Efficacité d'un programme d'exercices de remise en contrainte progressive du tendon chez les patients atteints de tendinopathie patellaire : un essai clinique randomisé

Sep 30 / Benjamin Fraisse
La tendinopathie patellaire (PT) est une lésion tendineuse généralement chronique du tendon patellaire qui se caractérise par une douleur liée à l’activité. Pas moins de 45 % des athlètes d'élite dans les sports de saut comme le basket-ball et le volley-ball souffrent de PT. Il a également été démontré qu’en dehors des athlètes d’élite, 58% des patients souffrant de PT rencontrent des problèmes pour participer à leur travail s’il est physiquement exigeant.
Bien que de nombreux facteurs de risque dans l'étiologie et la pathogenèse de la PT aient été suggérés, une relation directe de cause à effet est actuellement inconnue. La nomenclature "tendinite" a bien sûr été remplacée par "tendinopathie", car les études histopathologiques confirment que les changements dégénératifs structurels du tissu tendineux sont la caractéristique principale, avec une présence minimale de cellules inflammatoires, et donc que le management à moyen et long terme de la tendinopathie devra être principalement actif. Dans ce cadre, la thérapie par l'exercice excentrique (EET) a été classiquement employée comme protocole de mise en charge de référence pour les tendons. Cependant, la thérapie EET est douloureuse et ses effets thérapeutiques sur la diminution de la douleur et les résultats fonctionnels sont discutés lorsqu'elle est appliquée lors de la saison de compétition.
L’avis du pôle scientifique
Pastille verte
Cet essai clinique contrôlé et randomisé en simple aveugle est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Une revue récente a proposé une thérapie d'exercice alternative pour la PT consistant en des exercices de remise en contrainte progressive des tendons (PTLE) dans les limites d'une douleur acceptable. À ce jour, on ignore l'efficacité des PTLE par comparaison à celle des EET.
L'objectif de cet essai contrôlé stratifié, en simple aveugle et randomisé par blocs était donc de comparer la PTLE et l'EET sur la base des résultats cliniques après 24 semaines chez les patients atteints de PT.

Méthode

L'étude a consisté en un essai contrôlé stratifié, en aveugle, randomisé par blocs, qui incluait des athlètes récréatifs, compétitifs et professionnels souffrant de PT. L'essai a été mené dans un centre médical universitaire aux Pays-Bas. Sur 272 patients éligibles au départ, 38 ont été retenus finalement dans le groupe PTLE, et 38 dans le groupe EET. Au final, après 24 semaines, il restera 37/38 patients du groupe PTLE, et 30/38 du groupe EET.

 Les critères d’inclusion étaient les suivants :

  • 18-35 ans
  • Présence d’antécédents de douleurs du genou localisées dans la région du tendon patellaire, associées à l'entraînement et à la compétition
  • Au moins 3 séances de sport/semaine
  • Présence d’une sensibilité à la palpation de la zone correspondante du tendon patellaire en proximal
  • Présence de modifications structurelles du tendon à l'échographie et/ou augmentation de la vascularisation du tendon en ajoutant le Doppler à l’échographie
  • Score VISA-P <80 sur 100 points
Les critères de sélection qui devaient être remplis étaient un score VISA-P <80 points et le signalement d'une douleur exclusivement au niveau du au pôle inférieur de la patella (image E, ci-dessous) ou à n'importe quel endroit le long du tendon patellaire en association avec une charge physique. Ensuite, l'examen clinique était considéré comme positif si une sensibilité au niveau du pôle rotulien inférieur ou du tendon rotulien pouvait être reproduite à la palpation et lors d'un squat à une jambe.

 Les critères d’exclusion étaient les suivants :

  • Présence de blessure aiguë du genou ou du tendon patellaire
  • Chirurgie antérieure du genou sans réhabilitation complète
  • Présence connue de maladies articulaires inflammatoires ou d'hypercholestérolémie familiale
  • Utilisation quotidienne de médicaments ayant un effet présumé sur le tendon patellaire au cours des 12 derniers mois
  • Thérapie par injection locale de corticostéroïdes dans les 12 mois précédents
  • Antécédent de rupture du tendon patellaire
  • Thérapie d'exercices quotidiens d'une durée minimale de 4 semaines au total au cours des 12 derniers mois
  • Incapacité à suivre un programme d'exercices
  • Participation à d'autres programmes de traitement concomitants
  • Signes ou symptômes d'une autre pathologie coexistante du genou à l'examen clinique ou à l'échographie/IRM
  • Contre-indications à l'IRM
Ensuite, les patients étaient aléatoirement assignés au groupe PTLE (exercices progressifs) ou au groupe EET (excentrique, groupe contrôle) pour une durée de 24 semaines. Chaque patient de chacun des 2 groupes faisait un programme comprenant de la flexibilité des membres inférieurs, de la force préventive (abduction et extension de hanche, mollet), du gainage, et des conseils d’éducation concernant la gestion des charges de travail, ainsi que concernant la relation charge de travail/douleur. Cependant, concernant la méthodologie de remise en contrainte de la PT, l’approche pour les 2 groupes différait :

Les patients du groupe intervention ont effectué quotidiennement et consécutivement des exercices isométriques (statiques), isotoniques (dynamiques), de stockage d'énergie (pliométrie) et spécifiques au sport, dans les limites de la douleur acceptable. La charge progressive était administrée en fonction de la réponse individuelle à la douleur (échelle visuelle analogique, score EVA ≤3 points sur une échelle de 0 à 10).
Niveau 1 : 5*45 secondes d’isométrique quotidien. Single leg press ou leg extension. 60 degrés d’angulation de genou. 70% de la MVIC.
Niveau 2 : 1 jour sur 2 les exercices isométriques du jour 1 + 1 jour sur 2 des exercices isotoniques qui consistaient sur les mêmes exercices en 4*15 répétitions entre 10 et 60 degrés de flexion de genou. Plus tard dans le programme, la prescription isotonique devenait 4*6 répétitions à faire entre 0 et 90 degrés de flexion.
Niveau 3 : Intégration tous les 3ème jours d’exercices pliométriques, donc la course, les sauts, et les CODs. 3*10 répétitions en exercice bilatéral, puis plus tard dans le programme 6*10 répétitions sur une seule jambe.
Niveau 4 : Réintégration du sport tous les 2 à 3 jours. L’isométrique du niveau 1 est continué lorsqu’il n’y a pas d’entrainement spécifique au sport.
Les patients du groupe contrôle (EET, pain-provoking eccentric exercise therapy, à gauche sur le diagramme ci-dessus) ont effectué des exercices excentriques sur une planche à décliner avec une pente de 25°, 2 fois par jour pendant 12 semaines (niveau 1). La remontée se faisant à chaque fois grâce au membre inférieur controlatéral, avec une douleur recherchée >5/10. SI nécessaire, de la charge additionnelle était placée dans un sac à dos pour provoquer la douleur. Lorsque la douleur, même avec charge additionnelle, devenait inférieure à 3/10 lors du niveau 1, des exercices sport-spécifique étaient repris (niveau 2), et les exercices du niveau 1 étaient alors seulement conservés 2 fois par semaine.

Résultats

 Score VISA-P

Le score VISA-P moyen estimé s'est amélioré de manière significative, passant de 56 (IC 95 % 52 à 61) au départ à 84 (IC 95 % 79 à 89) p<0,001 à 24 semaines dans le groupe PTLE et de 57 (IC 95 % 53 à 62) à 75 (IC 95 % 69 à 82) p<0,001 dans le groupe EET.

 Retour au Sport

Dans le groupe PTLE, 21% (n=7) ont repris le sport souhaité au niveau d'avant la blessure après 12 semaines et 43% (n=16) après 24 semaines.
Dans le groupe EET, 7 % (n=2) ont repris le sport souhaité au niveau d'avant la blessure après 12 semaines et 27 % (n=8) après 24 semaines.

 VAS