Les effets de l'entraînement des muscles du tronc sur la condition physique et les performances sportives spécifiques chez les athlètes jeunes et adultes : Une revue systématique avec méta-analyse

Kinesport
Les muscles du tronc assurent la stabilité proximale pour la mobilité distale. Par conséquent, le tronc a été décrit comme une "centrale d’énergie" en raison de sa capacité à transférer, absorber et rediriger l'énergie cinétique pendant les activités fonctionnelles. En tant que lien cinétique, reliant les extrémités supérieures et inférieures pendant les mouvements, le tronc joue un rôle essentiel dans l'acquisition et l'exécution de gestes spécifiques au sport, la performance sportive et les activités de la vie quotidienne. Malgré le nombre d'études reconnaissant l'importance de l’entraînement des muscles du tronc (Trunk Muscle Training – TMT) pour la performance sportive, les preuves disponibles ne sont pas concluantes.

Au cours des dernières décennies, des études et des analyses de différentes stratégies de TMT ont été réalisées. Cependant, plusieurs de ces études ont porté sur des participants ayant un faible niveau sportif. De plus, le manque d'homogénéité entre les interventions de TMT en termes de fréquence d'entraînement hebdomadaire, de durée de chaque session d'entraînement et du nombre de séries et de répétitions pourrait expliquer les résultats peu concluants de la littérature.

Les différences de niveau sportif et d'âge n'ont pas été incluses précédemment dans les modèles explicatifs. Lorsqu'on applique des stimuli d'entraînement similaires à des participants ayant une expertise différente en matière d'entraînement et/ou une condition physique différente, les individus moins expérimentés réalisent des améliorations plus importantes. Cependant, ce phénomène n'a pas été formellement examiné en incluant des sportifs d'âges différents effectuant du TMT. 
Seules quelques revues sur le TMT ont été effectuée et à la connaissance des auteurs, une seule méta-analyse a inclus des sportifs entraînés. De plus, cette dernière a également inclus des individus s’entraînant de manière récréative et n’a pas effectué d’analyse de sous-groupes pour des variables modératrices telles que l’âge, le sexe et le niveau sportif.

Par conséquent, l'objectif principal de cette revue systématique et de cette méta-analyse était d'examiner les effets de l’entraînement des muscles du tronc (TMT) sur la condition physique et la performance spécifique au sport chez des sportifs en compétition. En outre, des analyses de sous-groupes, qui font défaut dans la littérature, ont été proposées afin d'étudier si les caractéristiques des participants, telles que l'âge, le sexe et le niveau sportif, étaient des modérateurs significatifs des effets du TMT, et d'examiner l'effet des paramètres de programmation de l'entraînement, tels que la fréquence d'entraînement hebdomadaire, la durée des séances et l'exposition chronique à l'entraînement, sur les résultats du TMT.

Méthode

Stratégie de recherche 

Une recherche systématique a été menée sur PubMed, Web of Science et SPORTDiscus. Des revues et des méta-analyses antérieures ont été utilisés pour définir la stratégie de recherche, qui a été menée en utilisant l’équation de recherche suivante : ("core training" OR "core stability" OR "core endurance" OR "core strength" OR "trunk training" OR "trunk stability" OR "trunk endurance" OR "trunk strength") AND ("athletes" OR "players") AND ("performance" OR "velocity" OR "speed" OR "height" OR "distance" OR "time") AND ("training intervention" OR "training period")

Critères de sélection 

Critères d’inclusion 

Participants :
  1. Sportifs en compétition, actifs et en bonne santé, non-blessés
  2. Agés de 10 à 40 ans
Intervention :
  1. TMT supplémentaire (au moins 10 séances sur au moins 6 semaines) en plus de l’entraînement habituel
  2. Indicateur de performance rapporté (mesure de la condition physique ou de la performance sportive spécifique)
  3. Comparateur inclus

Critères d’exclusion 

Les études comparant deux types de TMT ont été exclues (car aucune intervention ne peut servir de groupe contrôle).

Le TMT a été défini comme un programme d’entraînement avec des exercices spécifiques avec pour objectif principal de cibler les muscles antérieurs, postérieurs et latéraux du tronc (par exemple abdominal curl, planches de gainage, etc.). Les études incluant seulement des exercices avec une sollicitation du corps entier (par exemple l’haltérophilie, les squats, le développé couché, le tirage, les soulevés de terre) ont été exclues également.

Qualité des études 

Deux examinateurs indépendants ont évalué le risque de biais et la qualité méthodologique des articles éligibles en utilisant l'échelle PEDro. Un score de 6 ou plus représente le seuil des études présentant un faible risque de biais. Les scores ont été interprétées comme suit : 6-7 "excellente qualité", 5 "bonne qualité", 4 "qualité modérée", et 0-3 "mauvaise qualité. 

Extraction des données

Chaque étude a été analysée en fonction des variables suivantes : le sport, le niveau de pratique, le nombre de participants, l'âge, le sexe, les mesures de performance spécifiques au sport, les données de condition physique et l'endurance sur des exercices des muscles du tronc.

Les données relatives à la condition physique ont été réparties dans les catégories suivantes : puissance musculaire des membres inférieurs (puissance produite, performance de saut vertical et horizontal et accélération sur 0-10 m), vitesse de sprint linéaire (sprint sur 20-40 m), vitesse de changement de direction (CODs/agilité), endurance musculaire locale (par exemple un nombre de pompes) et force musculaire maximale (par exemple contraction isométrique maximale, couple isocinétique et sur des mouvement dynamique comme un squat ou sur une presse). Les mesures de performance spécifiques au sport comprenaient la vitesse de lancer, la distance de drive (golf) et le temps de course (aviron et natation).

De plus, des paramètres de programmation, tels que la fréquence d'entraînement hebdomadaire, la durée de l'intervention, le nombre total de séances d'entraînement et la durée par séance, ont été relevés.

Résultats

La recherche a identifié 584 articles potentiels dont 31 répondaient aux critères d’inclusion. Les études incluses comprenaient 693 sportifs jeunes et adultes (n = 369 dans le groupe d'intervention, n = 324 dans le groupe de contrôle) de différentes disciplines sportives.
En termes d'évaluation de la qualité à l'aide de l'échelle PEDro, le score de qualité médian était de 5 points, ce qui peut être classé comme une bonne qualité méthodologique avec un faible risque de biais. Vingt-trois des études ont atteint le score seuil prédéterminé de ≥ 5 points, 14 études ont été notées comme "excellentes" (≥ 6 points), neuf études comme "bonnes" (5 points), cinq comme "modérée" (4 points) et deux comme "mauvaise" (≤ 3 points).

Analyses principales

Analyses en comparaison à l’entraînement régulier seul, indépendamment de l’âge, du sexe et du niveau sportif.

Endurance musculaire

  • Effet modéré mais non significatif de l’entrainement des muscles du tronc (TMT) sur l’endurance des muscles du tronc (9 études)
  • Effet important du TMT sur l’endurance musculaire locale (4 études)

Vitesse de sprint linéaire et COD/Agilité

  • Effet modéré en faveur du TMT sur la vitesse de sprint linéaire (12 études)
  • Effet modéré du TMT sur la performance de COD/agilité (9 études)

Force et puissance

  • Faible effet en faveur du TMT sur la puissance des membres inférieurs (16 études)
  • Faible effet en faveur du TMT sur la force musculaire maximale (6 études)

Performance sportive spécifique

  • Effet modéré du TMT sur la performance sportive spécifique (12 études)

Variables modératrices liées au participant

L'analyse univariée des sous-groupes a indiqué que l'âge modulait significativement les effets du TMT, mais seulement pour les performances de COD/agilité. Plus précisément, les effets du TMT sur les CODs étaient significatifs et importants chez les enfants mais pas chez les adolescents et les adultes.

Les paramètres de programmation 

Les analyses univariées des sous-groupes ont révélé que le nombre total de séances d'entraînement modérait significativement les effets du TMT sur la puissance musculaire des membres inférieurs et la vitesse de sprint linéaire. Des effets significatifs du TMT ont été trouvés pour la puissance musculaire des membres inférieurs et la vitesse de sprint linéaire pour plus de 18 sessions de TMT. En outre, la durée de la session a modéré de manière significative les effets de la TMT sur la vitesse de sprint linéaire, les CODs et la performance sportive spécifique. Alors que les séances de TMT d'une durée ≤ 30 min ont permis d'améliorer significativement la vitesse de sprint linéaire et de COD, les séances d'une durée > 30 min ont amélioré significativement la performance spécifique au sport.

Discussion

Les analyses ont montré des effets faibles à modérés sur les données de condition physique (par exemple la force des muscles du tronc) et de performance spécifique (par exemple le temps de nage) en faveur du TMT par rapport aux groupes contrôles. Des différences significatives entre les groupes ont été observées en fonction de l’âge mais pas pour le sexe et le niveau sportif. Par rapport aux paramètres de programmation, une différence significative à été trouvée par rapport au nombre total de séances de TMT pour la puissance musculaire et la vitesse linéaire, et pour la durée des séances pour la vitesse linéaire et les CODs, mais pas pour la durée de l’intervention et la fréquence hebdomadaire des séances.

Malgré le nombre important d’études incluses dans cette méta-analyse, la qualité des études étaient acceptable par rapport à la précédente méta-analyse sur le sujet qui n’avait inclus que 2 études d’excellente qualité. Malgré cette amélioration de la qualité et le plus grand nombre d’études incluses, l’hétérogénéité dans le contenu et la programmation de l’entraînement, les différences de niveau sportif, l’évaluation de la performance sportive, et le nombre de participants recrutés doit être pris en considération dans l’interprétation des résultats. Par exemple, dans 24 des études incluses, les séances hebdomadaires de TMT ont été effectuée en plus de l’entraînement de base. Cette augmentation du volume d’entraînement pourrait potentiellement induire des adaptations neurologiques et morphologiques en faveurs des groupes TMT.

Analyses principales 

A la connaissance des auteurs, il s’agit de la première méta-analyse sur le TMT incluant des athlètes en compétition âgés de 10 à 40 ans. Par rapport à la performance sportive spécifique, les analyses des 12 études inclues démontrent des effets modérés en faveur du TMT, ce qui confirme d’autres résultats ayant montré une plus grande puissance et une utilisation plus efficace des membres après un TMT. 

Analyses en sous-groupes des variables modératrices liées au sujet

Cette étude a révélé des effets faibles à modérés du TMT sur les CODs, la vitesse de sprint linéaire et la puissance musculaire. Si Prieske et al. avaient trouvé des résultats similaires, on retrouve dans la présente étude des analyses de sous-groupes supplémentaires en fonction de l’âge (enfants, adolescents, adultes), du niveau sportif et du sexe. Les résultats de cette étude ont démontré des différences entres les groupes dans les analyses des sous-groupes d’âge mais pas pour le niveau et le sexe. Le TMT a provoqué des effets importants sur les CODs chez les enfants mais pas chez les adolescents et les adultes. Des méta-analyses antérieures ont démontré des adaptations de force plus importantes chez les sujets plus âgés (> 15 ans) par rapport à des participants plus jeunes, ainsi que des gains de force plus important chez les sujets pubertaires et post-pubères que chez les sujets prépubères. Différentes modalités d’entraînement en force ont fréquemment été utilisées pour améliorer les performances de COD/agilité et de sprint linéaire, et les résultats de la présente étude sont quelque peu surprenant. Néanmoins, lors de l’application de stimuli d’entraînement similaires chez des participants avec des niveau d’entraînement et/ou de condition physique différente, les individus moins expérimentés obtiennent des améliorations plus importantes que les sujets plus expérimentés. La présence d’un plafond peut expliquer les effets plus importants du TMT sur les performances de COD/agilité chez les enfants par rapport aux adolescents et aux adultes. 

Analyses en sous-groupes des paramètres de programmation de l’entraînement

Il est généralement admis qu'il existe une relation dose-réponse entre le volume d'entraînement en force et les adaptations physiologiques. Cependant, les programmes de TMT ne sont pas nécessairement conçus pour améliorer la section transversale ou la production de force, mais peuvent également être prescrits pour améliorer la capacité à stabiliser le complexe lombo-pelvien/hanche. Par exemple, pendant un swing au golf, la fonction du tronc n'est pas de rendre le complexe lombo-pelvien/hanche rigide et raide via une co-activation maximale des muscles du tronc, mais plutôt de fournir un contrôle fin et un alignement positionnel du tronc sur le bassin pendant le mouvement, afin d'optimiser la production, le transfert et le contrôle de la force. Conformément à cet objectif, plusieurs des programmes de TMT examinés dans cette étude ont été conçus pour améliorer la stabilité du tronc, ou une combinaison de force, de stabilité et/ou d'endurance. Ceci peut expliquer en partie les résultats des analyses de sous-groupes des paramètres de programmation liés à l'entraînement, qui n'ont pas nécessairement soutenu une relation dose-réponse pour le TMT comme cela est typiquement observé pour les programmes traditionnels d'entraînement en force.

Limites de l’étude 

  • Le TMT n’est pas un concept simple avec une programmation d’exercices homogène et peut inclure de la stabilité, de la force, de l’endurance du tronc ou une combinaison des ces types d’entraînement. Ces différences méthodologiques peuvent expliquer l’hétérogénéité considérable des résultats.
  • Dans un contexte de performance sportive, le TMT n’est jamais appliqué de manière isolée et son impact peut donc être brouillé par l’adaptation attribuable à d’autres types d’entraînement. Par exemple, d’autres études ont montré une activation similaire ou supérieure des muscles du tronc lors entraînement des membres inférieurs avec charges lourdes, par rapport à des exercices isolés du tronc.
  • Peu d’études ont été trouvées sur les sportifs d’élite et chez les femmes
  • Les effets du TMT sur le long terme ne sont pas clairs étant donné que la durée moyenne des interventions n’était que de 9 semaines.
  • Seul l’âge chronologique a été rapporté dans les études avec des adolescents, et pas les différences de maturation
  • De futures études devraient clairement décrire les paramètres de programmation tels que le nombre de séries et/ou de répétitions, l’intensité (en utilisant les notes RPE), la durée et la fréquence des séance afin de comparer directement les effets dose-réponse du TMT sur les résultats de performance
  • Les facteurs comme l’utilisation de charge externe ou le poids de corps ou les consignes d’exécution doivent également faire l’objet d’études supplémentaires afin d’évaluer si différents paramètres du TMT influences la condition physique et la performance sportive spécifique.

Conclusion

  • L’entrainement des muscles du tronc (TMT) est un complément important de l’entrainement spécifique au sport. Cette méta-analyse retrouve :
      Des effets modérés sur la performance sportive spécifique
      Des effets faibles à importants sur la condition physique
      Des effets modérés sur l’endurance des muscles du tronc

  • Les variables modératrices telles que l’âge, le sexe et le niveau sportif semblent avoir un effet mineur sur les résultats globaux

  • Sur la base des résultats de cette étude, il est recommandé :
      De faire des interventions de TMT plus longues (> 18 séances) et/ou des séances plus courtes (≤ 30 min) pour améliorer la puissance des membres inférieurs, la vitesse de sprint linéaire et les CODs
      De faire des séances plus longues (> 30 min) à une fréquence de 2 fois par semaine pour améliorer la performance sportive spécifique

  • De futures études sont nécessaires chez les sportifs de haut niveau et chez les femmes afin d’augmenter nos connaissances sur les effets du TMT sur une population sportive d’élite et pour déterminer si ceux-ci varient en fonction du sexe.

  • L’entraînement des muscles du tronc n’étant pas homogène avec une grande variété de modalités d’entraînement, de futures études devraient s’intéresser aux effets des différentes approches de TMT

L'article

Saeterbakken, A.H., Stien, N., Andersen, V. et al. The Effects of Trunk Muscle Training on Physical Fitness and Sport-Specific Performance in Young and Adult Athletes: A Systematic Review and Meta-Analysis. Sports Med (2022). https://doi.org/10.1007/s40279-021-01637-0
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