueurs et joueuses, les femmes présentant des résultats moins importants sur les sprints, les sauts et l’endurance intermittente. De plus, la fatigue est réduite chez les joueurs masculins avec des qualités physiques particulièrement importantes (par exemple sur les facultés de course à haute intensité et la force des membres inférieurs).
Les investigations chez les joueuses sont également importantes à considérer en raison de l’effet des menstruations sur les paramètres de performance chez les athlètes de haut niveau ; la littérature récente suggérant de possibles effets du cycle menstruel sur la récupération et le bien-être.
Il n’est pas clair à ce jour de déterminer s’il est intéressant d’utiliser des informations sur la récupération post-match des joueurs masculins pour fournir une meilleure compréhension des réponses après des matchs féminins.
L’étude actuelle a donc pour but d’analyser la fatigue aigue et résiduelle après des matchs de football féminin et les temps de récupération concernant les réponses perceptuelles, physiologiques et liées à la performance.

Méthodes

Les études proviennent de 3 bases de données : PubMed, Web Of Science et SPORTDiscus. Les critères d’inclusion étaient les suivants : 
  • Les participants devaient être des joueuses de football, quel que soit leur niveau de jeu
  • L’intervention devait être un match de football officiel ou un match amical soumis à des règles officielles.
  • Les paramètres de performance évalués consistaient en des tests de saut verticaux, de la vitesse, de l’agilité, de la force, des changements de direction, de l’endurance et des tests d’endurance intermittente.
  • Les paramètres physiologiques évalués étaient la créatine kinase (CK), le lactate déshydrogénase (LDH), la protéine C-réactive (CRP), les cytokines (IL-6 et TNF-), les neutrophiles, les leucocytes, les lymphocytes, le cortisol, la testostérone, le ratio testostérone/cortisol et l’œstradiol.
  • Les paramètres perceptuels incluaient les DOMS, la sensation de fatigue et la vigueur.
  • Tous les paramètres devaient avoir été mesurés avant et après le match. 
Concernant les critères d’exclusion, ils étaient les suivants :
  • Résultats mélangés avec d’autres sports ou mélangés aux résultats de joueurs masculins
  • Résultats issus de jeux sur petit terrain ou de simulations de matchs
  • Joueuses de moins de 15 ans ou les matchs durent moins de 90 min
Tous les articles devaient être en anglais, l’étude ayant été conduite en octobre 2020, sans restriction par rapport aux dates. 
Les paramètres de performance étaient analysés en 3 sous-groupes : 
  • Countermovement jump (CMJ)
  • Tests de sprint (10, 20 et 30m)
  • Tests d’endurance intermittente en YoYo (Level 1 et Level 2)
De plus, les données de puissance et les aptitudes liées à la force (peak torque de flexion/extension, contraction isométrique maximale volontaire (MVIC) pendant la flexion/extension du genou, le ratio de développement de force maximale (RDF), le pic de puissance, le pic de force en squat jump et le heel-rise test) et les tests d’agilité étaient inclus pour les paramètres de performance même s’ils n’ont pas pu être utilisés pour la méta-analyse à cause de petits échantillons. 
Les paramètres physiologiques, mesurées via le sang et la salive, étaient divisées en 3 catégories :
  • Marqueurs de dommages musculaires
  • Marqueurs inflammatoires
  • Médiateurs de la régulation endocrinienne
Les paramètres perceptuels consistaient en une notation des DOMS, de la fatigue et de la vigueur sur une échelle de Likert.
Les mesures post-match étaient ajustées en 5 catégories suivant leurs intervalles de temps respectifs : immédiatement post-match, 12h (1-12h), 24h (13-24h), 48h (25-48h) et 72h (49-72h) post-match.

Résultats

Après application des critères d’éligibilité, 27 études étaient incluses pour l’analyse qualitative, ce qui correspondait à une taille d’échantillon de 501 joueuses de football.
Au total, 26 études (465 joueuses) étaient incluses dans la méta-analyse. Il était considéré qu’un paramètre était récupéré lorsqu’une différence significative avec la valeur pré-match n’était plus observée, indiquant l’absence de fatigue aigüe ou résiduelle.

 Paramètres de performance physique

 CMJ
Après mise en commun des données venant de 5 études, un effet négligeable et non significatif était observé pour la hauteur du CMJ immédiatement post-match. Cependant, les données de 3 études et les données de 4 études ont montré que la hauteur du CMJ était significativement réduite avec un petit effet à 12h et à 24h post-match, respectivement. De plus, les données de 3 études ont montré un petit effet, non significatif à 48h post-match, suggérant une récupération complète à ce repère de temps pour la performance au CMJ. Finalement, les données de 2 études ont montré un effet négligeable et non significatif à 72h.
 Performance au sprint
Le temps réalisé sur des efforts de 10, 20 et 30m était analysé collectivement. Après mise en commun des données de 2 études, la performance au sprint était significativement réduite immédiatement en post-match avec un effet modéré. Les données venant seulement d’1 étude ont montré que la performance sur le sprint était significativement réduite avec un large effet à 24h et un effet modéré à 48h post-match, ce qu’il faut relativiser vu le faible échantillon. Finalement, les données de 2 études ont montré un effet négligeable et non significatif à 72h, suggérant que la performance sur le sprint est récupérée à ce repère de temps. 
 Performance au YoYo test
Le YoYo1 (1 étude) et le YoYo2 (2 études) étaient analysées ensemble. Après mise en commun des données, il a été montré que les matchs de football féminins induisaient un effet large et significatif sur la réduction de la capacité d’endurance intermittente immédiatement en post-match. 

 Paramètres physiologiques

 Marqueurs des dommages musculaires
Les concentrations de CK et de LDH dans le sang présentaient un temps de récupération similaire chez les joueuses de football. Globalement, et les CK et le LDH étaient significativement augmentés avec de larges effets immédiatement post-match, à 24h, à 48h et encore à 72h post-match. De façon importante, pour la CK, ces résultats étaient obtenus après mise en commun de données issues de 5 études en post-match immédiat, 5 études à 24h, 3 études à 48h et 2 études à 72h post-match.
Pour le LDH, il était question de 3 études en post-match immédiat et 3 études à 24h. Une seule étude investiguait les réponses de LDH à 48 et 72h post-match.
 Paramètres immunologiques et inflammatoires
Après mise en commun des données venant de 4 études, un effet modéré et significatif était observé sur la concentration de CRP dans le sang immédiatement post-match, alors que 4 études ont montré un effet large et significatif à 24h post-match. Les données de 3 études ont montré que la CRP était toujours augmentée avec un petit effet à 48h, alors que 2 études ont montré un petit effet, non significatif à 72h, suggérant que la CRP est retournée à son niveau de base à ce repère de temps.
Les concentrations sanguines d’IL-6 et TNF-α étaient analysées ensemble. Les données de 3 études ont montré un effet large et significatif en faveur de l’augmentation des cytokines seulement en post-match immédiat. Les données de 3 études ont montré un petit effet non significatif à 24h et un effet négligeable et non significatif à 48h. Enfin, 2 études ont également montré un effet négligeable et non significatif à 72h.
Les cellules immunitaires ont été seulement analysées en post-match. Grace à 3 études, les neutrophiles et les leucocytes ont montré une augmentation significative avec un large effet alors que les lymphocytes étaient significativement réduits avec un large effet.

 Paramètres endocriniens

Les réponses hormonales étaient les paramètres les plus investigués chez les joueuses de football, avec 9 études examinant des échantillons de salive et 1 étude utilisant des échantillons sanguins. Après mise en commun des données, il a été observé un effet modéré et significatif en faveur d’une augmentation de la concentration de cortisol immédiatement post-match. 8 études ont observé un effet négligeable et non significatif concernant la testostérone en post-match comparé aux valeurs pré-match. Ensuite, 2 études ont montré un effet modéré en faveur d’une baisse du ratio testostérone/cortisol en post-match. Enfin, les données de 2 études ont montré un petit effet non significatif pour l’œstradiol salivaire en post-match. 

 Paramètres perceptuels

Très peu de données étaient disponibles dans la littérature concernant les réponses perceptuelles post-match pour les joueuses de football. Après mise en commun, les données de 6 études ont montré une augmentation significative des DOMS avec un large effet immédiatement en post-match et 2 études ont montré les mêmes résultats à 24h post-match. Une seule étude rapportait des DOMS à 48h post-match concernant les joueuses. 3 études montraient un petit effet non significatif pour les DOMS à 72h comparé aux valeurs pré-match.
Il a été montré un effet large mais non significatif en faveur d’une augmentation de la sensation de fatigue, ainsi qu’un effet modéré et significatif en faveur d’une réduction de la vigueur en post-match immédiat. Une seule étude a montré un effet large et significatif en faveur d’une augmentation de fatigue et d’une baisse de vigueur à 12h post-match.

Discussion

Cette revue systématique avec méta-analyses a montré que les matchs de football féminin entrainaient des altérations aigues et résiduelles de performance physique, physiologique et concernant les réponses perceptuelles. D’après l’étude, il semblerait que la récupération des joueuses soit plus courte que ce qui a été rapporté jusque-là dans la littérature, quand les différences de sexe n’étaient pas considérées.

De façon plus spécifique, les paramètres de performance physique étaient altérés immédiatement (YoYo test et sprint), à 24h (CMJ et sprint) et jusqu’à 48h (sprint) post-match, tous ces paramètres étant récupérés à 72h post-match.
De façon intéressante, la fatigue aigue induite n’a pas affecté la performance au CMJ immédiatement après le match, alors que des effets modérés à large ont été trouvé pour une baisse de la capacité aérobie intermittente et la performance au sprint.
Ces différences de profil sur les paramètres de performance peuvent s’expliquer par une fatigabilité différente selon le skill réalisé, la masse musculaire recrutée et la coordination intermusculaire. Également, des variations de charges de match existent, par exemple suivant l’âge ou le niveau de jeu, la charge physique et le pattern d’activité, ce qui peut affecter les paramètres mesurés.

De précédentes études effectuées chez les hommes ont montré que des qualités athlétiques supérieures entrainaient moins de fatigue post-match, même avec une charge externe et interne de match supérieure.
Ici, malgré les charges physiques de matchs plus faibles chez les joueuses que chez les joueurs, il semblerait que les données métriques de fatigue soient inférieures pour les joueuses.

Le profil inflammatoire a montré également des réponses spécifiques, avec la TNF-α et IL-6 altérés seulement en post-match immédiat, alors que la CRP est retournée à son niveau de base seulement à 72h post-match.
Les marqueurs de dommages musculaires ont montré les temps de récupération les plus longs, la CK et le LDH restant encore augmentés à 72h post-match.
Concernant les CK, il semblerait que les profils soient similaires avec les joueurs, avec un pic à 24h post-match et la persistance d’une augmentation jusqu’à à 72h post-match.

La régulation neuroendocrinienne était partiellement affectée par les matchs de football féminin, avec aucune différence significative pour la testostérone et l’œstradiol en post-match immédiat, malgré l’augmentation du cortisol et la diminution du ratio testostérone/cortisol à ce même repère de temps.
Le sexe des participants et le contexte compétitif semblent jouer un rôle dans les réponses hormonales. En effet, alors qu'un effet négligeable et non significatif pour la testostérone a été observé ici, des rapports d'après-match différents ont été rapportés chez les joueurs masculins.
D’un point de vue physiologique, les joueurs et les joueuses semblent montrer des différences marquées dans la réponse immunitaire à l’exercice quand la phase de menstruation et les contraceptifs hormonaux sont contrôlés, ce qui renforce la nécessité de preuves sur la fonction du cycle menstruel et des réponses immunologiques chez les joueuses de football.

Enfin, les données limitées concernant les réponses perceptuelles ont montré que les DOMS étaient augmentés à 24h post-match, tandis que la vigueur était réduite et la sensation de fatigue augmentée à 12h post-match. Le peu de données existantes pour ces populations de joueuses de football rendant particulièrement challengeant la description de temps de récupération pour ces paramètres.

La complexité de comparer les différences de récupération entre les sexes est affecté par de nombreux facteurs, incluant le type d’entrainement, le phénotype physique, le timing dans la saison, les qualités physiques/techniques/performance ainsi que les effets des cycles physiologiques et menstruels. Par exemple, la proportion dans la typologie des fibres musculaires entre les sexes influence les propriétés contractiles, ce qui pourrait contribuer à une résistance à la fatigue plus importante chez les femmes pendant l’exercice.

Tandis que les altérations dans les mesures de performance sont apparues dans les 24-48h, le temps de récupération type pour les dommages musculaires pour revenir à la valeur de base sont les plus longs, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Ainsi, attendre le retour à la valeur de base de ces marqueurs inflammatoires, avant application d’un nouveau stimulus d’entrainement, n’est pas réalisable dans des conditions de haut niveau.

Conclusion

L’analyse systématique révèlent que la plupart des paramètres de performance, physiologiques et perceptuels chez les joueuses de football sont récupérés à 48h post-match, excepté pour les performances de sprint, sur la CRP, la CK et le LDH, qui requièrent au moins 72h pour revenir à leur valeur de base pré-match.
D’un point de vue général, et malgré les limites de données disponibles notamment pour les réponses perceptuelles, il semblerait que la récupération soit plus rapide pour les joueuses de football que dans des populations à dominance masculine.
Ces analyses détaillées des temps de récupération peuvent être utilisées pour la planification, l’entrainement et la préparation des matchs.
Ainsi, pendant des périodes avec planning chargé, un intervalle entre les matchs de football supérieur à 48h est recommandé pour s’assurer d’une récupération appropriée chez les joueuses de football.

Référence article

Goulart KNO, Coimbra CC, Campos HO, Drummond LR, Ogando PHM, Brown G, Couto BP, Duffield R, Wanner SP. Fatigue and Recovery Time Course After Female Soccer Matches: A Systematic Review And Meta-analysis. Sports Med Open. 2022 Jun 3;8(1):72. doi: 10.1186/s40798-022-00466-3.