Proposer une approche #DREAM à la médecine musculo-squelettique

Arnaud BRUCHARD
Un collectif d'auteurs vient de publier sur le blog du BJSM, une proposition de nouveau protocole de prise en charge des lésions musculo-squelettiques. Certainement, cela conduira à une publication ans les mois à venir. Que nous proposent ils ? Lorsqu'il s'agit de blessures musculo-squelettiques (MSK), la plupart des cliniciens connaissent les acronymes "RICE, POLICE" et même la tentative de Peace & Love dernièrement. 

Les auteurs se demandent en quoi le fait de connaître ces acronymes aide-t-il le processus de réadaptation dans son ensemble ? Ils expliquent que bien qu'ils puissent fournir une structure pour la prise en charge aiguë des lésions musculo-squelettiques, ces acronymes RICE POLICE, PEACE AND LOVE sont extrêmement limités pour ce qui est de fournir un plan qui tienne compte des éléments plus larges et plus holistiques qui affectent le rétablissement des patients. Sur la base de leurs propres expériences cliniques et éducatives, et en révisant un éventail de sources, les auteurs ont constaté que chaque livre/site web/clinicien a une approche différente de la médecine MSK, et qu'ils sont souvent spécifiques au contexte et à la formation de l'auteur/praticien. Par conséquent, ces approches peuvent souvent négliger des facteurs potentiellement essentiels qui influencent les résultats des patients. Bien que chacun d'entre eux a ses propres compétences spécialisées et son propre champ d'action, ce collectif propose un nouveau modèle holistique et multidisciplinaire que tous les cliniciens peuvent utiliser pour guider leur approche des troubles musculo-squelettiques, un modèle qui peut être adapté à tous, des patients sédentaires aux athlètes de haut niveau.

Qu'est-ce que l'approche #DREAM ?

Comme le montre la figure ci-dessus, #DREAM est un acronyme qui résume certains des domaines clés que les cliniciens doivent prendre en compte lorsqu'ils rencontrent un patient souffrant d'une blessure MSK. Chaque blessure aura son propre "#DREAM", qui, en pratique, sera basé sur des preuves scientifiques, l'expérience du praticien et une multitude de facteurs spécifiques au patient. L'objectif de cette proposition n'est pas d'approfondir les preuves qui sous-tendent les composants individuels (par exemple, les preuves soutenant certains protocoles de réadaptation) ou de fournir un guide pour une certaine pathologie, mais de fournir un plan pratique et une liste de facteurs à prendre en compte par les praticiens

D : Diagnostic ( Diagnosis)

Les auteurs rappellent que dans tous les cas, une anamnèse et un examen clinique approfondis doivent être effectués, en tenant compte des red-flags ou des pathologies significatives. D'autres facteurs doivent être systématiquement pris en compte :

R : Facteurs de risque et réhabilitation (Risk Factors & Rehabilitation)

Les auteurs rappellent que le fait de  voir le patient après la blessure, n'empêche pas que vous avez là une occasion potentielle d'agir également en prévention.  Ils expliquent qu'il faut se demander si on peut déterminer quel(s) facteur(s) a(ont) contribué à la blessure en premier lieu et réduire la probabilité qu'elle se reproduise. S'agit-il de la conséquence de nombreux facteurs se conjuguant pour provoquer une blessure, alors qu'un seul facteur pris isolément ne suffirait peut-être pas à y contribuer ?  Y a-t-il des facteurs de risque non modifiables en jeu (âge, antécédents de blessures, etc.) ? Y a-t-il eu une nouvelle activité inhabituelle ou un changement soudain du niveau d'activité ? S'agit-il d'une "erreur d'entraînement" liée à la charge, à un changement de surface de jeu, à une modification du programme S&C, etc. Y a-t-il un problème potentiel de technique ou d'équipement - les entraîneurs sont-ils capables d'identifier quelque chose ? Ont-ils suivi un programme trop " agressif " pour leur " âge d'entraînement " ? Y-a-t-il quelque chose d'autre ? un sur-entraînement, un problème médical non diagnostiqué, des problèmes de santé mentale, etc.

Concernant la réhabilitation, ils expliquent que la rééducation ne doit pas se limiter à une prescription ponctuelle d'exercices. Il faut adopter une approche interdisciplinaire biopsychosociale de la guérison du patient, qui fait appel à des compétences et à des expériences diverses pour maximiser les chances de réussite. pour cela ils délivrent quelques conseils comme :

  • Écouter le patient

  • Dessiner un continuum de réhabilitation et indiquez les étapes. 
RICE/POLICE/PEACE & LOVE etc. - choisissez celui que vous préférez (et que vous pouvez justifier cliniquement).
  • Décharger ou modifier les activités qui provoquent la douleur. 
Restaurer l'amplitude des mouvements et améliorer la proprioception.
  • Éviter le déconditionnement général.

  • Augmenter progressivement la charge sur le tissu blessé et introduire graduellement des charges qui reflètent les exigences de leur état normal/avant la blessure. 
  • Partir de l'objectif final du patient et baser sa rééducation sur cet objectif. 

E : Éducation

Il est rappelé qu'il faut considérer la blessure prise en charge comme une opportunité pour les patients d'améliorer leurs connaissances en matière de santé et de leur donner les moyens de prendre le contrôle et d'agir en tant que principal "conducteur" de leur processus de rééducation. 

A : Analgésie et "accessoires" (Analgesia & ‘Accessories’)

Concernant les analgésiques, les options sont presque infinies dans certains cas. Ils écrivent également, et on ne le répète jamais assez, qu'il faut s'assurer d'être en accord avec les codes antidopage. Il faut  tenir compte de l'objectif du médicament et le prescrire pour les médecins de manière holistique (en tenant compte des problèmes plus larges liés à l'utilisation chronique des AINS et des opioïdes).

Concernant les "accessoires", ils dépendront de plusieurs facteurs (dont le coût, les risques et les preuves), mais peuvent être utiles dans de nombreux contextes. Il faut envisager de :
  • Les répartir dans le calendrier de réadaptation en fonction de l'objectif de l'accessoire (exemples fournis ci-dessous)
  • Veiller à ce que le patient soit conscient de leur rôle et à ce qu'ils ne soient pas considérés comme des " solutions rapides ". 


M : Maintenir le niveau d'activité physique et/ou la forme physique (Maintain Physical Activity Levels and/or Fitness).

Enfin, les auteurs estiment qu'il faut recadrer la blessure de manière à mettre en évidence ce que le patient peut encore faire.  Pour cela, pourquoi pas envisager d'adopter une approche de type "entretien motivationnel" ou d'essayer une "intervention brève" si le temps est limité, et d'essayer de trouver des moyens de surmonter les obstacles spécifiques au patient. Pour les athlètes, la blessure est une occasion de s'améliorer dans d'autres domaines et il est conseiller de leur donner des exemples et des occasions de s'améliorer dans ces domaines.

Résumé

Les auteurs ont  constaté que le modèle #DREAM, qui adopte une approche holistique et multidisciplinaire, fonctionne bien à la fois sur le plan clinique  et comme guide pour les professionnels de santé. les auteurs souhaitent rassembler l'expertise et les perspectives d'un certain nombre de disciplines, afin d'informer l'approche de tous les cliniciens qui travaillent dans le domaine des maladies musculo-squelettiques et de garantir que les patients reçoivent un niveau de soins de premier ordre.

L'article

Proposing a #DREAM approach to musculoskeletal medicine- July 2, 2021 by BJSM
A proposed holistic and interdisciplinary model of care -https://blogs.bmj.com/bjsm/2021/07/02/proposing-a-dream-approach-to-musculoskeletal-medicine/