Quand la puberté frappe : changements longitudinaux de la cinématique de COD chez 172 athlètes féminines lycéennes.

Oct 4 / Kinesport
Le « cut » est défini comme un changement de direction (COD) pouvant aller de quelques degrés à 90˚, il est couramment réalisé dans de multiples sports. Les jeunes athlètes féminines sont particulièrement exposées aux blessures du ligament croisé antérieur (LCA) dans le sport, notamment lors du « cut », avec un taux d'incidence triple chez cette population par rapport à la population générale (227,6 vs 68,6/années-personnes). Il a été démontré par le passé que certaines stratégies de mouvement pendant le « cut », telles que l'augmentation de la flexion latérale du tronc, de la rotation interne de hanche et des angles d'abduction du genou, contribuent à des charges articulaires plus élevées sur le genou et à un risque potentiellement accru de blessure au LCA. Chez les jeunes athlètes féminines, il a été suggéré que la plus faible réponse de la capacité physique (en termes de force, de contrôle, d'endurance) aux changements physiologiques et anthropométriques rapides qui se produisent pendant la puberté, pourrait entraîner l'émergence de ces stratégies de mouvement à haut risque. Cependant, les études précédentes n'ont pas encore examiné avec un suivi longitudinal les altérations de la cinématique de COD au cours de la puberté. 
Par conséquent, l'objectif de cette étude était d'examiner de façon longitudinale ces changements de la cinématique tridimensionnelle du tronc, de la hanche et du genou chez les jeunes athlètes féminines au cours de la puberté. L'hypothèse testée était qu'au cours de la puberté, les jeunes athlètes féminines présenteraient des changements cinématiques associés à une charge accrue et donc une situation à haut risque concernant l'articulation du genou.

Méthode

Une analyse secondaire des données recueillies précédemment dans le cadre d'une étude de cohorte qui portait sur la biomécanique du tronc et des membres inférieurs lors de tâches de « cut » et de réceptions chez 744 athlètes féminines du Lycée (Basketball, Volleyball, Football), sans historique de blessure ligamentaire ou de chirurgie au genou, a été réalisée.
La tâche à effectuer : COD non anticipé sur plateforme de force, après un saut initial

  • Un programme informatique indiquait aux athlètes, à l'aide d'un système de feux de circulation (rouge/vert), d'effectuer un saut de 40 cm en avant pour atterrir chaque pied sur une plate-forme de force distincte. Une flèche aléatoire (indiquant la direction du COD à gauche ou à droite) apparaissait sur l'écran 0,3 secondes après le début du saut, indiquant à l'athlète d'effectuer un « cut » à 45° dans la direction indiquée, et ce, aussi rapidement que possible, tout en terminant à travers une porte de 61 cm placée à 2,5 mètres de distance.
  • 6 essais aléatoires (3 dans chaque direction). Les essais étaient exclus si le participant effectuait un crossover cut (technique de COD qui utilise le pied interne pour changer de direction, réservée aux CODs de petites angulations, <45 degrés), si le pied entier n'atterrissait pas sur la plateforme de force, ou si l'athlète effectuait le COD dans la mauvaise direction.

Critères d’inclusion pour le suivi longitudinal :

  • Seuls les participants dont les données couvraient deux ou les trois stades de la puberté (pré, moyen et post-pubertaire) ont été inclus.
  • Seuls les « cuts » vers la gauche (atterrissage sur le pied droit et COD vers la gauche) ont été analysés car 93% des participants avaient une dominance du pied droit et l'effet de la dominance d'un membre n'est toujours pas concluante quant à savoir si un membre particulier est plus susceptible de se blesser.

Variables mesurées durant le « cut » :

  • Tronc : amplitude totale de mouvement (ROM) dans les 3 plans (frontal, sagittal, transversal) ; angle de flexion maximale du tronc, angles d’inclinaison latérale droite et de rotation droite.
  • Genou : ROM dans les 3 plans ; angle de flexion du genou au contact initial au sol ; angles maximaux de flexion et d'abduction du genou.
  • Hanche : ROM dans les 3 plans ; angle de flexion de la hanche au contact initial au sol ; angles maximaux de flexion et d'adduction de la hanche.

Résultats

172 filles ont été inclues dans l'analyse, dont seulement 21 filles ont été comptabilisées dans l’ensemble trois groupes (pré, moyen et post-pubertaire). 43, 7 et 105 filles ont été comptabilisées dans 2 groupes seulement : il s’agissait respectivement des groupes pré et moyen-pubertaires, pré et post-pubertaires, et moyen et post-pubertaires.
infographie sur les effets de la puberté

Conclusion

  • Au cours de la puberté, les filles changent de stratégie de « cut » avec la tendance à avoir une diminution des angles de flexion au niveau de plusieurs articulations (tronc, hanche, genou), des ROMs globalement diminués dans le plan sagittal surtout (tronc, hanche, genou), et un angle d’abduction maximum de genou plus important. Considérées ensemble, ces nouvelles données pourraient aider à expliquer pourquoi les filles connaissent des taux plus élevés de blessures du LCA au cours de la puberté.
  • Des recherches futures sont nécessaires pour développer des outils de dépistage sur le terrain afin d'identifier les athlètes présentant ces déficits lors des tâches de CODs au cours de l’activité sportive.
  • L'amélioration de ces cinématiques à haut risque tout au long de la maturation de la jeune athlète pourrait contribuer à réduire les blessures du LCA dans cette population

L'article

L. Chia, G.D. Myer, T.E. Hewett, et al, When puberty strikes : Longitudinal changes in cutting kinematics in 172 highschool female athletes, Journal of Science and Medicine in Sport, https://doi.org/10.1016/j.jsams.2021.07.011