L’effet du sport sur les fuites urinaires et le périnée

Layla Lemaire
Layla Lemaire nous propose un texte qui traite des fuites urinaires à l’effort chez les femmes sportives nullipares. Nous pourrions aborder le thème des fuites urinaires à l’éffort chez les hommes mais celles-ci sont moins présentes 6​ (femmes 51,9% vs homme 13,9%) et moins étudiées.3​ Les publications suggèrent que les athlètes avaient trois fois plus de risques de développer des fuites urinaires que les non-athlètes. 5​ La prévalence d’incontinence urinaire est de 10% chez la jeune femmes nullipare, augmente de 20 à 30% dans la population jeune et active et peut aller jusqu’à 30% chez la femme nullipare sportive.1​0 ​Les fuites urinaires sont à ce jour encore un tabou dans la societé, les pourcentages donnés ci-dessus peuvent être sous-estimés car ce tabou peut être un frein pour en parler à son médecin, gynécologue, kinésithérapeute, ect.1​0

Comme le mentionnent plusieurs auteurs, la question se pose  si le sport pouvait avoir une influence sur le muscle du périnée profond et donc la performance des femmes athlètes.1​ ,12 La définition de l’incontinence urinaire retenue est la nouvelle définition proposée par l’International Continence Society (ICS)(2003) : « toute perte involontaire d’urine dont se plaint le patient »​ 8

Les fuites urinaires lors de la pratique sportive a déjà été prouvé il y a plus de 30 ans

Nygaard  est l’un des pionniers sur la problématique des fuites urinaires chez les femmes sportives. Il a effectivement démontré que 28% des athlètes participant à son étude en 1997 souffraient de fuites urinaires pendant leur sport.1​ ​Les fuites étaient en fonction des sports pratiqués: 10% des nageuses souffraient de fuites urinaires liées à l'effort. Tandis que 2⁄3 des gymnastes, 50% des athlètes professionnelles et danseuses de ballet avaient souffert de fuites urinaires.1​ ​La fréquence des fuites peut varier entre 0 et 80% en fonction de la contrainte physique de chaque sport.​2,3,7 On voyait déjà que les sports à haut impact avaient plus d'influence sur les fuites urinaires que les sports à bas-impact. 1​

Quels facteurs ont un impact sur les fuites urinaires?

Almosa ​et al ont effectué une revue systématique qui compare tous les articles qui ont étudié les fuites urinaires chez les femmes nullipares sportives. Les résultats montrent des fuites urinaires allant entre 5 à 80% chez les athlètes en fonction du sport pratiqué. Les facteurs de risque pour l’apparition sont généralement : ​l’obésité​, la parité, la grossesse, la chirurgie pelvienne antérieure, l’âge, le ​BMI​, la constipation, les troubles du comportement alimentaire 10​ et les ​sports à haut impact.5​ ,10​ :

  • L’étude montre qu’en motivant les jeunes femmes à être active, on peut avoir une influence sur le BMI et invariablement diminuer la possibilité d’avoir des fuites urinaires.1​ Tout en gardant à l’esprit que le sport pratiqué pour perdre du poids pourra influencer les muscles du périnée profond.
  • Une étude faite sur des femmes qui pratiquent le crossfit a montré que les femmes qui avaient été enceinte ou avaient accouchée par voie vaginale avaient plus de fuites urinaires que les femmes qui n’avaient pas eu d’enfants, ni de grossesse.1​ 1 Important à noter que même les femmes nullipares dans cette étude avaient aussi des fuites urinaires. Les fuites urinaires étaient augmentées dans cette étude par les double-unders, la corde à sauter et les box-jumps.1​ 1, 4
  • Le sport à haut impact peut-être un facteur de risque pour les fuites urinaires au sein des femmes sportives car, selon certaines hypothèses, l’augmentation répétée de pression intra-abdominale générée par les sports à haut impact durant les exercices engendre une pression trop grande sur le périnée.5​ ,4,7 ​Certaines études ont prouvée que la force de contraction du périnée n’est pas liée aux fuites urinaires. 7​
  • Beaucoup de femmes ont une vie sédentaire et essayent donc de compenser avec une activité physique en allant dans les salles de gym et/ou en pratiquant le sport à domicile sans avoir de conseils sur comment bien protéger et renforcer leur périnée. Des exercices mal effectués peuvent être aussi néfastes pour le périnée que les facteurs de risque comme la parité, le BMI, l’accouchement par voie vaginale, ect.1​ 3

Alors, pourquoi certaines athlètes souffrent plus de fuites urinaires que d'autres?

Certains sports ont un plus grand impact sur le périnée que d’autres. Dans les sports où il y a un impact au sol comme par exemple le trampoline, la gymnastique, le volleyball ou la corde à sauter, la force générée sur le corps lors de l’impact au sol est plus haute que dans d'autres sports.2​ ,4,5

Le type de sport peut-il influencer les fuites urinaires?

Une étude indique que l'atterrissage au sol sur le talon génère une ‘’force maximale ou sol’’ qui peut aller jusqu’à 10 à 16 fois le poids du corps, ce qui peut expliquer que cette force aie une influence sur le périnée 9​ ,10 Le mécanisme d’hyperpression intra-abdominale augmente peut à terme influer sur la statique pelvienne et créer un déséquilibre entre une sangle abdominale trop puissante et un plancher périnéal insuffisamment musclé, favorisant des fuites urinaires à l'effort 1​ 2,10,13 . Les sportives ont expérimenté plus de fuites lors des entraînements (95,7%) versus lors de la compétition (51,2%).3​ ​Ce qui peut confirmer une hypothèse qui indique qu’une pression intra-abdominale répétée durant le sport peut fatiguer le périnée qui à son tour diminue l'efficacité du mécanisme de continence du périnée.,​ 7,10,13 Les trampolinistes ne se plaignent pas de fuites en dehors de leurs activités sportives, leur muscle semble être assez fort pour éviter les fuites urinaires lors de l'éternuement ou la toux mais pas lors de l'atterrissage sur un trampoline. 2​ ,3 Lousquy ​et al ​nous expliquent que l’incontinence d’effort survient lorsque la pression vésicale dépasse les capacités sphinctériennes au cours d’un effort en dehors de toute contraction vésicale. 1​ 0

L’influence à long terme

A long terme, Nygaard ​et al ne trouvent pas de résultats qui prouvent que les femmes qui ont exercé un sport à fort impact précédemment auraient plus de fuites urinaires 20 ou 30 ans plus tard en comparaison avec les femmes qui avaient participé à de sport à bas impact (gymnastique vs natation) (une possibilité de prolapsus n’est pas mentionnée dans cette article).1​ ,10

L’influence de ces fuites dans la pratique sportive de nos patientes et leur hygiène de vie

Cependant, une athlète sur trois qui on eu des fuites urinaires dans l’étude de Thyssen, signale que ces fuites sont pour elles un problème social et hygiénique. 60% d’entre elles portent des protections. Ces fuites urinaires ont un impact sur leur qualité de vie à cause de la sensation d’embarras, la peur de l’odeur et la détresse sociale qui pousse les femmes affectées à se distancer d’une activité physique ou vie sociale. 5​ ,7 ​Nygaard ​et al ont rapporté que 20% des jeunes femmes ont arrêté le sport à cause de ces fuites. Les fuites urinaires sont une barrière pour beaucoup de femmes pour la pratique de certains sports. L’importance est donc d’informer et de traiter ces fuites urinaires pour pouvoir assurer une pratique sportive agréable et sans blocage autant chez les athlètes de haut niveau que les sportives récréationnelles.1​ ,6,7 La plupart des articles montrent que les sportives ne sont pas informées, conseillées et traitées pour leurs fuites urinaires. Par exemple, dans l’étude de Dobrowski, la majorité des athlètes (corde à sauter) ont exprimé ne pas souffrir de leur fuites urinaires dans leur vie de tous les jours et aucune n’a arrêté de pratiquer la corde à sauter. Elles ont par contre arrêté la pratique des double et triple unders à cause des fuites urinaires durant ces deux activités-la. Encore une fois, cette étude montre que malgré le haut taux d’athlètes atteintes de fuites urinaires durant leur pratique sportive, aucune ne recevait d’informations ni de traitement. 6​ Selon une enquête de Salvatore ​et al. 10,4% des femmes interrogées qui souffraient de fuites urinaires ont arrêté leur pratique sportive et 20,8% ont diminué les fréquences d'entraînements 1​ 0 . Comme le mentionnent aussi Fozzati et al., le manque d’informations sur l’incontinence, la prévention et le traitement peut engendrer 2 différents comportement:

  • Les femmes qui concluent que la perte d’urine pendant l’exercice est normal et l’acceptent. Elles aggravent donc la situation en continuant des exercices délétères.
  • Les femmes qui arrêtent tout simplement toutes activités sportives ce qui malheureusement a un grand impact sur le reste de leur vie. 1​ 3 ​


On en conclut que les fuites urinaires induites par l’activité physique non prises en charge sont sources de démotivation sportive.1​ 0, 12 Il est important de ne pas négliger l’impact des fuites urinaires chez les sportives. Comme mentionnée plus haut, il n’y a pas d’effet prouvés sur les fuites urinaires à long terme entre les sports à haut impact et à bas impact. Cependant,on ne peut négliger l’impact qu’ont les fuites urinaires sur la pratique sportive en générale, avec toutes les conséquences sur la performance que l’on peut en tirer. Plusieurs études et ce dans plusieurs domaines de sports différents, ont mentionné que ces fuites urinaires avaient une influence sur les pratiques sportives.
Certaines ont arrêté le sport, d’autres ont diminué la pratique sportive et d'autres encore ont cessé certains exercices qui sont nécessaires au sport pratiqué. Ce qui est important de se rappeler aussi est que beaucoup d’entre elles continuent, que ces fuites leurs posent des problèmes au niveau social et hygiénique. C’est un tabou qui empêche nos sportives d’en parler, influençant leur état psychologique et physique. Si les sportives utilisent d’autres stratégies lors d’un exercice pour éviter des fuites urinaires (pad, pantalon noir, moins d’hydratation​), ces stratégies altéreront la prestation.

Conclusion et orientation

  • En apprenant aux sportives à rediriger les forces lors des exercices, la sangle abdominale sera plus performante ce qui invariablement aura une influence sur les résultats lors des entraînements et compétitions. Aussi, pouvoir en parler et comprendre ce problème ne pourra être que bénéfique pour la santé mentale et sportive des athlètes. La peur d’avoir des fuites urinaires et les systèmes utilisés pour se protéger de ces fuites prennent une grande place psychologiquement. Si nous avons la possibilité de réduire la charge mentale que ces fuites ont sur nos patientes, elles n'en sortiront que plus fortes et plus concentrées sur l’objectif principale: le sport.
  • En tant que kinésithérapeute du sport, nous sommes des acteurs importants dans la bien-être de nos sportifs, c’est pourquoi il est important de prendre en compte que ces fuites urinaires ont un grand impact sur la prestation sportive et surtout sur la psychologie de nos patientes. Il est important que nous changions nos habitudes, de lever le tabou sur ce sujet en informant et en traitant ces fuites urinaires. Il fait partie d’une prise en charge globale de la sportive.

BIBLIOGRAPHIE

Learn to use all the related tools, walk into a job and be a rockstar from day one
1. Nygaard et al​., 1997. ​Does prolonged high impact activity contribute to later urinary incontinence? A retrospective cohort study of female olympians,​ 718 - 722
2. Thyssen et al.​ , 2002. ​Urinary incontinence in elite female athletes and dancers​., International urogynecology journal. 15 - 17
3. Eliasson et al​,. ​Prevalence of stress incontinence in nulliparous elite trampolinists​. Medicine & science in sports p. 106 - 110
4. Pisani et al. 2020, ​Pelvic floor dysfunctions and associated factors in female crossfit practitioners: a cross-sectional study,​ international urogynecology journal
5. Hazar et al., 2020, ​Urinary incontinence female volleyball players, science
mouvement and health,​ p. 233 - 236
6. Dobrowski et al,​. ​Urinary incontinence among competitive rope-skipping
athletes: a cross-sectional study,​ international urogynecology journal
7. Almousa et al 2019. ​The prevalence of urinary incontinence in nulliparous female sports women: a systematic review, Journal of sportscience​, p 1466 -
1477
8. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/recommandations_mise_en_pa
ge_2006_2006_12_01__10_19_39_825.pdf
9. Hay et al.,​ 1993, ​Citius, altius, longius (faster, higher, longer): the biomechanics ofjumpingfordistance.​ Journalofbiomechanics p.7-21
10. Lousquy et al. 201​4, ​Incontinence urinaire chez la femme sportive​, gynecologie obstétrique & fértilité, p 597 - 603
11. Yang BS​, 2018 ​The effect of high impact crossfit exercises on stress urinary incontinence in physically active women,​ wiley online library, pp1-8
12. Fozzati et al.​ , 2012, ​Prevalence study of stress urinary incontinence in women who perform high-impact exercises,​ international urogynecology journal,pp 1687-1691