Prise en charge de la tendinopathie rotulienne : Revue systématique et méta-analyse des études randomisées

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La tendinopathie rotulienne est décrite comme une douleur persistante et un dysfonctionnement du tendon rotulien liés à une charge mécanique. Il survient généralement comme réponse à une surutilisation et c´est une pathologie multifactorielle complexe. La tendinopathie est plus fréquente chez les athlètes qui participent à des sports qui impliquent une charge répétitive sur le tendon, comme le basket-ball et le volley-ball. Dans tous les sports, jusqu'à 22 % des athlètes d'élite signalent une douleur au tendon rotulien à un moment donné de leur carrière. Le diagnostic de la tendinopathie rotulienne est clinique, le patient décrivant souvent une activité douloureuse et des raideurs tendineuses localisées. Dans les premiers stades, un individu peut souvent continuer l'activité. Cependant, la douleur peut progresser, entraînant une altération chronique d'une durée moyenne de 32 mois.
La prise en charge de la tendinopathie peut être divisée en modalités actives et passives. Les stratégies actives impliquent particulièrement de travail de charge sur le tendon, le travail excentrique a été le plus populaire avec des pourcentages de réussite de 50% à 70% avec des suivis de 3 à 6 mois. 
Récemment, les exercices isométriques et à résistance lente et lourde (HSR) se sont avérés efficaces pour réduire la douleur et améliorer la fonction dans la tendinopathie rotulienne. Il existe une multitude de traitements passifs [médicaments anti-inflammatoires, des injections de corticostéroïdes et de plasma riche en plaquettes (PRP), l'iontophorèse, le trinitrate de glycérol (GTN), la thérapie par ondes de choc extracorporelle (ESWT)], la thérapie laser à basse énergie et les ultrasons thérapeutiques (US). Une intervention chirurgicale peut être envisagée en cas d´échec des traitements conservateurs. Les auteurs ont cherché à résumer les preuves disponibles sur la gestion de la tendinopathie rotulienne.

Méthodes

La présente revue systématique a été menée et rédigée conformément aux directives PRISMA-NMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses–NMA). Sur des patients atteints de  tendinopathie rotulienne, avec toutes modalités des traitements (même un placebo) et avec des scores de douleur et fonction (EVA et VISA-P).

Inclusion

  • Études randomisées comparant différentes modalités de traitement pour la tendinopathie rotulienne. 
  • Avec participants de plus de 18 ans. 

Exclusion

Études comparatives non randomisées, études des cas, études observationnelles ou les revues de la littérature. Les études publiées dans des autres langues que l´anglais ont été exclues. 

Stratégie de recherche

La recherche des études randomisées a été menée aux moteurs de recherche Medline, EMBASE, Scopus, CENTRAL et CINAHL en mai 2021. Les articles de revue pertinente ont été sélectionnés pour identifier les articles éligibles avec un filtrage des références bibliographiques sur Google Scholar. Sur un total de 7913 articles initialement identifiés, après exclusion, sélection du titre et du résumé et ajout des études manquées identifiées par la suite, 37 études se sont avérées remplir les critères d'éligibilité.

 Risque de biais – Evaluation des niveaux des évidences 

La validité interne (absence de biais) de chaque étude incluse a été évaluée à l'aide de l'outil de la ‘Cochrane Collaboration’s tool for assessing the risk of bias in randomised trials’ par les deux examinateurs et par un troisième examinateur indépendant dans les cas de désaccord. Les études ont été caractérisées comme présentant un risque global de biais « faible », « élevé » ou « pas clair ». La force des preuves a été évaluée avec l'outil GRADE, où les résultats de deux études ou plus ont été regroupés dans des méta-analyses par paires et avec l'outil GRADE-NMA pour les NMA (niveaux maximaux accessibles). La signification clinique a été définie comme une différence minimale de 1,5 points dans l'EVA de la douleur et de 13 points dans le VISA-P entre les interventions comparées et ces seuils ont également été utilisés comme différence cliniquement pertinente minimale (MCRD) dans le cadre de l'évaluation du risque « d'imprécision » de l’outil GRADE.

Extraction des donnés

Les résultats ont été divisés en court terme (suivi ≤12 semaines), moyen terme (suivi >12 semaines–suivi ≤12 mois) et long terme (suivi >12 mois). Les comparaisons d'interventions rapportées par deux études ou plus à des moments de suivis similaires ont été regroupées quantitativement par des méta-analyses par paires en l'absence d'hétérogénéité clinique significative. Les différences moyennes brutes (DM) avec leur IC à 95 % qui les accompagnent ont été calculées et utilisées dans les tests, car les outils utilisés dans les études étaient les mêmes. Enfin, une NMA a été réalisée pour les deux mesures de résultats (EVA de la douleur et VISA-P) à chaque période de suivi où des données adéquates existaient.

Résultats

Un total de 37 essais contrôlés randomisés (ECR) ont été jugés éligibles, incluant 1332 patients (1407 tendons) atteints de tendinopathie rotulienne (âge moyen 29,2 ans). La majorité des patients présentaient une tendinopathie chronique (> 3 mois) et la durée moyenne des symptômes, était de 25,7 mois (intervalle de 1 à 120 mois). Les études incluses ont évaluées, 33 interventions qui ont été appliquées seules ou en combinaison avec d'autres interventions. Le suivi de temps les plus fréquents étaient de 12 et 24 à 26 semaines. Toutes les études incluant la douleur comme critère de jugement (sauf 5 études) ; 31 études utilisaient une échelle numérique de 0 à 10 ou 0 à 100 (« EVA » ou « échelle d'évaluation numérique ») et 1 une échelle catégorielle non numérique. VISA-P a été utilisé dans 30 études. Quinze études ont été considérées avec un risque de biais faible et 22 avec un risque global de biais élevé. Les conclusions des résultats regroupés des données méta-analysées sont présentées ci-dessous.

ESWT + exercice excentrique versus placebo ESWT + exercice excentrique

Deux ECR (l'un à risque élevé et l'autre à risque faible de biais) ont évalué l'efficacité de l'ESWT + exercice excentrique par rapport à l'ESWT simulé + exercice excentrique pour la tendinopathie rotulienne lors d'un suivi à court terme (12 semaines). Le résultat combiné des deux études n'a démontré aucune différence statistiquement ou cliniquement significative pour l'EVA de la douleur (DM +0,1 point d'EVA en faveur du groupe ESWT fictif, IC à 95 % (−0,8 à 1), p=0,84, I 2 =0 %) ou VISA-P (DM -1,8 points VISA-P en faveur de l'ESWT fictif (-8 à 4,4), p = 0,57, I 2 = 0 %). L'ESWT + exercice excentrique ne semble pas plus efficace que l'exercice fictif ESWT + excentrique pour la douleur ou les résultats fonctionnels sur la base de preuves de force modérée.

Exercice isométrique versus exercice isotonique

Quatre études ont comparé l'exercice isométrique à l'exercice isotonique pour la tendinopathie rotulienne. (un à risque faible et trois à risque élevé de biais) Le résultat combiné des trois études sur l'EVA de la douleur post-intervention immédiate n'a montré aucune différence statistiquement ou cliniquement significative (DM -1,03 points d'EVA en faveur du groupe isométrique, IC à 95 % (-2,6 à 0,5), p = 0,19, I 2 = 70 %) L'exercice isométrique semble aussi efficace que l'exercice isotonique pour réduire la douleur post-intervention immédiate dans la tendinopathie rotulienne sur la base de preuves de faible force.

Exercice excentrique versus exercice concentrique

Deux ECR avec un risque global élevé de biais ont évalué l'efficacité de la charge excentrique par rapport à la charge concentrique pour la tendinopathie rotulienne. Cette méta-analyse a été abandonnée en raison d'une forte hétérogénéité statistique (I 2 = 83 %) ; par conséquent, aucune conclusion concernant cette comparaison n'a pu être tirée.

Résultats - NMA

Pour l'EVA de la douleur à court terme (8 à 12 semaines), un total de 16 études ont été utilisées pour la NMA, qui a évalué 17 interventions différentes FIGURE 3A. Pour le VISA-P à court terme (8 à 12 semaines), 19 études ont été utilisées pour la NMA, qui a évalué 21 interventions différentes FIGURE 3B.
Les interventions avec le rang médian le plus élevé pour l'EVA de la douleur étaient GTN + excentrique et l'exercice de résistance modérée et lente HSR. Dans la comparaison directe des deux exercices GTN + excentriques préférés. Cependant, la différence n'était pas significative (0,3 points EVA (-5,2 à 5,8). L'intervention avec le rang médian le plus bas était l'exercice concentrique.
Pour VISA-P, l'intervention avec le rang médian le plus élevé était l'injection d'acide hyaluronique + exercice excentrique et celle avec le rang médian le plus bas était l'exercice concentrique.
Les données à moyen et à long terme étaient inadéquates pour les NMA.

Discussion

Dans la plus grande revue systématique et méta-analyse d'ECR à ce jour, le résultat le plus frappant était l'absence de preuves adéquates de haute qualité pour démontrer de manière convaincante des résultats supérieurs associés à des modalités de traitements spécifiques. Sur la base des preuves d'une force modérée des méta-analyses par paires, l'ESWT + exercice excentrique n'est pas plus efficace que l'ESWT fictif + exercice excentrique à 12 semaines pour la douleur ou VISA-P et sur la base des preuves d'exercices isométriques et isotoniques de faible force semblent tout aussi efficaces pour un soulagement immédiat de la douleur post-intervention. La NMA a constaté que les classements de traitement favorisaient un traitement combiné avec un GTN topique et un exercice excentrique, un exercice de résistance modérée et lente HSR pour la douleur et un traitement combiné avec un exercice hyaluronique et excentrique pour VISA-P. La monothérapie par exercice concentrique avait la probabilité la plus élevée d'être le traitement le moins efficace pour la douleur VAS et VISA-P. Les résultats de l'AMN doivent être interprétés avec prudence car ils sont basés sur des études présentant un risque global élevé de biais ; cela se reflète dans la force des preuves faible/très faible qui accompagne ces résultats.

Cette étude n'est pas sans limite. Malgré l'inclusion de tous les ECR pertinents publiés à ce jour, des évaluations approfondies du risque de biais et de la force des preuves et la mise en commun des résultats à des moments de suivi prédéfinis, le manque de preuves a empêché de tirer des conclusions avec une certitude suffisante pour la plupart des comparaisons. Enfin, bien que la plupart des études incluaient des individus sportifs, la nature, le niveau et la fréquence des sports n'étaient pas homogènes.

Conclusion

  1. Sur la base de ces résultats et de ceux des revues systématiques précédemment publiées, les auteurs déconseillent l'utilisation de la thérapie par ondes de choc (ESWT) ou d'une thérapie par exercice concentrique isolé pour gérer la tendinopathie rotulienne.
  2. La charge excentrique doit continuer à être utilisée comme traitement de première intention et la charge isométrique, qui peut être aussi efficace pour le soulagement immédiat de la douleur (preuve faible), peut être préférable dans certains cas.
  3. Les exercices de résistance lente et lourde ou modéré semblent également efficaces et pourraient être utilisés à la place ou en combinaison avec des exercices excentriques, bien que leur efficacité ne soit basée que sur des preuves limitées.
  4. Les injections de GTN (le trinitrate de glycérol) et/ou d'acide hyaluronique pourraient être considérées comme des compléments à 12 semaines si les traitements de charge seuls ont été inefficaces.

L'article

Challoumas D, Pedret C, Biddle M, et al. Management of patellar tendinopathy: a systematic review and network meta-analysis of randomised studies. BMJ Open Sport Exerc Med. 2021;7(4):e001110. Published 2021 Nov 29. doi:10.1136/bmjsem-2021-001110
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