Consensus de Berne 2022 sur la prévention, la réhabilitation et le retour au sport de la blessure à l'épaule chez les athlètes de tous niveaux

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Les douleurs d’épaule affectent la performance, l’entrainement et la vie quotidienne de sportifs dans de nombreuses disciplines comme le rugby, baseball, handball, la plongée, le waterpolo ou encore le kayak. 
Cependant, à l’heure actuelle, il existe un manque de preuves de qualité pour aider les cliniciens, les athlètes ou les coachs dans le management du risque de blessure à l’épaule ainsi que dans le retour au sport (RTS) après blessure. 
Ce manque de preuves est dommageable dans l’établissement de guidelines applicables cliniquement. 
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À ce jour, certaines questions restent en suspens :

  • Quels exercices sont les plus appropriés pour les programmes de prévention primaire des blessures à l’épaule chez les athlètes ?
  • Le screening d’une éventuelle faiblesse musculaire, comme une perte de force rotatoire dans l’épaule, a-t-il de la valeur chez les athlètes ?
  • Quelles mesures dans la gestion charge sont pertinentes chez les athlètes blessés ?
  • Quelle est la meilleure réhabilitation à apporter en pratique à un athlète blessé ?
  • Quels critères devraient guider une prise de décision de qualité lors d’un RTS ?

Un groupe de développement d’un consensus a été réuni afin de synthétiser les preuves actuelles et établir un cadre de travail basé sur des principes sur les bonnes pratiques à adopter concernant la prévention, la réhabilitation et le RTS dans différents sports. Ce cadre couvrira 4 concepts-clés : le management du risque de blessure (1), la gestion et la progression de la charge (2), la rééducation (3) et enfin le RTS (4).

METHODE

PROCESSUS DE CONSENSUS

Il a été utilisé un processus de Delphi modifié, et ce pour deux raisons : cette approche offre de l’anonymat et également car elle a permis d’inclure un large groupe d’experts internationaux.

Le processus de Delphi standard a été modifié pour passer sur un processus en 2 étapes : premièrement, 2 tours de sondages Delphi en ligne sont réalisés, d’où il sera tiré les points qui font consensus, ceux qui ne font pas consensus et ceux qui sont contestés par tous.
Ensuite, un plus petit groupe d’experts internationaux (qui ont participé au processus de Delphi au préalable) seront amenés à discuter et échanger lors d’une discussion en face à face afin d’amener des arguments sur les points qui n’ont pas fait l’unanimité jusque-là. Une discussion de 6 heures, supervisée par le comité organisateur du consensus est alors mise en place.
Les participants au processus de Delphi ont été recrutés grâce à la renommée de leurs travaux, recherches ou l’excellence dont ils font preuves dans leur pratique clinique, le but ayant été de trouver un équilibre entre la recherche et la pratique clinique, le sexe, l’âge, la nationalité et le métier représenté. Les participants à la discussion à deux en fin de processus ont été sélectionnés par le comité organisateur en tant que speakers lors de la précédente conférence de 2019.

RECCUEIL D’INFORMATIONS

Afin de récolter les informations requises pour établir les déclarations soumises aux participants dans les deux premiers tours du processus de Delphi, il a été réalisé un recensement des preuves actuelles sur le management des blessures d’épaules chez des athlètes de tous âges et de tous niveaux. Les bases de données Embase, Medline, SportDiscus, et Cochrane (revues systématiques et essais contrôlés) ainsi que des recherches de littérature grise (non contrôlées par des maisons d’édition) dans Google Scholar ont été réalisées.
Les articles ont été revus et extraits par le comité organisateur et ont été priorisés dans cet ordre-là : revues systématiques, guides de bonnes pratiques cliniques, et recherche primaire.
Tous les articles qui mentionnaient la prévention, la réhabilitation, ou le management des blessures à l’épaule chez les athlètes ont été incluses. Tous ceux qui ne mentionnaient pas cela dans un contexte sportif ou qui parlaient uniquement du management chirurgical de ces blessures ont été exclus.
ÉTABLISSEMENT ET RÉVISION DES DÉCLARATIONS DU DELPHI POUR LES DEUX TOURS
Il a été décidé de séparer 2 groupes de questions avec un focus sur : les athlètes dans des sports overhead ou de lancer (1), les athlètes évoluant dans des sports de contact/collision (2).

Le premier tour du processus de Delphi avait 54 questions centrées sur :

  • Facteurs de risques et réduction du risque de blessure
  • Charge d’entrainement
  • Réhabilitation et management de la scapula
  • La coiffe des rotateurs, l’épaule après épisode de luxation ou l’instabilité généralisée
  • La réhabilitation et la progression spécifique au sport
  • Les critères de RTS

Pour s’assurer d’obtenir un consensus, une échelle sur 11 points (0 à 10) a été utilisée avec une note moyenne parmi les experts de 7/10 comme valeur limite. Après analyse des retours pour le premier tour, il a été élaboré des questions additionnelles pour le deuxième tour, qui ont été ajoutées à celles n’ayant pas fait consensus lors du premier tour.
Le deuxième tour comprenait donc 25 questions et 39 experts ont participé.
TERMINOLOGIE ET STRUCTURE DE LA DECLARATION DE CONSENSUS 2022
Il a été considéré différents types de sport pour coller aux nombreuses variétés de demandes appliquées sur le membre supérieur : au-dessus de la ligne des épaules, avec ou sans lancer ; sous la ligne des épaules, avec ou sans lancer ; chaine inversée.
Le terme chaine inversée est utilisé pour décrire les sports ou les membres supérieurs sont employés comme premier point de contact avec la surface de jeu ou l’environnement, directement ou indirectement (exemple : l’escalade ou l’aviron par l’utilisation de la rame).
Il a également été noté si ces sports impliquaient des contacts ou de la collision.
L’objectif étant que le consensus soit applicable pour tous les sports et les athlètes de tous niveaux.
Le consensus est présenté en 4 sections principales :  

  1. Management du risque de blessure
  2. Management et progression de la charge
  3. Réhabilitation de la blessure d’épaule
  4. Preuves pour soutenir la décision du RTS
Les points de consensus et de contestation ont alors été présentés à l’issue du 1er tour de Delphi, 2ème tour de Delphi et de la discussion à deux, et ce pour chaque section. 
 SECTION 1 : LA PREVENTION EST MEILLEURE QUE LE TRAITEMENT - MANAGEMENT DU RISQUE DE BLESSURE CHEZ DES ATHLETES AVEC OU SANS ANTÉCÉDENTS DE BLESSURE À L’EPAULE.
Les approches sur la prévention de la blessure varient énormément selon les sports et selon les blessures. La prévention d’une blessure future après un traumatisme aigu (luxation par exemple) sera différente de l’approche préventive d’une lésion par overuse. C’est pourquoi il est plus judicieux de mettre en lumière des principes que d’émettre une recette toute faite. Ces principes pratiques pourront guider les cliniciens et les coachs sur les risques hautement prioritaires, comme la nécessité d’aborder les facteurs de charges d’entrainement suite à une blessure par overuse ou la nécessité d’aborder un retour progressif aux collisions suite à une luxation glénohumérale lors d’un sport de contact. Dans cette section, il sera également abordé le screening avant blessure, les programmes de prévention de blessure à l’épaule et leur implémentation.
Cette section sur le management du risque de blessure comprend 4 sous sections :

  1. Ce qui est connu ou inconnu sur les facteurs de risque pour la blessure à l’épaule chez l’athlète.
  2. Le screening de l’épaule de l’athlète.
  3. Le management du risque de blessure avec des programmes d’exercices de prévention primaire et secondaire.
  4. L’implémentation des programmes d’exercices de prévention.
CE QUI EST CONNU ET CE QUI NE L’EST PAS À PROPOS DES FACTEURS DE RISQUES DE BLESSURE À L’ÉPAULE CHEZ L’ATHLÈTE
Connaitre les facteurs de risque d’une blessure à l’épaule est gage de succès dans le management de cette blessure dans le cadre sportif.
Certains facteurs de risque modifiables ont été proposés comme la réduction de l’amplitude articulaire (ROM), le déséquilibre de force des rotateurs, la faiblesse musculaire, les changements dans la charge imposée, la position du joueur, le niveau de jeu, les antécédents à l’épaule et les facteurs psychosociaux. Le rôle de la charge est ardemment débattu, la charge étant considérée comme jouant un rôle important en ce qui concerne les mécanismes d’overuse (notamment sur le bras de lancer) et les sports de contacts, ou les luxations d’épaule sont fréquentes.
Tous les facteurs de risque devraient être discutés entre les athlètes, les coachs et les cliniciens afin d’identifier ceux qui sont les plus pertinents à réduire pour l’athlète.
SCREENING DE L’ÉPAULE DE L’ATHLÈTE
Il existe une absence de preuves qui soutiennent le screening dans l’objectif de savoir quels athlètes souffriront ou non d’une blessure à l’épaule. Cependant il peut être utile pour identifier et aborder des problèmes pré existants et aider au RTS d’un athlète blessé ou bien dans l’objectif d’amélioration de ses performances.

L’efficacité du screening reste non concluante, sur le processus de Delphi, la moitié des experts ont voté en faveur du screening de la dyskinésie scapulaire, l’autre moitié non.
Aucun tests ou batterie de tests ne peut être recommandé de façon fiable en faveur d’un screening primaire (avant blessure) ou secondaire (après blessure).

La littérature et les processus de Delphi restant divergents, la discussion d’experts en présentiel a suggéré qu’un bilan musculosquelettique générique avait sa place (non spécifique au sport mais incluant un mix de ROM, force, puissance et autres mesures standardisées ici sports-spécifiques comme les mesures du ratio RE/RI).
Ce screening pourrait inclure une évaluation fonctionnelle de l’épaule sur toute la saison, la fréquence de réalisation devant être fonction de chaque sport et du poste occupé (niveau de risque).

MANAGEMENT DU FACTEUR DE RISQUE ET PROGRAMMES D’EXERCICES DE PRÉVENTION PRIMAIRE ET SECONDAIRE

A cause de la haute prévalence et la persistance des problèmes d’épaule chez les adolescents et les sportifs overhead d’élite adultes, la prévention primaire devrait être un focus sur tous les programmes et devrait débuter à un jeune âge. Des programmes à la carte, structurés semblent réduire le risque de blessure chez les handballeurs, ce qui doit encore être confirmé dans d’autres sports.
Les programmes d’exercices de prévention secondaire doivent débuter immédiatement après la blessure et doivent devenir plus qu’un focus à mesure que l’athlète progresse vers un retour à la participation, au sport puis à la performance. Les programmes de prévention de blessures (primaires ou secondaires) ont l’avantage d’avoir peu de risque de préjudices pour l’athlète et sont faciles à intégrer (par exemple lors du warm up). Le processus Delphi a mis en lumière que tous les athlètes devraient recevoir un programme de prévention, qu’ils aient déjà été blessés ou non, avec un effort particulier sur les athlètes qui ont un plus haut risque de blessure (exemple : un pitcher au baseball).

Consensus

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Les exercices de prévention de blessures sont appropriés pour les athlètes de tous niveaux dans le but d’empêcher l’apparition d’une blessure à l’épaule.
IMPLANTATION DES PROGRAMMES DE PRÉVENTION
Le processus Delphi rapporte que la réduction du risque est effective quand le programme est réalisé 2 fois par semaines (dosage minimum). Il est également souligné que son efficacité est en partie liée à l’éducation des athlètes et des coachs concernant notamment le manque de compliance et d’adhérence au programme. Un programme préventif qui fonctionne permet d’améliorer l’auto efficacité de l’athlète dans son programme et potentiellement les performances sportives comme la vitesse d’un lancer par exemple.

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L’implémentation d’un programme de prévention de blessure au moins 2 fois par semaine pour toute l’équipe permet de s’assurer que tous les athlètes reçoivent bien la dose minimum.
 SECTION 2 : LA GESTION DE LA CHARGE SPÉCIFIQUE À L’EPAULE CHEZ LES ATHLETES
Actuellement les stratégies pour la gestion de la charge chez les athlètes overhead manque de fiabilité et de validité.
Les charges spécifiques à l’épaule dépendent du nombre de lancers, de la position, du type et de l’intensité de l’entrainement. Une exposition globale à la charge pour l’épaule de plus de 16 heures par semaine et de fortes augmentations de charges hebdomadaires, à l’entrainement ou en match (supérieures à 60% par rapport à la moyenne des 4 dernières semaines), sont associés à une augmentation du taux de blessure à l’épaule.

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L’équilibre entre la charge et la capacité joue un rôle important dans la gestion du risque de blessure, dans la réhabilitation, le RTS et l’amélioration de la performance.
Mesurer la charge de façon précise doit tenir compte de la charge externe (exemple : nombre de longueurs réalisées par un nageur) et/ou de la charge interne qui s’applique sur l’athlète (exemple : le stress biologique, physiologique ou psychologique pendant un entrainement ou une compétition). Il est important de ne pas se fier uniquement au temps de jeu ou à la distance parcourue. La recherche reste vague quant à la mesure de la charge interne, à la fois sur ce que l’on mesure et comment on peut le mesurer.
Il n’y a pas de consensus sur le fait qu’un des deux types de charge soit prédominant sur l’autre.

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Pour obtenir une estimation de la charge appliquée à l’athlète, les mesures doivent inclure le nombre de répétitions (ex : lancers), l’importance de la charge appliquée par répétition (ex : vitesse du lancer) et la distribution de la charge sur les structures tissulaires appliquée à chaque répétition (ex : type de lancer)
Les experts lors de la discussion en face à face suggèrent que la charge interne devrait être notée par les athlètes eux-mêmes par l’intermédiaire d’un questionnaire RPE (Rate of Perceived Exertion) spécifique à l’épaule après un entrainement ou un match. Ceci peut être fait par exemple au moyen d’une échelle de 0 à 10 sur la difficulté ressentie par le sportif sur la session qu’il vient d’effectuer.
Pour les jeunes athlètes ceci pourrait être réalisé toutes les semaines plutôt qu’une fois après chaque session. Jusque-là, il est difficile de savoir à quel point un RPE spécifique à l’épaule peut représenter correctement l’état de fatigue, d’inconfort ou de « poids » d’une session mais on sait qu’elle est corrélée fortement aux mesures de fréquence cardiaque chez les jeunes athlètes.
Il est important de noter que le RPE est modéré par le mode d’entrainement, un athlète subissant des impacts répétés en course aura un RPE différent d’un coureur qui court à la même vitesse sans subir de collisions.
Malgré tout, ces données chiffrées peuvent aider les athlètes qui cherchent à maintenir des hauts niveaux d’entrainement en captant les réponses subjectives à un stimulus physiologique.

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Il est important de monitorer la charge (celle spécifique à l’épaule et celle globale qui s’applique sur l’athlète) sur une base d’au moins 1 fois par semaine, avec des données collectées par l’équipe de performance autour de l’athlète et par l’athlète lui-même.

EXEMPLE DE COMMENT LA FORCE DE BASE D’UN ATHLÈTE AFFECTE SA CAPACITÉ DE CHARGE

Il a été montré que des joueurs avec une faiblesse des rotateurs externes ou une dyskinésie scapulaire pouvaient résister à de plus petites augmentations de charge hebdomadaire en comparaison avec des athlètes sans déficit, ce qui montre à la fois que l’adaptation à la charge est possible pour chaque joueur et aussi que l’amélioration de la fonction de l’épaule conduit à la possibilité de supporter davantage de charge.
Dans le sport professionnel, le monitoring de la charge est une constante de l’évaluation de l’athlète. Il peut être appliqué quotidiennement, les mesures et données étant davantage disponibles que chez les jeunes ou chez les amateurs.
 SECTION 3 : LE CHEMIN VERS LE RÉTABLISSEMENT-PRINCIPES CLÉS D’UNE REHABILIATION DE QUALITÉ APRÈS UNE BLESSURE A L’ÉPAULE
La recherche de la charge optimale et la réponse permise en termes de symptômes et d’irritabilité doivent guider le traitement et la progression.
Les athlètes, surtout à haut niveau, s’entrainent et concourent avec des anormalités tissulaires asymptomatiques et cela influe encore trop souvent sur la réhabilitation lorsque cela est objectivé par les examens complémentaires.

Les experts, lors de la discussion face à face, estiment que les cliniciens qui s’occupent d’athlètes blessés doivent avoir pour objectif :

  • L’amélioration de la biomécanique/technique spécifique au sport.
  • L’augmentation de l’intensité de la réhabilitation pour challenger les athlètes aux limites de leurs capacités.
  • La construction de la résilience de l’athlète par l’augmentation de la capacité de charge, aussi bien physiologique que psychologique.
  • L’implication d’une équipe pluri disciplinaire lors du processus de prise de décision, y compris l’athlète et le coach, avec pour objectif final un retour à la performance.

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L’implication du tissu doit être pris en considération, mais le diagnostic patho-anatomique ne doit pas guider la réhabilitation de l’épaule.

LES 7 POINTS CLÉS POUR RESTAURER LA FORCE ET LES PATTERNS DE MOUVEMENT SPÉCIFIQUES AU SPORT

 PRINCIPE CLÉ 1 : LAISSER L’IRRITABILITÉ GUIDER LA PROGRESSION DE LA RÉHABILITATION

L’irritabilité est propre à l’athlète et très peu dépendante de la pathologie. Une irritabilité est considérée comme importante lorsque la douleur est forte au repos, présente la nuit et particulièrement invalidante. L’irritabilité est faible quand elle la douleur est faible, uniquement diurne et surtout limitée à l’activité en question.

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Il n’y a pas d’ordre spécifique pour savoir à quel moment inclure le travail dans la chaine cinétique ou pour favoriser la cinématique scapulaire ou encore pour renforcer la coiffe des rotateurs. Au lieu de ça il est conseillé de travailler ces points simultanément. La structure et le timing du programme de réhabilitation doit être guidé par la douleur, la faiblesse, l’irritabilité de la dysfonction.
 PRINCIPE CLÉ 2 : ABORDER CLINIQUEMENT LES DÉFICITS PERTINENTS DU ROM DE LA GLENOHUMÉRALE EN UTILISANT UNE THÉRAPIE BASÉE SUR L’EXERCICE.
La perte ou le gain de ROM est fréquent chez les athlètes qui se plaignent de douleurs d’épaule. Le terme GIRD (glenohumeral internal rotation deficit) engendre beaucoup de confusions. Un langage clair est plus que nécessaire lorsque l’on interprète ce gain de rotation externe (ERG, external rotation gain) et de ROM total en rotation. Des changements structurels apparaissent comme normaux sur le bras dominant d’athlètes overhead/lancer, amenant à une augmentation perceptible de la rotation externe et une diminution de la rotation interne sur ce membre dominant.
Il n’existe pas de consensus pour savoir si le GIRD doit être managé passivement ou activement. Les praticiens doivent considérer la possibilité d’inclure des exercices de stretching pour restaurer ces déficits de ROM.
 PRINCIPE CLÉ 3 : S’INTERESSER À LA SCAPULA DANS LA RÉHABILIATION MAIS NE PAS ÉVALUER SA DYSKINÉSIE.

La dyskinésie scapulaire est présente chez 53% des personnes saines et chez 61% des athlètes overhead. Son screening a donc peu de valeur et bien souvent il s’agit d’un déséquilibre musculaire engendré par la pratique, la plupart du temps asymptomatique.
 PRINCIPE CLÉ 4 : LA SÉLECTION APPROPRIÉE DES EXERCICES (CHAINE OUVERTE vs CHAINE FERMÉE)

Cette sélection est dépendante de la blessure et de la phase de réhabilitation dans laquelle se trouve l’athlète. Initialement, un athlète avec instabilité antérieure sera plus à l’aise sur de la chaine fermée en modérant la charge, alors qu’un athlète avec instabilité acromio claviculaire sera mieux en chaine cinétique ouverte.
Sur les dernières phases, la sélection se fera par rapport aux demandes du sport pratiqué.
 PRINCIPE CLÉ 5 : INCLURE DE LA PLIOMÉTRIE TÔT DANS LE PROGRAMME DE RÉHABILITATION.

Ce type de travail est essentiel pour préparer l’athlète aux charges sport-spécifiques. Il doit être commencé à charge faible et à de faibles amplitudes. La progression se fera en augmentant la résistance ou en modifiant la position du corps pour charger plus précisément l’épaule en se calquant sur les mouvements liés à la discipline.
 PRINCIPE CLÉ 6 : L’ENTRAINEMENT NEUROMOTEUR

Il est maintenant connu que la blessure entraine des changements corticaux durables, qui survivent à la blessure en elle-même. Les cliniciens doivent se servir de la plasticité cérébrale et se calquer sur les principes de la rééducation du LCA, à savoir l’utilisation de focus externes, l’apprentissage implicite et auto contrôlé, la double tâche, et l’utilisation d’interférences contextuelles.
Une exposition graduelle aux mouvements qui provoquent de l’anxiété, l’utilisation de l’imagerie motrice, des neurones miroirs et l’utilisation de la thérapie cognitivo-comportementale doit être réalisée. A titre d’exemple, il sera préférable de dire à un patient : « Amenez cette balle sur la ligne supérieure tracée sur le mur » que « Levez le bras ».

TESTING ET REPRODUCTIBILITÉ DES MESURES DANS LA RÉHABILITATION

 PRINCIPE CLÉ 7 : LES EXERCICES SPÉCIFIQUES AU SPORT

Les cliniciens peuvent inclure à tout moment des exercices dans un seul plan dans un but spécifique comme le développement d’une force ou une endurance spécifique par exemple. Mais il apparait primordial de faire travailler l’athlète dans plusieurs plans pour ensuite se diriger vers des mouvements qui soient spécifiques à l’activité (avec une bonne qualité).
La puissance (incluant le ratio de développement de force) est à rechercher dans un but de protection articulaire et de performance lors de la préparation au sport.
Le kit idéal pour tester les athlètes tout au long de la rééducation doit être portable et peu chronophage dans son utilisation. Il comprendra :
  • Un dynamomètre manuel pour les mesures de force.
  • Un inclinomètre ou un goniomètre pour les mesures du ROM.
  • Des PROMS.

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A la fois le GIRD et l’ERG sont des réponses physiologiques tissulaires. Les preuves sont manquantes pour clairement différencier une adaptation physiologique d’une adaptation pathologique.

L’ERG, bien qu’étant une adaptation physiologique, doit être managé (afin que l’athlète puisse avoir du contrôle moteur dans cette nouvelle amplitude) en utilisant une thérapie active à base d’exercices pour éviter une blessure future.

La considération de la scapula doit faire partie d’une approche holistique de la réhabilitation du complexe de l’épaule, par exemple par le renforcement de toute la chaine cinétique pour améliorer la mécanique scapulaire.
A ce jour, l’effet de la dyskinésie scapulaire sur la performance n’est pas clair.

Inclure des exercices en chaine cinétique ouverte et fermée dans le programme de réhabilitation d’athlètes overhead/lancer ou des athlètes de sports contacts/collisions.

Les exercices pliométriques doivent être intégrés dès les premières phases du programme, que ce soit pour les sports de lancers ou de collisions.

Le testing sera dicté par un déficit spécifique de l’athlète et devra être réalisé sur la base d’une fois par semaine minimum.
Un testing de la force au début de chaque session de réhabilitation peut être intéressant dans le but d’évaluer la réponse et la récupération suite à une séance ou un entrainement précédent.
Il n’existe pas de consensus sur le moment auquel le bilan ou la rééducation isocinétique sont nécessaires pendant la rééducation. Il n’y en a pas également sur les positions, les mouvements et les plans à devoir collecter dans la réhabilitation spécifique à l’épaule.
Le testing d’un muscle en particulier a peu de valeur étant donné que la force et la fonction d’une épaule sont le résultat d’un travail en chaine cinétique.
L’idée est de mesurer les mêmes éléments en réhabilitation que ce que pourra faire l’athlète avec l’équipe, ce qui permet de confronter les résultats au niveau d’avant blessure pour évaluer la progression et faciliter la transition au sein du continuum de RTS si le cas se présente.
 SECTION 4 : LES DÉCISIONS DE RTS
Le retour au sport est à considérer comme un continuum dans lequel l’athlète passera du Retour à la Participation au Retour au Sport et enfin au Retour à la Performance. Les experts ont tenté d’encadrer 6 domaines ou la structure corporelle et la fonction peuvent affecter le RTS d’un athlète après une blessure à l’épaule. Les cas décrits dans ces domaines reflètent la variabilité des demandes suivant les sports. Les sports de contacts amènent davantage de risque quant à la décision du RTS. Le raisonnement clinique est complexe pendant le RTS et bien souvent dépendant de facteurs externes contextuels. Ici, les auteurs présentent le scénario idéal ou l’athlète serait libéré de cette pression rapidement dans le RTS.
Il n’existe actuellement aucun test seul ou aucune batterie de tests pour soutenir une décision de RTS suite à une blessure de l’épaule. Les praticiens doivent faire appel à leur raisonnement clinique et proposer des tests qui sont le plus spécifiques à la tâche, au sport et à l’athlète lorsqu’ils planifient le RTS.

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Utiliser une batterie de tests spécifiques au sport pour déterminer quand l’athlète sera prêt au retour à la participation sans restriction.

CRITÈRES DE RTS : 6 DOMAINES À CONSIDÉRER POUR UN ATHLÈTE QUI RETOURNE AU SPORT APRÈS BLESSURE À L’ÉPAULE.
L’agrément pour ces 6 domaines a été trouvé par les experts internationaux lors du processus de consensus (Delphi et discussion face à face). En fonction de la spécificité de la blessure et du sport, un domaine peut être plus ou moins pertinent. Les critères dans chaque domaine peuvent aussi différer en fonction de la phase où se trouve l’athlète dans le continuum.
DOMAINE 1 : LA DOULEUR
La présence d’une douleur au long cours peut contrarier la participation totale de l’athlète à l’entrainement ou à une compétition. Il est difficile de trouver un juste milieu entre les niveaux d’irritabilité de chaque athlète qui sont très différents et la faculté mentale de jouer avec ou sans la douleur. Le retour à la participation pourra être accompagné d’une douleur mais dès lors que l’on progresse dans le continuum vers la performance, il est important de ne plus être douloureux.

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Les athlètes overhead/lancer peuvent retourner à la participation avec de la douleur, mais devraient être non douloureux dans l’espoir d’un retour à la performance.
Pour les sports contacts/collisions, les athlètes peuvent retourner a la participation avec de la douleur, mais dans un environnement contrôlé. Cependant dans l’objectif du RTS et du retour à la performance, il est préférable d’être non douloureux.

DOMAINE 2 : LE ROM ACTIF DE L’ARTICULATION DE L’ÉPAULE

La pertinence de regagner le ROM à 100% est très sport-dépendante et essentielle à aborder dès le retour à la participation. Beaucoup de sports n’ont pas besoin d’une récupération totale pour concourir en compétition. D’autres ont des demandes spécifiques en fin d’amplitude qui sont des prérequis importants pour le retour à la performance.
Il est donc ici important de considérer les demandes du sport plus que les possibilités antérieures du sportif.
Pour les sports de contacts/collisions, la restauration totale du ROM est moins une priorité, mais cela reste très dépendant du sport. Il y aura plus d’attentes et plus de besoins de ROM actif dans les sports contacts joués au-dessus de la ligne des épaules que ceux qui ne le nécessitent pas, la perte de ROM est alors moins enclin à diminuer le niveau de performance.

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Le athlètes overhead/lancer n’ont pas besoin d’un ROM récupéré totalement avant le retour à la participation, mais en revanche il doit être retrouvé avant le RTS. Il n’y aucune nécessité de récupérer le ROM total chez les sportifs contacts/collisions, quelle que soit l’étape du continuum.

DOMAINE 3 : FORCE, PUISSANCE ET ENDURANCE

Tous les sports qui engendrent des demandes sur l’épaule nécessitent d’avoir de la force dans cette zone. Les exigences sont très dépendantes du sport et du poste occupé. Dans les sports de lancer ou de mouvements rapides de l’épaule, la vitesse est cruciale. Également, la capacité de décélération est primordiale lors du mouvement de lancer.
Dans des sports comme le rugby ou la gymnastique, le maintien et la stabilité en présence d’une perturbation externe sont plus importants que d’avoir de la vitesse dans l’épaule. La puissance est importante en haltérophilie quand la force et l’endurance le seront pour la natation.
La plupart des sports nécessitent plus d’un type de « force », ces régimes de force interagissant pendant la pratique sportive, le terme force doit donc être précisé en fonction des besoins du sport pratiqué.
Il n’y a pas de consensus sur l’utilisation du ratio RE/RI dans les sports de collisions. Chez ces athlètes il peut être préférable de comparer les valeurs de force absolue avec les valeurs d’avant blessure. La valeur de ce ratio est trop dépendante du sport pour en ressortir des valeurs standards.
Il est important de rappeler qu’un ratio RE/RI peut être bon dans le cas où l’athlète serait à la fois faible sur ces muscles RE et RI. Il est donc préférable d’utiliser les valeurs absolues, afin de les normaliser par rapport au poids de corps, pour faire des comparaisons entre athlètes.
La collecte de ces données, notamment en présaison, sera utile dans l’optique d’une progression individuelle dans un RTS.

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Les ratios de force RE/RI sont importants pour les athlètes overhead/lancer mais ne doivent pas être utilisés isolément. Les valeurs absolues doivent aussi être considérées pour déterminer la capacité fonctionnelle de l’épaule.
DOMAINE 4 : LA CHAINE CINÉTIQUE

La biomécanique de la frappe stimule la chaine cinétique, et quand celle-ci est efficace, elle permet de générer, d’additionner et de faciliter les transferts d’énergie mécanique tout au long de la chaine. Ainsi la performance s’en trouvent améliorées en termes de force et de vitesse. L’inefficacité proximale peut augmenter la demande distale, ces éléments distaux tentant alors de contribuer davantage pour limiter la perte d’énergie.

Identifier et aborder des stratégies de mouvements inadéquates quel que soit l’endroit où elles apparaissent sur la chaine cinétique apparait comme un élément central pour une réhabilitation de qualité.

DOMAINE 5 : SE SENTIR PRÊT PSYCHOLOGIQUEMENT

Il est important que l’athlète se sente à l’aise avant de progresser dans le continuum. Avant le retour à la participation, la possibilité de lancer à une intensité spécifiée et l’absence d’appréhension dans l’entrainement résisté en fin d’amplitude soutiendront la confiance du joueur.
Avant le RTS et le retour à la performance, aucune appréhension sur les contacts avec les adversaires et une faible anxiété par rapport à une rechute soutiennent également la progression dans le continuum.
DOMAINE 6 : LA SPÉCIFICITÉ DU SPORT

Connaitre les demandes exigées par le sport de l’athlète blessé est crucial pour mener à bien le RTS, surtout lorsque l’on aborde le retour à la performance. Dans certains sports, ces demandes varient considérablement suivant le poste occupé, ce qui doit être bien évidemment considéré quand les critères de RTS seront définis. Lorsque cela est possible, il faut au maximum comparer les valeurs mesurées (par exemple force, puissance, endurance) avec les valeurs avant la blessure pour les principales caractéristiques du sport. Si les données pré-blessure ne sont pas disponibles, les normes de populations spécifiques à ce sport peuvent être un substitut, mais elles sont à interpréter avec précaution et surtout à relativiser en fonction du niveau de l’athlète.

PRIORITÉS POUR DE FUTURES 
Ce qui n’a pas fait consensus doit faire l’objet d’investigations, c’est-à-dire :

Programme

Quelle est l'efficacité des programmes de prévention précoce pour réduire les blessures par overuse de l'épaule chez les athlètes adultes, élite et amateurs ?

Screening

Existe-t-il des sports individuels ou le screening spécifique de l’épaule est recommandé du fait des demandes importantes qui s’y appliquent ?

Charges

Quels sont les meilleurs moyens de mesurer les charges internes et externes pour supporter le retour à l’entrainement, au sport et à la performance après blessure de l’épaule ?

Mesures

Est-ce que les prises de mesures de force et de puissance expliquent la capacité à tolérer de la charge dans différents sports ?

Dyskinésie

Est-ce que la dyskinésie scapulaire augmente le risque de douleurs après une blessure à l’épaule dans un cadre sportif ?

Résumé

Dans l’optique du management d’un athlète ayant subi une blessure à l’épaule, le clinicien doit d’abord commencer par identifier les demandes individuelles spécifiques au sport pratiqué par l’athlète. Une telle approche fournit déjà une base solide sur laquelle les principes évoqués dans ce consensus de Berne peuvent s’appliquer. 
Il apparait primordial de comprendre que ceci est une base de travail sur laquelle travailler mais qu’il faudra impérativement ajuster ce cadre au sport pratiqué et par rapport au poste occupé par le sportif.

Le management du risque de blessure et de la charge, comme le continuum de RTS, sous-tendent des efforts particuliers sur la prévention primaire et secondaire.

Dans ce papier, il a été développé 7 principes-clés à considérer lorsque l’on s’occupe de la rééducation d’un athlète blessé à l’épaule.
Également, il a été présenté les 6 domaines à considérer au sein du processus de RTS : la douleur, l’amplitude articulaire active de l’épaule, la force/puissance/endurance, la chaine cinétique dans son ensemble, la psychologie et enfin les activités spécifiques au RTS.
Des ressources additionnelles, tels que des exercices de prévention, des exercices de réhabilitation appropriés, des PROMS ou des tests de performance sont disponibles en complément de cette déclaration de consensus.

L'article

Schwank A, Blazey P, Asker M, Møller M, Hägglund M, Gard S, Skazalski C, Haugsbø Andersson S, Horsley I, Whiteley R, Cools AM, Bizzini M, Ardern CL. 2022 Bern Consensus Statement on Shoulder Injury Prevention, Rehabilitation, and Return to Sport for Athletes at All Participation Levels. J Orthop Sports Phys Ther. 2022 ; 52(1) : 11-28. Doi : 10.2519/jospt.2022.10952